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"La guerre du Péloponnèse" : premier conflit total

  • Publié le 7 décembre 2014 à 11:50

Bien loin du pavé de l'été, à pratiquer couché, en guise d'oreiller sur la plage, Flammarion (Champs Hitoire) a réédité il y a quelque années déjà un ouvrage fort utile à qui veut comprendre notre monde et les guerres qui en accompagnent les mutations. Apparent paradoxe, cet ouvrage écrit par un historien américain contemporain, Victor Davis Hanson, spécialiste de l'histoire antique - militaire notamment - s'attache à l'exégèse d'un autre historien, Thucydide, qui lui-même avait raconté et analysé la guerre du Péloponnèse à laquelle il avait participé es qualité de général athénien.

La magistrale leçon de ces regards croisés porte sur le caractère exemplaire et fondateur de ce conflit qui dura près de 30 ans (Ndlr : de 431 à 404 avant J.-C.), et lors duquel les belligérants expérimentèrent toutes les formes de guerre, jusqu'au terrorisme. Autre aspect indicatif de ce long conflit, il opposait Athènes, puissance marchande, son empire et ses alliés de la ligue de Délos, vecteurs de la démocratie, à Sparte, une oligarchie vouée à la guerre, et ses alliés de la Ligue du Péloponnèse.

Ce conflit qui dura près de 30 ans, avec des périodes de paix relative, mit en exergue les faiblesses du système démocratique capable de produire des décisions catastrophiques ; de même, il scella le destin de Sparte qui reposait essentiellement sur la terreur qu'inspiraient ses hoplites, en matière de politique extérieure, mais aussi, vis-à-vis des Hilotes, réduits en esclavage au seul profit des aristocrates guerriers.

L'intérêt du travail de Hanson réside dans son approche didactique de l'ouvrage de Thucydide qu'il aborde et explique de manière non linéaire ou chronologique, mais thématique :

Le feu : la guerre contre la terre

La maladie : la peste à Athènes

La terreur : la guerre de l'ombre

La cuirasse : les batailles de hoplites

Les murs : les sièges, la poliorcétique

Les chevaux : le désastre de Sicile

Les navires : la guerre en mer

Le paroxysme : combats de trières en mer Egée

La ruine : vainqueurs et vaincus

On est littéralement sidéré par le monde décrit par Thucydide, du fait de sa "modernité". La guerre du Péloponnèse fut en quelque sorte la première guerre "mondiale", au sein du monde grec et de son environnement. Un affrontement sans pitié entre deux superpuissances, doublé d'une guerre civile.

Pour appartenir à des cités plus ou moins indépendantes ou autonomes, Athéniens, Spartiates et leurs alliés parlaient la même langue, fréquentaient les mêmes sanctuaires voués aux mêmes dieux, pratiquaient des rites politiques et guerriers communs. C'est la Grèce de Périclès, du Parthénon, des " Jeux " olympiques et delphiques, du Droit, de la tragédie, des beaux-arts, qui s'étripa pendant 30 ans en se livrant à la première guerre "totale" de l'histoire. La terreur qu'inspiraient les fantassins spartiates suscita des stratégies innovantes chez les Athéniens qui n'hésitaient pas à utiliser leur extraordinaire flotte de combat pour projeter des corps expéditionnaires loin du champ de bataille, dans le dos de leurs adversaires… et ce jusqu'en Sicile ! Les Spartiates et leurs alliés furent contraints eux aussi de s'adapter, d'accepter l'argent perse, s'improvisant dans des opérations de siège, dans le combat naval.

De part et d'autre, la terreur fut de mise, et l'on massacra sans pitié populations civiles, prisonniers et otages, sans parler des précieux rameurs de combat, tués comme des thons, par milliers, alors même qu'ils tentaient de survivre au naufrage de leurs trirèmes…

Du Parthénon aux latomies, la chute de l'empire athénien devrait servir à la réflexion de nos contemporains, qui montre que démocratie ne rime pas forcément avec sagesse, et qu'à l'issue d'un conflit, le vainqueur n'est pas toujours celui que l'on croit. A la fin de l'histoire Sparte s'avéra un modèle politique désuet et incapable d'assumer sa victoire qui profita in fine à la Thèbes d'Epaminondas puis à la Macédoine de Philippe et surtout d'Alexandre. 

L'ouvrage de Hanson se lit comme un roman, à ceci près qu'il s'agit là d'histoire, la nôtre.

La guerre du Péloponnèse - Victor Davis Hanson - Collection Champs Histoire - Flammarion.

Philippe Le Claire pour www.ipreunion.com

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