Entretien avec Anne Faujour, consultante formatrice

Journée des droits de l'enfant : "comment faire sans fessées, menaces et chantages"

  • Publié le 15 novembre 2019 à 02:57
  • Actualisé le 15 novembre 2019 à 06:11

À l'occasion de la Journée Internationale des Droits de l'enfant, une conférence s'est déroulée ce mercredi 13 novembre 2019 à 18h dans la salle du Front de mer de Saint-Paul. Intitulée "Comment faire sans fessées, menaces, chantages... une nouvelle autorité parentale", cette conférence interactive était ouverte à tous les parents et les professionnels.

75 personnes étaient présentes : parents, enseignants du premier et du second degré, professionnels de santé, étudiants, professionnels de la petite-enfance, professionnels de l’enfance, protection de l’enfance). Elle fait suite à la loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires, votée le 2 juillet de cette année. Animée par Anne Faujour, consultante formatrice engagée auprès des parents et des professionnels et membre du réseau Parentalité Créative, cette conférence propose des solutions qui existent suite à cette loi. Le point avec la spécialiste.

Ville de Saint-Paul : Sans chantage, sans fessée, sans menace et punition, l’autorité parentale que nous connaissons aujourd’hui n’est-elle pas menacée?

Anne Faujour : L’autorité parentale est en fait réinventée. Nous sommes une génération charnière qui relève le défi d’accompagner les enfants sans avoir recours à la violence. Il s’agit d’innover, de créer une nouvelle façon d’être parent, de créer un lien de confiance, de poser des limites, de dire “non” bien sûr et d’apporter protection, sécurité et soutien pour permettre à nos enfants le meilleur départ possible dans la vie d’aujourd’hui.

En tenant compte des expériences de parents, de professionnels, des dernières recherches… On réalise qu’il est vraiment possible de faire autrement. Cette nouvelle autorité parentale va remplacer l’ancienne. Et c’est un progrès. Tout le monde au bout du compte, va en sortir gagnant, les enfants et les parents.

Du côté des enfants, on compte plus de 250 études qui parlent des conséquences négatives à court et long terme de baser l’éducation et l’autorité sur la peur (répertorié par Global Initiative)…

Et du côté des parents, et des professionnels en contact avec les enfants, il est important aussi de réaliser que c’est aussi un soulagement. En effet, la plupart des adultes ne se sentent pas bien dans ces fonctionnements et peuvent se sentir mal à l’aise après, embarrassés ou coupables… Ça fait du bien à tout le monde de se libérer du chantage, des fessées, des menaces et des cris…

Ville de Saint-Paul : Est-ce que le fait de ne pas avoir de mesures coercitives peut être à l’origine d’une génération “d’enfant roi”?

Anne Faujour :  C’est une peur que j’entends souvent, cette impression que les enfants feraient tout ce qu’ils veulent et seraient incapables de supporter des contraintes. On parle d’enfant gâtés, tyrans… mais en réalité il s’agit d’un mythe!

Loin de gâter les enfants, la parentalité positive et créative est conçue de façon à ce qu’ils apprennent à penser aux autres et aux conséquences de leurs actions. Les parents ne sont pas laxistes, ils posent des limites, contribuent à apporter la sécurité et l’attention dont les enfants ont besoin.

Ce qui est proposé, ne consiste pas à savoir qui a le dernier mot… comme s’il y avait toujours l’un des deux parties qui dominait l’autre, l’enfant ou l’adulte… Ici, il s’agit de vivre une relation parent-enfant basée sur la compréhension, le respect mutuel, la coopération et une communication effective dans les deux sens.

Ville de Saint-Paul : Concrètement, quels sont les outils pour mettre en place cette nouvelle autorité parentale bienveillante?

Anne Faujour : Merci pour cette question concrète, car c’est là le plus important : nous orienter vers les solutions plus que sur les problèmes. J’attire votre attention sur un point important pour moi, il ne s’agit pas de donner des leçons ou d’appliquer des méthodes mécaniquement.

La Parentalité Créative‚ est vue comme une sorte de casse-tête passionnant où chaque famille, chaque structure, chaque enfant, chaque situation est unique et mérite une solution spécifique. Il y a mille solutions! L’idée, dans cette conférence était de donner quelques pistes qui permettent de changer de regard. Parfois, un éclairage sur les besoins de l’enfant va permettre de complètement nous simplifier notre vie de parent/de professionnel.

Pourquoi lutter, par exemple, contre notre enfant qui ne veut pas terminer son assiette, quand on sait que les bébés, les bambins savent sentir avec justesse quand ils ont faim ou quand ils n’ont plus faim? Ne pourrions-nous pas apprendre à leur faire confiance et leur proposer de mettre les restes au frigo, et éviter une lutte basée sur l’idée erronée que nous en tant qu’adultes, nous “savons mieux qu’eux” quand ils ont froid, faim, soif, sommeil… (voir illustration de Fanny Vella).

