Surf - World Tour

La Réunionnaise Johanne Defay termine sa saison 5e mondiale

  • Publié le 4 décembre 2016 à 06:27

Ils semblent loin les débuts laborieux de Johanne Defay parmi l'élite mondiale ! Et pourtant, à peine 3 ans se sont écoulés depuis sa première série sur le World Tour... Ce rêve de toute une vie, la Réunionnaise de 23 ans le vit intensément chaque jour, série après série et entre un peu plus dans l'histoire du surf tricolore saison après saison. Aujourd'hui, sa saison s'achève sur une 5ème place mondiale...

Jamais 2 sans 3

A Maui cette semaine, sur le spot de Honolua Bay pour la 10ème et dernière manche de la saison, Johanne Defay a bouclé son 3ème world tour. Trois années passées à surfer parmi l'élite mondiale, à apprendre et à progresser. Certes son résultat n'est pas celui espéré (13ème) mais la Réunionnaise a encore progresser dans le classement mondial.
Elle était venue pour tenter de défendre son 5ème rang mondial avec dans son viseur, la sextuple championne du monde australienne Stéphanie Gilmore qui la menaçait directement au classement. La même advesaire qu'elle avait affronté à Snapper en février 2014 pour la première série de sa carrière sur le World Tour.

On se souvient encore de la différence de niveau entre la Réunionnaise et l'Aussie: un monde! Defay avait subi la loi des meilleures, série après série pendant quatre manches, avant de s'offrir son 1er quart à Fidji et d'enchainer une magnifique série de 6 quarts de finale et 2 demi-finales pour finir 8ème mondiale et rookie of the year (débutante de l'année), signant au passage une performance historique pour le surf tricolore.

Constamment, elle butait sur l'une des quatres fantastiques (Stéphanie Gilmore, Carissa Moore, Sally Fitzgibbons, Tyler Wright) et saluait le 6ème titre mondial de Gilmore en fin de saison. Depuis, la Saint Leusienne a grandi et a battu toutes les filles qu'elle s'imaginait intouchables: en 2015, elle s'offrait sa première victoire sur le Tour en battant Fitzgibbons en finale de l'US Open, l'étape la plus populaire du circuit, et en 2016, elle domptait la redoutable triple championne du monde hawaiienne Carissa Moore en finale du Fidji Pro, sur certainement la plus belle vague du monde. Devenue la bête noire de certaines filles et une féroce compétitrice, Johanne confirme sa place parmi l'élite mondiale, avec pourtant un parcours atypique à ce niveau là...


La méthode Defay

Côté sponsor, ça va mieux depuis la mi saison avec l'arrivée d'un partenaire majeur. Johanne a aussi montré qu'elle pouvait faire différemment des autres en accordant sa confiance à plusieurs petits partenaires: une vraie réussite! Autour d'elle beaucoup de bienveillance et d'amicalité.

Comme dans son entourage proche et sa façon de travailler: Johanne Defay c'est avant tout une entreprise familiale, une méthode simple et une touche d'originalité. Paradoxalement, la Réunionnaise n'a pas forcément pris le chemin le plus simple pour accéder à son objectif avoué depuis deux ans avec ce fameux top 5.

Elle aurait pu rester à Capbreton où elle a un pied-à-terre pour surfer toute l'année et faciliter ses nombreux déplacements à travers le monde. Mais Johanne a préféré miser sur son bien être personnel en restant vivre à la Réunion, entourée de sa famille, de ses amis, de son coach et compagnon mais aussi de son île qu'elle affectionne tant.

Ici, elle ne surfe pas tous les jours mais fréquente les spots sécurisés quand cela est possible, et en tire profit: "les vagues que l'on peut surfer en sécurité avec les vigies ou les filets sont plutôt courtes et sans vraiment de puissance" selon elle, "mais à force de les surfer, maintenant j'arrive à enchainer 3 manoeuvres à l'Ermitage!".

C'est le but recherché selon Simon Paillard, son entraineur: "Surfer ces vagues peut être frustrant, mais elle doit apprendre à en tirer le meilleur parti si elle veut trouver du plaisir à surfer. Sur ces vagues courtes, il faut une rapidité d'éxécution et énormément de réactivité: ces deux points ont été de vrais objectifs de travail et je pense qu'elle a progressé dans ce domaine! En compétition les conditions ne sont pas toujours impeccables et contrairement à ce que l'on pense, c'est dans les petites vagues qu'il faut le plus s'employer physiquement, donc le travail réalisé ici est plutôt bon. Et au moins, quand elle part en compétition sur des vagues parfaites, elle a les crocs!".

