Baisse des adhérents, difficultés à mobiliser, querelles internes...

Le syndicalisme à la croisée des chemins

  • Publié le 1 mai 2014 à 05:00

Ce jeudi 1er mai 2014, la CGTR, FO, Solidaires, la FSU et l'Unef défileront côte à côte dans les rues de Saint-Denis, espérant mobiliser un maximum de personnes malgré les dissensions avec la CFDT, la CFTC ou encore la CGC. Un défi devenu de plus en plus difficile pour les organisations syndicales, qui se cherchent une nouvelle place dans une société recomposée et un monde du travail en pleine évolution.

Baisse des adhérents, difficultés à mobiliser, dissensions internes... Le syndicalisme, en particulier à La Réunion, est-il en crise ? A-t-il encore de l’avenir sous sa forme actuelle, avec ses traditions, son mode de fonctionnement, ses "logiciels" de pensée qui datent tous de plusieurs dizaines d’années ?

Ces questions douloureuses, les leaders syndicaux ne peuvent plus les éviter, même s’ils réfutent leur contenu. "Je ne pense pas qu’il y ait de crise du syndicalisme. C’est loin d’être facile, mais j’y crois encore", assure Jacky Balmine, secrétaire général de la CGTR-BTP. "Je ne crois pas qu’il y ait une perte de confiance envers les syndicats ; la preuve, c’est que nous avons un nombre d’adhérents en augmentation", affirme quant à lui Jean-Pierre Rivière, secrétaire général de la CFDT Réunion.

Si les deux hommes s’opposent sur l’ANI ou le pacte de responsabilité – signés par la CFDT, condamnés par la CGTR –, ils s’accordent malgré tout sur la réalité d’un mouvement syndical en perte de vitesse depuis plusieurs années. "C’est vrai que c’est une période compliquée, on ne peut pas nier de réelles difficultés à mobiliser les gens, car nous vivons dans une société de plus en plus individualiste", avoue Jean-Pierre Rivière, tandis que pour Jacky Balmine, "il y a une misère sociale, une peur, et c’est cette peur qui joue sur la mobilisation".

"On doit changer notre vision des choses"

Finis donc les imposants défilés d’antan, disparues les grandes manifestations unitaires. Rouage essentiel structurant la société du XXème siècle, élément primordial des conquêtes sociales, le syndicat n’est plus ce corps intermédiaire influent qu’il fut. Il n’est pas mort pour autant, demeure un partenaire social incontournable, mais a dû - et doit encore - s’adapter aux évolutions économiques et sociales d’une société plus individualiste certes, mais aussi plus ouverte sur le monde.

"Le monde a changé, nous n’avons peut-être pas su prendre les bons virages...", s’interroge Jacky Balmine. "Je reste confiant, mais on doit changer notre vision des choses", préconise-t-il. De son côté, Jean-Pierre Rivière a lui noté un réel changement dans les motivations des syndiqués. "Aujourd’hui, on ne se syndique plus pour des valeurs ou de grands idéaux, mais on recherche un service ou une assurance pour se couvrir en cas de pépin", analyse-t-il.

C’est que se pose également la question l’efficacité réelle dans la défense des salariés. Les syndicats sont de moins en moins porteurs d'une espérance sociale. L’exemple récent de la SIB est significatif, les ouvriers ayant eu toutes les peines du monde à obtenir le soutien d’une CGTR empêtrée dans ses dissensions internes. Au point que c’est la section Sud – frondeuse – qui s’est rendue aux côtés des salariés du Port... "L’histoire de la SIB, ça m’a blessé terriblement, mais même s’il y avait eu 10 000 personnes, ça n’aurait rien changé", estime toutefois un Jacky Balmine bien fataliste.

Le secrétaire général de la CGTR-BTP reconnaît malgré tout l’image négative que renvoient toutes ces bisbilles internes. "Il y a parfois de l’agressivité entre nous alors que ce n’est pas là que doit être le combat. Certains ont oublié que la priorité des priorités, ce sont les salariés", confie-t-il, conscient des risques de perte de crédibilité pour son organisation. Les plus virulentes critiques à l’encontre des dirigeants syndicaux viennent en effet souvent de l’intérieur.

La fin des lendemains qui chantent

S’adapter, évoluer, se réinventer... Là serait donc l’avenir du syndicalisme. Mais de quelle manière ? "Il faut remettre au centre le dialogue social, il y a une adaptation qu’on est en train de faire à la CFDT", considère Jean-Pierre Rivière. "On est toujours au coeur des relations sociales dans les entreprises, mais notre champ de vision doit s’élargir. Notamment à La Réunion, on ne pourra pas rester uniquement dans une relation bilatérale patron-salariés. Nous devons mettre en place un dialogue social au niveau territorial", développe-t-il.

À la CFDT comme à la CGTR, on a compris que l’époque n’était plus aux lendemains qui chantent, mais on veut rester optimiste pour l’avenir. "Il y a toujours une relève et on essaie de transmettre notre culture syndicale, nos valeurs", glisse Jean-Pierre Rivière. "Je suis sûr qu’on va aller en progressant. Moi j’ai appris sur le tas, mais les jeunes qui arrivent réfléchissent davantage, sont plus posés", ajoute Jacky Balmine.

Réalité ou vœux pieux ? Toujours est-il que ce jeudi 1er mai, pendant que les uns (CGTR, FO, Solidaires, FSU...) défileront du Jardin de l’Etat jusqu’à la préfecture de Saint-Denis, les autres (CFDT) pique-niqueront à l’Étang Saint-Paul. Le retour de l’unité n’est pas pour aujourd’hui.

Guilhem George pour www.ipreunion.com

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