Des associations dénoncent le risque de "privatisation des océans"

Derrière la crise requins, une guerre des lobbies au niveau mondial

  • Publié le 15 novembre 2013 à 05:00

A La Réunion, la crise requin est devenue le sujet d'affrontements entre les usagers de la mer et les associations environnementales. Mais cette opposition dépasse de loin le cadre local et implique, à l'échelon international, de puissantes fondations américaines très influentes auprès des gouvernements et qui financent de nombreuses ONGE (Organisations non gouvernementales environnementales). C'est en tout cas ce que dénoncent plusieurs collectifs et associations. Derrière la question des squales, c'est une véritable guerre de lobbying et de communication qui se jouerait au niveau mondial, sur fond de privatisation des océans et d'enjeux stratégiques.

Ce vendredi 15 novembre 2013, l’association OPR (Océan Prévention Réunion) a prévu de se rassembler à 17 heures devant la sous-préfecture de Saint-Paul à l’occasion de la réunion du CO4R (Comité de réduction du risque requin à La Réunion). Elle souhaite ainsi exprimer son inquiétude et ses interrogations quant à la politique requins du gouvernement, prévoyant notamment d’interpeller par courrier le ministre de l’Ecologie et du développement durable Philippe Martin.

A sa manière, Océan Prévention Réunion tente ainsi de faire entendre sa voix. Elle qui prône le rétablissement de la pêche des requins se heurte en effet frontalement à une foule d’associations environnementales qui, selon OPR, auraient davantage les oreilles du gouvernement et du ministère de l’Ecologie en particulier.

C’est que depuis deux ans, La Réunion est devenue le symbole d’un combat mené à une beaucoup plus grande échelle, impliquant des enjeux dépassant largement le cas de la petite île de l’océan Indien. Une lutte d’influence au niveau international entre le mouvement dit "conservationniste" et le monde de la pêche.

Selon OPR, mais aussi d’autres associations comme le collectif lorientais "Pêche et développement", on serait ainsi bien loin de la simple préservation de la biodiversité. Ces collectifs voient ainsi dans le combat contre la surpêche et la multiplication des réserves marines à travers le monde une stratégie d’appropriation des océans par des groupes privés, notamment américains.

Au premier rang de ces organisations tentaculaires se trouve la fondation Pew Charitable Trusts et son très influent think tank, le Pew Research Center. C’est lui qui est notamment à l’origine d’une étude publiée en 2006, concluant que la surpêche conduirait à l’extinction des grands poissons à l’horizon 2048. C’est encore le groupe Pew qui, par exemple, a financé une autre étude sur la valeur économique d’un requin vivant, démontrant qu’un seul squale pouvait générer au cours de sa vie près de 2 millions de dollars de retombées touristiques.

Ce sont tous ces arguments – très souvent repris tels quels par les médias internationaux – qui fondent le mouvement "conservationniste", prônant la multiplication de zones sanctuaires totalement interdites à la pêche commerciale, comme prévoit de le faire l’archipel de Palau, dans le Pacifique, où pêcher des requins est interdit depuis 2009.

Pétrole et environnement

Ces pratiques ont notamment été mis au jour par le collectif "Pêche et développement", dans un rapport publié en novembre 2012 et intitulé "Blue Charity Business". Les auteurs y dénoncent le lobbying des puissantes fondations américaines telles que Pew Charitable Trusts qui vise à orienter dans leur sens la politique commune des pêches (PCP) de l’Union européenne. Loin de la préservation de l’environnement et de la biodiversité, leur but serait "d’affaiblir le poids des pêcheurs et leur présence en mer pour libérer des espaces pour des activités nettement plus lucratives, tourisme, énergie, extractions diverses", écrit le collectif.

La surpêche – avec le requin comme emblème – aurait ainsi été volontairement promue comme principal problème environnemental, à coup de lobbying, d’études financées par des fondations américaines et de campagnes de communication. Si on n’est pas loin de la théorie du complot, celle-ci est alimentée par le fait que, effectivement, à l’origine de Pew Charitable Trusts se trouve la compagnie pétrolière américaine Sunoco. Les principaux groupes pétroliers américains seraient ainsi, en sous-main, les principaux financeurs de nombreuses ONGE (Organisations non gouvernementales environnementales).

Dans son rapport, le collectif "Pêche et développement" cible ainsi cinq grandes fondations américaines : the Pew Charitable Trusts, David and Lucile Packard foundation, Gordon & Betty Moore foundation, the Walton Family Foundation et the Oak Foundation. "Il est permis de penser que les fondations américaines qui interviennent aujourd’hui en soutien aux ONGE, ne sont pas totalement neutres au regard des intérêts pétroliers off-shore, ni au regard de l’approvisionnement d’une industrie de la très haute technologie en terres rares. Cette présomption est liée à la composition des directoires de ces fondations", écrivent les auteurs.

A La Réunion, il n’est pas encore question de privatisation des océans, ni de sanctuaire marin. La tenue du CO4R de ce vendredi devrait d’ailleurs lancer la deuxième campagne de prélèvements de 90 squales dans le cadre du programme ciguatera. Mais le problème requins semble en tout cas devenu le nœud d’enjeux économiques, politiques et stratégiques qu’on ne soupçonnait pas forcément au premier abord.

www.ipreunion.com

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3 Commentaires
jean-pierre espéret
jean-pierre espéret
10 ans

Tout à faire favorable à de grands sanctuaires marins où toutes pêches seraient totalement interdites. Ce qui se fait depuis plus de 100 ans sur la terre ferme doit aussi se faire en mer. C'est le seul moyen de résister à la voracité sans limite des pêcheurs industriels et de sauver la biodiversité. Il ne s'agit pas de privatiser, comme veut le faire croire cet article, mais de rendre intouchable un bien commun à toute l'humanité.

Jean-popiere
Jean-popiere
10 ans

Sa mère la cuisse de poulet!

tipiment
tipiment
10 ans

zot i koné pa ke néna galé dan' fon la mèr ke de moun i voudré byin trap' pou zot don!