Les scientifiques de l'Institut de recherche pour le développement travaillent sur la recrudescence des attaques

Antonin Blaison : "Si on nous écoute, on peut diminuer le risque requin"

  • Publié le 25 juillet 2013 à 05:15

De retour d'un colloque en Afrique du Sud consacré aux requins bouledogues, le scientifique de l'IRD (Institut de recherche pour le développement) Antonin Blaison et son équipe cherchent des explications à la recrudescence des attaques à La Réunion. "On avance très vite mais on avait 20 ans de retard", souligne-t-il, avançant des résultats "très encourageants". C'est pourquoi il assure que "si nous écoute, on peut diminuer les risques".

Avez-vous observé une présence anormalement élevée de requins bouledogues à La Réunion ?

"Notre dernier rapport explique qu’on observe de très fortes variations saisonnières, avec effectivement un pic de présence énorme en hiver et une relative absence en été. D’ailleurs on voit bien que l’hiver correspond à la période des attaques."

Avez-vous une explication à cette présence accrue ?

"Il y a deux hypothèses. La première est que cela soit lié à la reproduction. Cette thèse est d’ailleurs étayée par les individus capturés, puisque la plupart des femelles étaient pleines et les mâles possédaient des marques de reproduction. Cela pourrait expliquer qu’ils soient plus actifs et plus agressifs, car ils se démènent pour harceler les femelles. Ils sont de plus assez fragiles en cette période car leur mode de reproduction est assez violent. La deuxième hypothèse, c’est que nous avons identifié deux zones, au large de Saint-Gilles et sur le littoral de l’Etang du Gol, qui pourraient être des zones de repos hivernales pour les requins bouledogues."

Où en est l’avancement des études sur les requins à La Réunion ?

"Ce qu’il faut voir, c’est qu’on avait 20 ans de retard sur des pays comme l’Australie ou l’Afrique du Sud, mais qu’on a rattrapé ce retard en 2 ans. On a marqué beaucoup plus de requins que les autres pays et on a obtenu des données plus précises. On avance vraiment très vite, mais on ne peut pas résoudre le problème en seulement 2 ans. Les Australiens se penchent dessus depuis 50 ans et ils ne l’ont pas encore résolu..."

Quels sont les moyens utilisés par l’IRD pour mener ces études ?

"On mène par exemple une étude génétique pour déterminer s’il existe des échanges avec des requins d’autres régions, on installe également des colliers munis de balises satellites pour étudier leurs mouvements. Si on voit qu’un requin est capable d’aller jusqu’en Afrique du Sud, cela pourrait confirmer un départ de nos côtes en été, même si le cycle de reproduction des requins étant biannuel, il y en a forcément certains qui vont rester. Mais cela pourrait permettre d’établir des périodes et des zones à risque, et à l’inverse des périodes et des zones où le risque est moindre. C’est en tout cas ce qu’on commence à déterminer. On vient de terminer une période de marquage et les premiers résultats sont très encourageants, tendant vers une saisonnalité. Le constat est d’ailleurs le même en Afrique du Sud, où on observe des variations saisonnières et différentes zones d’habitat entre l’été et l’hiver."

Avez-vous été surpris par la dernière attaque à La Réunion, qui s’est produite sur une jeune baigneuse à moins de 5 mètres du bord ?

"Cela a surpris tout le monde, car c’est la première attaque de ce genre à La Réunion. Mais si on regarde dans le monde, c’est déjà arrivé, on sait que les requins sont capables de venir tout près du bord. Donc dans le comportement global du requin, ce n’est pas tellement surprenant."

Que pensez-vous de la décision du tribunal administratif ouvrant la voie aux prélèvements à Saint-Leu et du plan renforcé risque requin lancé par le gouvernement ?

"De toute façon, on va tuer des requins. Nous, on produit de l’information qui, à mon sens, est très utile pour diminuer le risque. Si on est écouté, on peut diminuer les risques, mais si on n’est pas écouté... Le programme CHARC (*) permet de fournir une information pour aider à la gestion du risque requin."

Les scientifiques sont souvent montrés du doigt par des associations de surfeurs, étant accusés de minimiser les risques...

"On nous a muselés au début, puis on nous a laissé un peu tout seul et il faut reconnaître qu’on n'a jamais eu de campagne de communication efficace, contrairement à ces associations. Quand je vois qu’on les appelle pour savoir où on peut se baigner, je me dis que ce n’est pas normal... Après, les gens se demandent à quoi ça sert de marquer des requins. Dans leur vision, on devrait avoir des résultats en trois semaines, alors que ça prend trois ans. On ne peut pas aller plus vite que l’information. On travaille sur le long terme alors que les gens veulent des résultats sur du court terme."

Que pensez-vous de la théorie de requins " serial killer " mangeurs d’hommes à La Réunion ?