En parallèle, la Réunionnaise a diversifié sa préparation, accordant une grande place au physique avec des séances de musculation, de la course à pied, du vélo, de la natation et du skate. De quoi s'occuper au quotidien, peu importent les conditions.

"Le skate par exemple lui permet de travailler une gestuelle spécifique, comme l'utilisation de la ligne d'épaule et des bras par exemple. Il suffit ensuite de transférer cela dans l'eau..." selon son coach. Johanne explore toutes les pistes et son surf évolue, tout comme ses objectifs: "Sa progression est constante sur les 3 dernières saisons: elle progresse marche par marche. On ne parle pas de classement ou de victoires qui sont juste les résultats du travail engagé. Dans tout ce qu'elle fait, on va chercher des détails pour s'appuyer sur les aspects positifs et essayer de corriger les points négatifs. C'est notre façon de faire, c'est une méthode minutieuse où il faut aussi avoir la franchise de dire les choses: ça ne sert à rien de se faire mousser ou au contraire de mettre en évidence simplement les erreurs sans apporter de solution. Par exemple, gagner à Fidji c'est top mais ça n'a pas été parfait et certaines erreurs auraient pu coûter cher, il faut l'envisager pour la suite. A l'inverse, elle perd certaines séries en se donnant à 99%, on va donc épelucher le 1% restant en essayant de trouver la solution pour l'avenir. Une saison c'est 10 étapes et au mieux 50 à 70 séries disputées, imaginez le nombre de possibilités stratégiques!" explique Simon Paillard.

Quand ses adversaires passent des heures à l'eau, Johanne choisit de s'entrainer différemment, un pari osé entrepris et réussi en 2015 quand elle ne surfe pas pendant 6 semaines à la Réunion avant l'US Open qu'elle remporte dans de petites conditions de vagues. Johanne s'est préparée différemment et comme à chaque fois, elle est arrivée 10 jours avant la compétition pour s'approprier le spot. En parallèle, pendant son séjour à la Réunion, Johanne a visionné chaque série en vidéo et décortiquer chaque vague, chaque concurrentes. Le job était fait, il n'y avait plus qu'à mettre en pratique.

Progresser, encore et toujours

L'an dernier, elle avait annoncé le top 5 et avait terminé 8ème: "malgré ma victoire d'étape à l'US Open, je n'ai pas réussi à me maintenir dans les 5 premières, à cause d'une mauvaise 2ème partie de saison. Je ne veux pas refaire les mêmes erreurs la saison prochaine" avait-elle déclaré il y a un an.

En mars 2016, l'objectif était donc de démarrer fort pour prendre un maximum de points dès le début de saison, sans avoir de pression pour la suite. C'est chose faite lorsque Johanne signe une demi-finale à Snapper lors de la 1ère manche du Tour: "Elle savait qu'il fallait prendre des risques et elle a complètement assumé en plaquant un club sandwich en quart alors qu'elle était mené au score, ça l'a envoyée direct en demie ! C'est comme ça qu'elle doit surfer pour être parmi les meilleures" confiait son coach à la fin de l'épreuve. A la clé une 3ème place mondiale d'entrée de jeu !

De quoi enchainer sereinement les étapes suivantes. A Bells Beach elle s'offre un quart mais passe à côté de son face à face avec l'Hawaiienne Weston Webb. A Margaret River, elle sort au second tour et grille son premier joker (2 jokers pour 10 étapes). Elle rentre à la Réunion pour se ressourcer et travailler encore en vue de Fidji qu'elle a coché sur sa liste de souhaits... Elle repart pour Rio malade mais parvient à se hisser en quart où elle prend une leçon de stratégie face à Tyler Wright (future championne du monde).

A Fidji, accompagnée de son coach, Johanne sait qu'elle a un coup à jouer mais le début de compétition est mitigé. Pourtant, la Réunionnaise hausse son niveau série après série et démonte la triple championne du Monde Carissa Moore en finale, pour la première fois de sa carrière et s'offre ainsi son 2ème titre WCT. Son entourage le dit souvent, c'est dans la difficulté que Johanne donne le meilleur d'elle même, en compétition comme à l'entrainement.

