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Dopage : La Réunion n'est pas épargnée

  • Publié le 22 novembre 2011 à 07:00

Le milieu sportif a été ébranlé il y a peu par les propos tenus par l'ancien champion de tennis Yannick Noah qui a souhaité la légalisation du dopage pour rétablir une égalité entre sportifs, remettant en question par la même occasion les performances des sportifs espagnols qui raflent presque toutes les compétitions dans plusieurs disciplines. Si à La Réunion, le dopage n'est pas monnaie courante, quelques cas sont quand même recensés chaque année, et cela dans des disciplines diverses. En 2010, sur 154 contrôles effectués par le biais de la DRJSCS (direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale), 11 cas se sont révélés positifs. La substance en cause dans la plupart des cas : le cannabis. Face à cela, une politique de prévention et de lutte contre le dopage se met en place.

Cyclisme, haltérophilie, natation, football, athlétisme, tennis, pétanque..."Le dopage peut concerner toutes les disciplines sportives. A La Réunion, dans les contrôles que nous effectuons, il n'y a pas une majorité de cas positifs dans un sport en particulier, il n'y a que des cas isolés dans des disciplines diverses", précise Jean-Yves Morel, correspondant régional de dopage à la DJSCS de La Réunion.

Selon les chiffres des dernières années, sur l'île, en 2008, 6 sportifs avaient été contrôlés positifs, 6 en 2009 également, 11 en 2010, et pour cette année 2011, sur les 140 contrôles réalisés, 9 cas positifs ont été recensés.

Pour le Dr Patricia Wind, médecin au service d'addictologie du centre hospitalier Félix Guyon, deux éléments poussent les athlètes à se doper : "la pression de la réussite, de vouloir être le meilleur avant toute chose, et la pression financière qui est de plus en plus présente".

Un avis partagé par Marc Marie, président de la ligue régionale d'haltérophilie. "Le problème du dopage est intimement lié à l'attrait des gains financiers", assure-t-il. S'il assure que dans sa discipline, peu d'haltérophiles se dopent, il ne cache pas que dans le culturisme, les cas positifs sont plus nombreux. "On promet aux sportifs des sommes de plus en plus importantes s'ils gagnent une compétition. Certains sont prêts à prendre toutes sortes de compléments illicites pour se renforcer et pour gagner plus d'argent, même si c'est aux dépens de leur santé", note Marc Marie.

Pourtant, les risques encourus sont nombreux. Anabolisants, hormones et autres corticoïdes, provoquent troubles cardio-vasculaires, lésions articulaires et tendineuses, problèmes hépatiques, troubles de l'attention, du sommeil ou encore état dépressif. "Les sportifs pensent à tort que le dopage est innocent, que ça ne servira qu'à améliorer leur performance, alors qu'ils en subiront les conséquences tôt ou tard", prévient un médecin du sport situé dans l'Ouest.

Afin de réduire le dopage dans le sport, les ligues de l'île multiplient les efforts en demandant des stages de prévention et des contrôles réguliers. "Nous sommes habilités par l'agence française de la lutte contre le dopage pour diligenter les contrôles urinaires et sanguins lors des événements sportifs qui sont sous l'égide d'une fédération reconnue par l'Etat. Nous disposons ainsi d'une équipe de 15 préleveurs assermentés, médecins et infirmiers, qui sont chargés d'effectuer une dizaine de dépistage par mois", indique Jean-Yves Morel.

Les examens sont ensuite analysés dans un laboratoire centralisé en métropole. "Si le résultat est positif, il faut prévenir le sportif, le préleveur et ensuite la fédération dans laquelle est inscrite l'athlète", signale le correspondant de dopage à la DRJSCS. Si les prélèvements sont négatifs, pas de retour aux ligues respectives. Un élément que regrettent certains responsables. "L'organisation est encore nébuleuse pour moi, il manque un peu de clarté, puisqu'il n'y a pas de retour formel", déclare Gilles Hubert, président de la ligue régionale d'athlétisme. Cette discipline a été contrôlée deux fois cette année, lors du meeting d'athlétisme et du championnat de La Réunion, sans aucun retour.

Dans le milieu du cyclisme, souvent suspecté depuis l'affaire Festina, François Nativel, président local de la ligue, n'a "pas le sentiment que beaucoup se dopent à La Réunion". "Le dernier contrôle positif doit remonter à 7 ou 8 ans sur le Tour de l'île. Le coureur, par méconnaissance, avait pris un sirop qui comprenait une substance illicite", se souvient François Nativel. L'homme pense que "les sportifs doivent mieux se renseigner sur les produits qu'ils prennent, et notamment les médicaments", car les contrôles positifs sont parfois le fait d'une méconnaissance.

C'est ce que confie aussi le Dr Patricia Wind. "Un petit nombre de mes patients sont des athlètes contrôlés positifs", souligne-t-elle. "Mais ce qui me frappe avant tout quand je les reçois, c'est leur méconnaissance de choses basiques, comme l'obligation de consulter après un contrôle positif, ou le fait qu'ils ne fassent pas assez attention aux médicaments qui contiennent des substances illicites dans le sport", ajoute-t-elle.

Si certains se dopent par naïveté, d'autres le font en connaissance de cause. Entre 2008 et 2010, sur l'île, 15 cas positifs sur 19 sont liés au cannabis selon les renseignements donnés par la DRJSCS. Un fléau qui sévit non seulement dans le sport, mais aussi dans la société.

Dans la lutte anti-dopage, prévention et contrôle sont des armes essentielles, mais pour Gilles Hubert, "il faudrait donner plus de moyens pour plus d'efficacité dans les dépistages". Quant à Marc Marie, il a sa petite idée pour éradiquer le dopage : "Je pense qu'il faut des contrôles plus fréquents, mais aussi arrêter de payer les athlètes avec des millions et suspendre définitivement les sportifs contrôlés positifs".

Quant aux propos tenus par Yannick Noah, si Jean-Claude Caussanel, président de la ligue de natation, les juge "graves", Gilles Hubert estime que l'ancien champion de tennis a "dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas". "Quand on est dans le milieu sportif et qu'on voit certaines transformations physiques et certaines performances qui s'enchaînent, on se pose des questions, c'est légitime. A un moment, il faut arrêter de se voiler la face. L'intervention de Noah, même si elle fait polémique, permettra peut-être de développer un peu plus l'efficacité des moyens de contrôle", conclut le président de la ligue d'athlétisme.

Samia Omarjee pour
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