"Cela pourrait être le cas mais j’ai du mal à le croire. Vu le nombre de requins dans l’eau, il y a quand même peu d’attaques. Si un ou plusieurs requins de ce genre étaient présents, il y aurait des attaques tous les jours. Ce qui est vrai, c’est qu’ils sont plus agressifs à La Réunion et justement on essaye de comprendre pourquoi."

www.ipreunion.com

(*) CHARC : Connaissances de l'écologie et de l'HAbitat de deux espèces de Requins Côtiers sur la côte  ouest de La Réunion. Ce progarmme est subventionné par des fonds publics et mené par l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement)

 

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5 Commentaires
Yabien
Yabien
10 ans

Je suis partagé, le mieux, c'est ne rien faire du tout. Mais bon, c'est une île surpeuplée, on ne peut pas faire la chasse aux humains qui rejettent dans la mer, on ne peut pas trop dépenser pour essayer de traiter encore plus les eaux usées, et même elles, sont encore trop odorantes, elles attirent les prédateurs. On parle de gérer, soit, d'ici 25 ans, on est 9 millions sur terre, tout le monde n'aura plus droit à de la viande, seuls les riches en garderont, les autres se mettront au goût des insectes, et le requin ne sera plus qu'une vieille peur, on vivra mieux, ce sera géré vous verrez... :-) Le vrai danger, c'est de penser qu'on va pouvoir éviter ce que doucement nous sommes en train de préparer. Mais bon, admettons que les requins pullulent autant que dans l'imaginaire populaire. Alors exploitez la peur du touriste, transformez cette peur du requin en une manne. Vous allez avoir du mal à les trouver ces hordes, mais faites un parc, quelques choses, donnez de la peur à ceux qui veulent y croire, trayez le touriste. Seulement, je vous préviens,vous partez de loin, 5 morts en 1 jour sur la côte d'azur à cause du vent, il va falloir transformer le requin tueur en réalité, parce qu'il faut 3 ans pour le même score chez vous les gars... Hop, hop, à l'ouvrage !

Coco
Coco
10 ans

Tout ce qu'il faut retenir de cet article, c'est que nous sommes envahis par beaucoup trop de requins, qui en plus sont plus agressifs qu'ailleurs dans le monde. On ne peut pas les pécher et on doit les laisser en paix dans leur univers, malgré toutes les conséquences que cela peut avoir sur les autres espèces marines. On ne peut plus parler de prévention car les attaques nous prouvent que même dans de bonnes conditions on ne peut plus surfer, se baigner, plonger ou pécher. Ce qui me fait rire c'est la dernière phrase. Ça laisse penser que vraiment il y a une invasion de requins et qu'on pourrait subir plus d'attaques. Mais ça ne s'est pas encore produit. Pourtant on a bien été servis ces derniers temps!

vinz
vinz
10 ans

Merci M. BLAISON pour ces éclaircissements mais on va ts les jours de contradictions en mensonges entre les défenseurs des requins, les chercheurs et le simple quidam usagé de la mer qui aimerait bien qu'on arrête de le prendre pour une truffe:

Encore ce matin à la radio, la représentante de Seasheprd France, qui soit dit en passant n'a jamais mis un pied à la réunion, qui travaille dc gratos pour l'IRT en voulant nous faire croire qu'on pourrait faire du tourisme de plongée de masse façon Mexique avec les requins bouledogues alors que, journal du jour, les club de plongée tirent la langue et dont certains risques de mettre la clé sous la porte si ca continue comme. (4 requins vus dans la pénombre en un an dixit l'article) Faut savoir!!

"Cela a surpris tout le monde, car c'est la première attaque de ce genre à La Réunion" faux, depuis 1913, de nombreuses attaques ont déjà eu lieu sur ce mode opératoire mais dans des coins plus reculés et sauvages.

"Vu le nombre de requins dans l'eau, il y a quand même peu d'attaques": on est cerné ou pas alors??
"Ce qui est vrai, c'est qu'ils sont plus agressifs à La Réunion" Ah!! c'est dangereux ou pas alors??
M. DERAND, un commentaire?

"on devrait avoir des résultats en trois semaines, alors que ça prend trois ans" faux encore!
Les premières balises posées avaient une durée de vie de un an puis deux ans dorénavant. Les dernières relevés, mise à part ceux des 2 bouets de roches noires quelques jours après l'attaque du 8 mai (sous la pression de la vindicte populaire), la dernière publication sur le site de la DMSOI date de près d'un an!!
Par ailleurs, sur toutes les dernières attaques depuis 2011, aucune information n'est jamais remontée sur les types de requins et leurs tailles. On est déjà sur le long terme et niveau communication c'est ZERO!!
Alors faut pas venir se plaindre de se retrouver sous le feu des critiques!! Fred BUYLE, défenseur raisonné des requins (et non demeuré comme bcp d'assoce écolo), au même titre que shark alliance, a dénoncé cette omerta et ce manque de prévention que peuvent aujourd'hui nous apporter les scientifiques en communiquant plus régulièrement sur les relevés de balises.

Voila, jute quelques commentaires sur un seul article. Il y a tellement a dire sur tous les non sens, contradiction et mensonges qu'on peut entendre tous les jours, c'est désolant.

Un usagé dépité par tant de bêtises.

Laurent
Laurent
10 ans

Quelles sont vos préconisations ? Eviter d'aller dans l'eau ? ...

Giovanni
Giovanni
10 ans

Article très intéressant. Il est vrai que par rapport à d'autres endroits du monde, comme la Floride, les requins sont plus agressifs chez nous. Proportionnellement au nombre d'attaques, il y a plus de morts. L'IRD a marqué 80 requins au 12 mai 2013, c'est pas mal, et il y a bien d'autres requins qui restent à marquer. Ça laisse penser qu'il y a une belle flopée de requins, certains très agressifs, autour de l’île. Le prélèvement de quelques requins n'est peut-être pas la bonne décision, mais ça peut quand même aider à court terme (2, 10 ou 20 selon l'avis des scientifiques bien sur). Le risque d'attaque est très fort. Quand on pense que les requins bouledogues et tigres ne sont plus péchés à cause de la réserve marine et qu'ils n'ont aucun prédateur dans l'eau. Le nombre de ces requins est en train d'exploser!