Il ne fallait pas qu'elle passe la saison froide

Au final, la dengue a surpassé l'hiver

  • Publié le 14 mars 2019 à 12:16
  • Actualisé le 14 mars 2019 à 12:18

442 cas de dengue recensés en une semaine, effarant. On n'arrête plus l'incendie et il se propage sous le regard impuissant des pompiers, ceux qui devraient si ce n'est le circonscrire, au moins le maîtriser. Cette métaphore, c'est le résumé d'une crise sanitaire annoncée. La dengue est en roue libre, gagnant encore et toujours du terrain pendant que les autorités sanitaires, malgré toute leur bonne foi et les moyens déployés n'arrivent pas à la vaincre. Vous vous direz qu'on en fait trop, il suffit de regarder quatorze ans en arrière. En février 2005, au début du chikungunya qui aurait pu imaginer que l'épidémie allait se répandre sournoisement et semer 225 morts sur son passage ? (rb/www.ipreunion.com)

Les prémices d'une crise sanitaire

Sans vouloir être alarmiste, la catastrophe est à nos portes… En fait, si soyons alarmistes, c’est un scénario similaire à celui de l’épidémie du  chikungunya qui se dessine. Ce n’est pas du pessimisme mais de la lucidité. La Réunion vit avec une épée de Damoclès au dessus de la tête, de semaine en semaine, le nombre de cas est en constante augmentation, l’épidémie grappille de nouvelles communes et pendant ce temps-là, les autorités sanitaires luttent sans parvenir à enrayer la contagion. Aujourd’hui, la quasi totalité des communes de l’île est touchée.

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Les autorités dépassées

Pourtant, contrairement au chikungunya, cette fois, l’État a très vite pris la mesure du phénomène. Un important plan de communication est déployé,  panneaux en 4x3, spots télévisés et radio avec en tête d’affiche des visages connus du PAF. De leur plus belle voix, tous répètent le même message: lutter contre les moustiques est nécessaire. L’ARS (agence régionale de santé) lance même un slogan " ne laissons pas la dengue passer l’hiver."

Mais l’Enfer est pavé de bonnes intentions. L’hiver, la dengue l’a bien passé et a même pris ses aises. Fin octobre dernier, Annick Girardin, alors en visite sur l’île, avait rencontré les acteurs de la lutte anti-vectorielle, elle semblait relativement consciente qu’une épidémie était en cours quand l’ARS n’osait pas utiliser le mot fatidique. Aujourd’hui, on est bien dedans, le terme "épidémie" n’est pas de trop et il est martelé à toutes les sauces... Lors de sa visite dimanche 17 mars, Annick Girardin rencontrera de nouveau les équipes engagées dans la lutte contre la dengue, elles seront sans doute beaucoup moins confiantes que la fois précédente. Beaucoup, beaucoup moins... 

Une nouvelle enveloppe débloquée ? 

En octobre 2018, aucune annonce chiffrée n’avait été faite mais la ministre des Outre-mer avait indiqué "les moyens humains et financiers seront à la hauteur des scénarii qui sont présentés et des risques auxquels nous allons avoir à faire face" et rappelé que "3 millions d’euros supplémentaires - par rapport à 2017 - ont été mis à la disposition des autorités sanitaires locales pour combattre les moustiques." On se laissait le temps de voir venir, en même temps pourquoi paniquer, à l'époque "seulement" 6 627 cas avaient été confirmés, 5 décès répertoriés, dont 3  considérés, après investigations, comme directement liés au virus de la dengue... Les autorités ne voulaient pas que la population cède à la panique, aujourd'hui, avec 8 572 cas enregistrés depuis le 1er janvier, il est fort probable que la ministre des Outre-mer arrive avec une enveloppe dans ses valises cette dimanche prochain…

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Sauf qu’aujourd’hui, ce n’est plus une question d’argent, peu importe les moyens, la dengue fait son chemin. Les opérations de démoustication, les campagnes de sensibilisation, l’implication des communes et des collectivités n’y font rien, la machine est lancée et elle n’est pas prête de s’enrayer.

On y a cru 

Surtout que dans la mémoire collective, le "traumatisme chikungunya" semble être un lointain souvenir… En 2007, au lendemain de l’épidémie la plus meurtrière de ces cinquante dernières années, La Réunion est plus propre que jamais. Il n'y a plus de dépôts sauvages, plus de coupelles dans les jardins, les cours sont propres, les carcasses de voitures ne font plus partie du paysage réunionnais… On se dit alors que les mœurs ont changé et que le chikungunya a été un tournant, un éveil des consciences.

Merci les makotes !

Sauf que quatorze ans après les faits, certains (qui ont la mémoire bien courte) semblent avoir oublié. Les décharges à ciel ouvert, dépôts sauvages et autres tas d’immondices lâchement abandonnés sur le bord de route pullulent aux quatre coins de l'île. Et les responsables sont loin de se soucier des conséquences de leurs actes. Des conséquences qui vont bien au-delà de leur simple personne et font le lit de la dengue. L'ARS attend que les Réunionnais s'engagent dans la lutte-antivectorielle "la participation active des réunionnais dans la mise en œuvre des mesures de prévention est essentielle pour limiter l’extension du virus" indique l'institution sanitaire sur son site. Et bien force est de constater que pour une minorité d'entre eux que nous appelons affectueusement "les makotes", c'est râpé !

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Passer derrière, ça coûte cher !

Les municipalités, intercommunalités et autres collectivités tentent par tous les moyens d’endiguer le phénomène mais faire enlever ces tas d’ordures leur coûte un bras. L’appel au bon sens, les campagne de sensibilisation des pouvoirs publics sont un échec. Confrontés à des gens qui connaissent les bons gestes mais ne les appliquent pas.

Verra-t-on bientôt la fin ? 

La situation est de plus en plus tendue, un scénario à la sauce chikungunya de plus en plus envisagé. Malgré l’appel à la prudence et au "non-catastrophisme" des autorités sanitaires au grand public, en coulisse, c’est la panique à bord. Les institutions misent sur une fin qui peut sembler improbable, que l’épidémie se calme d’elle même, ne reste qu'à aller brûler des cierges... pour éloigner les moustiques...

fh/www.ipreunion.com

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