La preuve est faite. Elle quitte Fidji en reine et rejoint la Californie en challenger, toujours dans le top 5 pour défendre son 1er titre. Sous la pression, Johanne craque et sort au second tour: 2ème joker grillé. Retour à la Réunion pour un break et beaucoup de travail, encore et toujours, désormais 6ème mondiale. Elle se prépare pour Trestles, peaufine son carve frontside et se hisse à nouveau en quart. Dix jours plus tard, elle signe une demi-finale au Portugal et reprend sa 5ème place mondiale. Defay s'accroche!

A domicile en France, sa stratégie lui fait défaut et elle est éliminée au 4ème tour mais conserve son rang mondial. "C'est toujours beaucoup plus difficile de faire la course sur le devant avec les meilleurs, chaque erreur se paye cash!" livrait-elle après sa défaite. La bagarre est rude pour la surfeuse péi qui s'accroche bec et ongles à sa 5ème place.

Pour l'histoire

A Maui, la tâche était rude. Johanne devait faire aussi bien que Stéphanie Gilmore, 6ème, pour éviter de se faire doubler. Jamais le niveau mondial féminin a été aussi élevé et les quatre fantastiques sont dispersées: Tyler Wright est déjà sacrée championne du monde depuis la 9ème manche, Carissa Moore (triple championne du monde) est 3ème, Stéphanie Gilmore (six fois championne du monde) est 6ème et Sally Fitzgibbons est 8ème.

C'est dire à quel point le top 10 synonyme de requalification est cher! Johanne a trouvé sa place et bousculé la hiérarchie mondiale. Le monde qui la séparait des meilleures mondiales a fondu à force de travail et d'obstination. La petite française faisait plaisir en série pour ses adversaires en 2014. Maintenant, elle fait peur. La progression de la Réunionnaise est constante, elle peut s'en enorgueillir et viser encore plus haut. Son rêve de titre mondial se rapproche et son rêve olympique se dessine un peu plus chaque jour.

"Gagner Fidji c'était énorme, mais ce qui me satisfait le plus c'est qu'elle ait réussi à garder le lycra rouge sur toutes les manches depuis le début de saison" confie son entraineur. Car le lycra rouge est synonyme de tête de série: les filles sont 18 à chaque étape, réparties en 6 séries de 3. Dans chaque série, il y a une tête de série (N°1 à 6 du classement mondial) pour éviter qu'elles s'affrontent dès le premier tour. Ensuite les autres filles son dispatchées en fonction de leur classement également. Ainsi la dernière retrouve systématiquement la première... Cet avantage certain, Johanne en a bénéficié toute la saison; la Réunionnaise a navigué entre la 3ème et la 6ème place pendant les 10 étapes, sans commettre d'erreurs.

Hier, sur le spot de Honolua à Maui, la compétition s'est achevée et Johanne Defay, déjà rentrée à la Réunion l'a suivie de derrière l'écran, remettant son sort entre les mains de ses adversaires... et le meilleur scénario a tourné en sa faveur: Gilmore a été éliminée au 4ème tour et Malia Manuel en quart. Aucune des deux filles, 6ème et 7ème, n'a réussi à améliorer son classement au détriment de Johanne Defay qui conserve son 5ème rang mondial pour terminer la saison.

"J'aurais aimé un dénouement différent pour cette fin de saison et me battre pour ma 5ème place. Mais les conditions de vagues ont été petites et donc compliquées pour des surfeuses comme Stéphanie (Gilmore) ou moi par exemple. Ça fait partie de ce sport et de la compétition. Je n'ai pas réussi à saisir l'opportunité de me battre en série, mais mes adversaires directes non plus...Ce classement (5ème mondiale) représente le travail des deux dernières années et j'étais vraiment déçue de sortir de cette dernière manche au 2nd tour sans pouvoir vraiment confirmé mon statut. Finalement, cela se termine bien pour moi, je suis contente. J'ai vu de quoi je suis capable et je vois encore où je dois progresser. 2016 a été une saison difficile, encore plus que les autres; le niveau a encore augmenter et être devant Stéphanie Gilmore, ce qui n'était même pas imaginable il n'y a pas longtemps, est maintenant devenu possible et réalisé! Je pense déjà à 2017, avec l'envie de continuer et de progresser."

Tout est dit, rendez-vous le 14 mars 2017 pour la 1ère manche du World Tour à Snapper Rocks (Australie).

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