Donc un outil concret, pourrait consister à commencer par clarifier ce sur quoi on veut dire non, de manière non négociable. Une fois définies les règles non négociables, il est important pour le reste (les limites négociables donc), d’avoir une certaine flexibilité et de se rendre compte que de faire bouger certaines limites et s’adapter au contexte et aux compétences de l’enfant est normal et important pour le bien-être de tous.

Comme autres pistes, et ça mériterait d’être approfondi en atelier, afin de vraiment développer nos compétences parentales, on propose d’apprendre à améliorer notre qualité d’écoute ou bien de découvrir comment mettre la joie, le jeu au centre de la vie de famille, au quotidien.

Ville de Saint-Paul : Cette nouvelle autorité parentale s’appuie sur quels concepts (sciences, psychologie…)

Anne Faujour : Cette nouvelle autorité parentale, cette Parentalité Créative® est en basée sur les dernières recherches en neurosciences, les acquis en psychologie positive, la Communication Non Violente, la théorie de l’attachement, les travaux d’Alice Miller ce que l’on sait des mécanismes émotionnels et des nombreux bénéfices du jeu. L’idée est de mettre la joie au centre la vie de famille. Ce concept on le doit à Catherine Dumonteil Kremer, pionnière de la parentalité non violente en France, engagée auprès des parents et des professionnels, depuis plus de 25 ans.


Ville de Saint-Paul : Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ce qu’il faut faire ? (Lorsqu’un enfant ne veut pas aller dormir, par exemple ? Ou s’il veut pas faire ses devoirs?)
 

Anne Faujour : Comment faire quand un enfant de veut pas dormir. Cela va dépendre des situations. Dans certains cas, je peux simplement tenir compte du fait qu’il ne ressent pas de sommeil. Moi même je ne ressens pas toujours à la même heure l’envie d’aller me coucher le soir. Pourquoi pas attendre un peu avant de s’allonger? Parfois, ce message “Je ne veux pas aller dormir” en cache un autre plus subtile.

À nous de creuser. On peut reformuler à l’enfant “Tu n’en as pas envie? C’est ça?”. L’enfant qui se sent écouter, sans jugement (sans “Mais c’est l’heure, demain il y a école”) va pouvoir aller plus loin. Peut-être que notre enfant a besoin de réassurance. Le soir est un moment à la fois délicat et précieux où notre enfant va parfois nous confier des choses importantes qu’il a sur le coeur. Peut-être qu’il a peur et besoin de votre présence pour pouvoir se sentir suffisamment en sécurité pour s’endormir… Peut-être qu’une perspective le contrarie…

Comme autre piste à explorer, on peut se demander si notre enfant a eu “sa dose” de moment avec nous. Parfois, nos enfants ont à peine le temps de profiter de nous entre l’école et le moment du coucher et il demande juste un moment privilégié pour remplir leur réservoir affectif. Il peut être aussi utile de réfléchir à tout l’environnement: est-ce que la lumière et l’ambiance est calme et douce ou au contraire sur-stimulante… Dans ce cas, c’est trop attractif de rester avec ceux qui veillent… à nous de progressivement changer l’ambiance et donner envie d’aller au lit.

Prenons le deuxième exemple, un enfant qui ne veut pas faire ses devoirs peut lui aussi nous dire un peu plus que le fait que ça ne le motive pas. D’abord, j’aimerais proposer une piste qui consiste à organiser la fin d’après-midi à l’envers. Quand il rentre de l’école, on a souvent tendance à vouloir que notre enfant “boucle” aussitôt ses devoirs. Du point de vue des parents, ça peut sembler légitime… faire ce qu’on a à faire puis avoir du temps libre.

Par contre, du point de vue de l’enfant, ça s’avère souvent être une impasse. Il vient de passer la journée à subir des contraintes, à engranger des informations, à s’adapter à de nombreuses contraintes, à gérer des contrariétés inhérentes à la vie en collectivité, à maintenir une certaine concentration, à être longtemps assis derrière une table… donc une fois rentré à la maison, ce dont il a besoin, c’est d’abord d’un espace de décharge, de repos, de trêve, de connexion avec nous, si nous sommes là, de mouvement, de rire, bref d’un minimum de contrainte et d’une dose de liberté… Donc, au lieu de proposer “d’abord les devoirs, ensuite le jeu”… Commençons par la priorité : le jeu!

Ensuite, pour les devoirs en eux-mêmes, il est possible de les aborder de manière attractives tout en développant l’autonomie de notre enfant… Parfois aussi, quand ils sont en primaire, on peut discuter avec l’enseignant du fait que les devoirs écrits sont officiellement interdits et qu’on aimerait proposer de faire le travail à l’oral pour offrir plus de temps “tranquille” à notre enfant. C’est un bon calcul car ces temps de pauses sont essentiels pour ensuite être disponibles et ouverts aux apprentissages.

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1 Commentaires
Jacques
Jacques
4 ans

Mes enfants si j'avais écouté voulaient regarder la télé jusqu'à 3 heures du matin, bouffer des chips et du coca comme nourriture, et ne pas aller à l'école. Bon, dans un autre vie j'essaierai la méthode bisounours...