Un conflit diplomatique

La Syrie abat un avion de son allié russe, Moscou fustige Israël

  • Publié le 18 septembre 2018 à 14:26
  • Actualisé le 18 septembre 2018 à 14:58

L'armée syrienne a abattu au large de la Syrie un avion de son indéfectible allié russe avec 15 militaires à bord, Moscou faisant toutefois porter mardi la responsabilité à Israël, accusé d'avoir procédé au préalable à des tirs de missiles.

Cet incident inédit est survenu alors que la Russie et la Turquie ont annoncé un accord sur la province d'Idleb, dernier grand bastion insurgé dans le nord-ouest syrien, où une "zone démilitarisée" doit être instaurée, éloignant à court terme la perspective d'une offensive du régime. Lundi soir, l'Illiouchine-20 russe a été abattu, par erreur selon Moscou, par la défense anti-aérienne syrienne. Celle-ci avait ouvert le feu pour intercepter des missiles --israéliens d'après la même source-- visant des dépôts de munitions dans la province de Lattaquié (nord-ouest), un bastion du président Bachar al-Assad.

Il s'agit de l'incident le plus grave entre les deux alliés depuis que Moscou est intervenu militairement fin 2015 en Syrie pour épauler le régime de Damas, alors affaibli face aux rebelles et aux jihadistes. Le quadrimoteur à hélices généralement utilisé pour des missions de surveillance a disparu des radars à 23H00 lundi (20H00 GMT), au large de Lattaquié, selon le ministère russe de la Défense.

L'appareil a été "abattu par un système de missiles S-200" de l'armée syrienne, tuant les 15 membres d'équipage, a ensuite annoncé ce ministère cité par les agences russes. Toutefois, l'armée russe a dirigé sa colère contre Israël, jugée responsable du drame en raison des tirs de missiles sur Lattaquié, imputés par Moscou à quatre F-16 israéliens.

- "Provocations" d'Israël -

"Les pilotes israéliens, en se couvrant avec l'avion russe, l'ont placé sous le feu de la défense antiaérienne syrienne", a asséné le ministère de la Défense russe. "Nous considérons hostiles ces provocations de la part d'Israël" et "nous nous réservons le droit de répondre de manière adéquate", a-t-il averti.Ces derniers mois, Israël a multiplié les frappes en Syrie contre le régime ou son allié iranien, l'Etat hébreu martelant qu'il ne permettrait pas à l'Iran de se servir de la Syrie comme tête de pont contre lui. Interrogé avant les déclarations de Moscou, un porte-parole militaire israélien s'est refusé à tout commentaire.

Le ministère russe de la Défense avait également affirmé que des missiles avaient été tirés par la frégate française "Auvergne", qui croisait dans les parages. Evoquant les frappes sur Lattaquié, un porte-parole de l'armée française a démenti "toute implication (...) dans cette attaque".
Les frappes à Lattaquié visaient "des dépôts de munitions" dans la périphérie de Lattaquié, et elles ont fait deux morts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

"Deux corps ont été retrouvés", a précisé le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. "Il y a au moins dix blessés, dont sept soldats syriens", a-t-il précisé. Sur le front diplomatique, un accord avait été dévoilé peu auparavant par la Russie et la Turquie sur la province d'Idleb, avec la création prochaine d'une "zone démilitarisée" dans ce dernier grand bastion insurgé. A court terme, l'initiative éloigne la perspective d'une offensive du régime et de son allié russe, et devait apporter un répit dans un pays en ruine déchiré depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 360.000 morts.

- "Empêcher une offensive" -

C'est notamment grâce au soutien militaire de Moscou que le régime a multiplié les victoires face aux rebelles et aux jihadistes, jusqu'à consolider son emprise sur près des deux-tiers de la Syrie. Ces dernières semaines, le pouvoir d'Assad a massé des renforts aux abords d'Idleb, frontalière de la Turquie, tandis que Damas et Moscou multipliaient les déclarations va-t-en guerre.

Mais lundi soir, le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan ont dévoilé un accord pour la création, d'ici au 15 octobre, d'une "zone démilitarisée" sous leur contrôle dans la région d'Idleb. Cette zone de 15-20 km de large doit servir de zone-tampon entre les territoires insurgés et les zones gouvernementales alentours. Elle sera contrôlée par les forces turques et la police militaire russe et toutes les armes lourdes devront en avoir été retirées d'ici au 10 octobre.

Les autorités de Damas ont salué l'accord. La Syrie "a toujours favorablement accueillie toute initiative qui permet d'éviter l'effusion de sang des Syriens et participe à restaurer la sécurité", a dit une source au ministère des Affaires étrangères citée par l'agence officielle Sana. Même satisfecit à Téhéran, qui a loué une "diplomatie responsable" permettant "d'éviter la guerre à Idleb". A plusieurs reprises, l'ONU et les ONG ont mis en garde contre une "catastrophe humanitaire" à Idleb en cas d'offensive du régime syrien.

Dans le dernier grand bastion insurgé de Syrie, l'initiative de Sotchi déçoit néanmoins, et des centaines de personnes ont manifesté dès lundi soir dans la localité de Binnich."On remercie la Turquie (...), elle a empêché une offensive militaire contre Idleb", lâche Abou Yazan, un habitant.
Mais la perspective d'un désarmement des rebelles est loin de l'enchanter. "S'ils prennent nos armes aujourd'hui, qui va garantir que le régime et la Russie ne vont pas attaquer nos régions? C'est toi Erdogan qui va nous protéger?"


- © 2018 AFP

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