La plus grosse inflation depuis 2012

La vie est de plus en plus chère à La Réunion, c'est l'Insee qui le dit

  • Publié le 22 février 2019 à 10:24

En 2018, les prix se sont envolés, l'inflation est trois fois supérieure à celle de 2017. Une flambée qui s'explique par plusieurs facteurs; internationaux, nationaux et locaux. Quant aux postes de dépenses concernés, ce sont souvent ceux qui pèsent le plus lourd dans les porte-monnaie des Réunionnais, les services, l'alimentation, les carburants. Dans cette étude, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) indique qu'il y a eu des baisses notamment dans la communication et le transport aérien mais cela n'aura pas suffi à contrecarrer cette inflation record de 1,8%. Les prix ont bondi, une situation que les Réunionnais n'avaient plus connue depuis 2012. 2018 a été une année record pour l'inflation et c'est peut-être l'élément déclencheur de la crise des Gilets jaunes...

Une conjonction de phénomènes défavorables, résultat l’addition est salée pour les Réunionnais. Mais pas que, cette inflation est constatée sur tout le territoire. Globalement, en France, l’inflation est de 1,9%. Depuis quatre ans pourtant, cette inflation était un peu moins élevée à La Réunion par rapport au reste du pays, en 2015, elle avait même baissé. Alors comment expliquer une telle hausse ?

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Trois grands facteurs

Une augmentation des tarifs de l’énergie de 9,9%. Le phénomène est mondial, en 2018 on note une hausse très importante des produits pétroliers (+12,1%). Évidemment, La Réunion n’est pas épargnée et la nette diminution des prix entrée en vigueur fin novembre n’aura pas suffi à neutraliser l’augmentation qui avait couru sur tout le reste de l’année. L‘électricité coûte aussi plus cher, +4,3% tandis que le montant de la bonbonne de gaz reste stable.

Les produits alimentaires n’ont pas échappé à la règle, ce sont d’ailleurs les produits frais - fruits et légumes - qui connaissent la plus forte augmentation : +20,5%. Une hausse spectaculaire, et sur ce poste de dépense, La Réunion se démarque de la Métropole. Car cette augmentation est liée au contexte local. Frédéric Vienne, le président fraîchement élu de la Chambre verte explique cela par "une fin d’année 2017 difficile notamment pour les récoltes de letchis et de mangues, un début d’année 2018 marqué par plusieurs cyclones, un premier semestre 2018 très pluvieux et un nombre important de pertes au plus fort de la crise des Gilets jaunes. À cela s’ajoute des coûts de production en nette augmentation".

Le président de la Chambre d’agriculture de préciser "le consommateur doit aussi adapter ses habitudes alimentaires et manger des fruits de saison, la tomate est en dessous d’un euros le kilo depuis le mois de septembre".

L’Insee note d’ailleurs que les prix ont connu un pic début 2018 puis une lente baisse tout au long de l’année mais ils ne sont jamais revenus aux prix de 2017.

Frédéric Vienne affirme que les prix "reviendront à la normale" si aucun gros événement climatique ne frappe l’île ces prochaines semaines. Il n’en reste pas moins qu’il ne faut pas espérer retrouver les prix de 2017 "car les prix de production ne cessent de grimper, le matériel, les fertilisants, les véhicules, tout est plus cher et bien cela est répercuté sur le prix du produit" détaille le patron de la chambre verte.

Mais finalement, ces produits frais ne représentent qu’un petit pourcentage de la consommation des ménages. Les 99% restants, ce sont les produits "non frais" et là encore, une belle hausse de 1,9%. Malgré la crise des Gilets jaunes, la grande distribution sort gagnante de cette année 2018.

Le dernier facteur de cette inflation record, ce sont les services, ils représentent la moitié des dépenses des Réunionnais soit la part la plus importante de la consommation des ménages. Loyers, entretien de véhicule, services de santé… Une hausse de 1,1%, ce qui n’est pas négligeable.

La baisse du transport aérien et de la consommation liée à l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché en 2017 n’est pas suffisante pour contrebalancer cette hausse.


Un constat mais quelles solutions ?

Ce jeudi 21 février, les 50 citoyens qui participeront aux travaux de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) ont été tirés au sort. Un binôme femme-homme par commune plus un binôme supplémentaire. Des Réunionnais de toutes les classes sociales, de tous les âges qui pourront assister à la formation des prix à La Réunion accompagnés des principaux acteurs du domaine.

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Mais finalement quelle est leur marge de manœuvre ? L’une des principales demandes des Gilets jaunes étaient un meilleur encadrement des prix. Une idée soutenue par Annick Girardin lors de sa dernière visite à La Réunion et par Francis Amand, le délégué à la concurrence des Outre-mer il y a quelques jours.

Le rôle de l’OPMR est important mais pas crucial. Les négociations du bouclier qualité prix sont basées mais sur les données que fournit l’OPMR mais l’avis de la structure n’est " que " consultatif. Pas de prise de décision, pas de sanction, juste des recommandations.

Le rôle des 50 Réunionnais sélectionnés pour siéger à l’OPMR reste encore à définir, la première réunion aura lieu dans la deuxième quinzaine de mars.

Francis Amand, le délégué à la concurrence des Outre-mer a affirmé être prêt à dénoncer les distributeurs qui se font une marge qui semble trop élevée voire même à les poursuivre devant les tribunaux. Une preuve de fermeté mais pourra-t-il vraiment réussir à endiguer un phénomène bien ancré à La Réunion.

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Pendant ce temps-là…

Pour le milieu associatif, 2018 fut une année marquante. Et pas pour les bonnes raisons "on a vu une recrudescence de salariés, de fonctionnaires qui faisaient appel à nous notamment dans nos boutiques solidaires, on a aussi un phénomène totalement inédit, des bénévoles de l’association, qui en deviennent bénéficiaires" explique Patrice Ellama, le président du Secours catholique à La Réunion.

Tous niveaux d’études, sans distinction d’âge ou de classe sociale, l’association a vu son nombre de bénéficiaires augmenter encore en 2018 "et ceux qui étaient déjà dans la misère s’y enfoncer encore plus" commente Patrice Ellama.

Pour l’associatif, ce sont encore et toujours les besoins les plus élémentaires qui sont touchés : le logement, la nourriture, l’habillement, l’électricité et l’eau. Pour ajouter à cela, le Secours catholique a connu une autre difficulté "avec l’arrivée du prélèvement à la source, dans le doute, beaucoup de personnes n’ont pas donné".

Les perspectives pour 2019

L’Insee a déjà quelques pistes quant à la conjoncture des six premiers mois de l’année 2019. Des pistes qui ne concernent pas seulement La Réunion mais tout le territoire français. L’institut s’attend à une diminution de moitié de l’inflation.

Cela en raison de plusieurs facteurs, notamment "un ralentissement des prix de l’énergie, une augmentation bien moins importante du prix du tabac  (12,9% au premier semestre 2018)" ou encore l'augmentation des salaires liée à la revalorisation du Smis indexée sur l’inflation au 1er janvier dernier (soit une hausse de 1,5%). Avec cette hausse des salaires, l’Insee s’attend à "une augmentation des prix des services de1,5%"

Une stabilité des produits manufacturés (habillement, chaussures et produits de santé) est également attendue. Ils avaient baissé de 0,3% en 2018 L'institut de la statistique mise également sur la loi agriculture et son volet sur les promotions qui "pourraient créer une décélération des prix"

Ce ne sont là que des prévisions, incluant de surcroît, des éléments valables au plan national mais parfois difficiles à calquer sur la réalité réunionnaise...

fh/www.ipreunion.com

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