Chambre de commerce : trois jours d'assises pour changer de stratégie

Agir avant que les centres-villes meurent

  • Publié le 5 octobre 2018 à 03:00
  • Actualisé le 5 octobre 2018 à 11:18

Les 15, 16 et 17 octobre 2018, la Chambre de Commerce et d'Industrie de La Réunion (CCI) accueille les Assises du Commerce de l'Outre-Mer autour d'un thème d'actualité : les défis des centres-villes. Le but : freiner la disparition programmée des commerces de proximité en réfléchissant à une gestion optimisée des espaces et des services proposés et en ancrant le commerce de proximité dans l'ère du numérique. Et en impliquant les élus. Une alliance indispensable pour re-séduire le consommateur, qui tend à migrer vers le e-commerce et se laisse aussi tenter par la tendance de (dé)consommation responsable et durable.

Une grand-messe pour " freiner la disparition programmée du commerce de proximité " : c’est à cela que ces Assises ne veulent pas ressembler, même si l’intitulé de l’objectif annoncé laisse à penser que la CCI ne se fait guère d’illusion à long terme. " Ces Assises ont pour mission de dresser une perspective réunionnaise des centres-villes. La Réunion n’est pas la métropole, nous ne pouvons pas calquer un modèle hexagonal sur notre problématique ", explique Ibrahim Patel, président de la CCI.
Mais il existe tout de même une problématique commune à la métropole et aux Dom : si les commerces disparaissent, ce sont des emplois qui meurent avec. Et à La Réunion, les 14 000 commerces de proximité génèrent 10 000 emplois. " Actuellement, ce n’est pas encore le crash, relativise Azize Amode, Directeur du Pôle économique à la CCI, mais il faut être attentifs et réactifs ".

Des maires plus impliqués

C’est justement ce que propose Ibrahim Patel et son équipe de la CCI, pour ces Assises. Etre attentifs aux attentes du consommateur et conscients du travail à accomplir sur les transports, le stationnement, la sécurité, l’embellissement des commerces et l’animation. Et du rôle de chacun : " Les centres-villes n’appartiennent pas aux commerçants, mais aux maires. Un sondage a montré que 95% des Français estiment que c’est le travail des municipalités d’améliorer l’accueil en centre-ville. Et il revient aux commerçants de réfléchir sur l’embellissement de leurs boutiques et des services à apporter aux clients, notamment le e-commerce. Comme il revient au consommateur de comprendre que le commerce de proximité, ce sont des emplois qu’il contribue à sauver ". 

Sur la question des horaires inadaptés, Ibrahim Patel défend ses adhérents : "A quoi bon rester ouvert s'il n'y a pas de transport ni de sécurité" ? Et de rappeler qu'on attend des commerçants qu'ils allongent leurs horaires sans exiger la même chose des services à la personne (esthétique, coiffeur, banques, services publics...). " Si ces services étaient ouverts tard, cela amènerait plus de monde en ville le soir", estime-t-il. Pas faux. Sauf qu'entre midi et deux heures, les coiffeurs et beaucoup de centres d'esthétique, voire même la Poste parfois dans les grandes villes, sont ouverts... mais la plupart des magasins sont fermés.

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Mêmes moyens pour tous

Le duel Centre-ville contre Centres commerciaux de périphérie est une vieille rengaine mais toujours d’actualité : " Les élus ont réussi à trouver des solutions pour les centres commerciaux de périphérie, mais ils n’y arrivent pas pour les centres-villes ", se désole Ibrahim Patel. Qui ajoute d’un ton sans réplique que les mêmes moyens doivent être apportés aux centres-villes : " Quand on dépense 1 euro pour la périphérie, il faut investir aussi 1 euro pour le centre-ville ".

Un adhérent de la CCI, commerçant au Port, estime que ces deux mondes peuvent s'enrichir mutuellement : "Au Port, la périphérie s''est bien développée et on s'aperçoit depuis quelques temps que cela fait vivre aussi le centre-ville".

De son côté, Alain Akbaraly, commerçant à Saint-Joseph, explique que sa commune et l’union des commerçants ont établi depuis quelques temps un partenariat entre le supermarché et le centre-ville : " Le but était de mettre un frein à l’évasion du consommateur vers la périphérie et grâce à une symbiose forte entre la ville et les commerçants, nous avons vu des résultats. "

Mais aujourd’hui la bataille économique doit faire face à un nouvel adversaire : le e-commerce. " 70% des Réunionnais reconnaissent avoir déjà fait au moins un achat sur internet. Il n’est pas acceptable que le e-commerce ne soit pas taxé comme les commerçants ", scande le président de la CCI.

A Saint-Pierre, 10% de commerces en plus par an

Si les Assises parlent de lendemains qui chanteront peut-être, des actions ont déjà menées avec un certain succès à La Réunion. " En 2001, Saint-Pierre comptait 5000 habitants en centre-ville, précise Yassine Mangrolia, 2ème adjoint au maire chargé de revitalisation du centre-ville. En 2017, nous recensons plus de 13 000 habitants. L'accroissement de la population était indispensable pour garder les services publics en centre-ville, la sous-préfecture, le Tribunal, les écoles… ". Et les commerces ont suivi : " En 2001, nous avions trois boulangeries en centre-ville, nous en avons douze aujourd’hui. "

Le secret de ce développement ? " La volonté politique, répond Yassine Mangrolia. Nous avions beaucoup de friches. Nous avons effectué des travaux sur le réseau d’eaux usées, refait les voiries, accompagné des programmes de construction avec des commerces en rez-de-chaussée et des logements au-dessus. "

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Six ateliers pour proposer des solutions

Les Assises du Commerce Outre-mer vont donc proposer aux commerçants six ateliers pour réfléchir avec divers experts à différents enjeux : l’aménagement et la régulation commerciale, les moyens de réinventer les centres-villes, les synergies à initier avec les autres pôles commerciaux, l’embellissement des commerces et la transition énergétique, les outils de financement des entreprises, les enjeux du digital pour le commerce et la survie du commerce face à la tendance de consommation durable.  Ces Assises ont vocation à mettre des solutions sur la table. La synthèse de ces travaux sera transmise au gouvernement, pour définir des plans d’actions et de financement.

Encore faut-il que les commerçants et les élus répondent en masse à l'invitation de la CCI de consacrer trois jours à imaginer un avenir qui "ré-enchante la ville" autour des trois invités de marque, le député montpélliérain Patrick Vignal, porteur du projet centres villes auprès du gouvernement, Monique Rubin, présidente de la Fédération des Marchés de France et Nadine Hafidou, présidente de l'Association des CCI d'Outre-Mer. Et se donnent ensuite les moyens d'une action cohérente.

Parce qu'il ne s'agit plus de "freiner la disparition annoncée du commerce de proximité" mais plutôt d'agir vite avant que ne soit définitivement signé l'acte de décès des centres-villes.

ml/www.ipreunion.com

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1 Commentaires
Mamoune
Mamoune
5 ans

Quelle est la différence majeure entre les commerçants du centre ville et ceux des centres commerciaux ? Les horaires d'ouverture ! Quand on va à St-Pierre (après avoir trouvé une place pour se garer, on n'a pas ce problème dans les centres commerciaux), on est toujours surpris et on n'a toujours pas compris pourquoi les boutiques ferment à midi ! Ouverture à 10h, voire 10h30, journée continue, fermeture à 20h, essayez et vous verrez la différence ! Quand je commence à faire du shopping à 10h et qu'il faut que j'attende la réouverture des boutiques à 14h ou 15h pour finir mes achats, eh bien je rentre chez moi, et je ne reviens plus ...