Tribune libre d'Éricka Bareigts

"Non à la baisse des crédits sur l'égalité hommes-femmes"

  • Publié le 14 novembre 2017 à 09:20
  • Actualisé le 14 novembre 2017 à 09:50

La députée Éricka Bareigts réagit à l'examen du budget dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes. La parlementaire intervenait à ce sujet en séance à l'Assemblée Nationale. Elle s'insurge contre la baisse des crédits. Nous publions ci-après son communiqué.


Si la mission connaît une hausse d'1,5 milliard d'euros, ces revalorisations ou augmentations de budget s'accompagnent de discrets coups de rabot voire de véritables angles morts. Le groupe Nouvelle Gauche vous en a fait part et vous avez reconnu qu'il y avait en effet certains problèmes. Evoquons tout d'abord la revalorisation de l'Allocation Adulte Handicapé qui ne concernera pas les couples puisque vous choisissez de rapprocher les règles de celles du RSA au nom d'une logique d'équité qui reste à démontrer.

Vous avez promis une mesure de lissage, laquelle ne touchera toutefois qu'un très faible nombre d'allocataires. Madame la Ministre, je vous avais lu, dans cet hémicycle et lors des questions au gouvernement, le courrier de Thomas, adulte en situation de handicap qui a le tort d'être en couple. Il écrivait ainsi : " je ne veux pas me retrouver comme un fardeau pour la personne que j'aime ". Pouvons-nous réellement accepter pareil recul pour les personnes en situation de handicap ?

Sur quel fondement un couple à l'AAH est-il à rapprocher d'un couple au RSA ? C'est une vraie question de fond dont nous débattons aujourd'hui et pas seulement une question budgétaire ! Le groupe Nouvelle Gauche vous invite à revenir sur cette mesure injuste et discriminatoire. Concernant les aidants familiaux qui s'apprêtent à subir le taux le plus important de CSG dès le 1er janvier prochain, suite à mon interpellation et à celle de Gilles LURTON, le Ministre des Comptes publics Gérald DARMANIN a reconnu qu'il y avait là une " erreur, en tout cas une injustice " selon ses mots et a promis qu'une solution serait présentée en deuxième lecture.

Sachez que nous serons, tout comme les associations, particulièrement vigilants à cet égard. Concernant la fusion à la baisse des deux compléments de l'AAH qui feront perdre 75 à 179 euros par mois à des personnes vivant déjà sous le seuil de pauvreté, vous y voyez de la simplification, nous y voyons de la paupérisation. Au-delà, je voudrais vous parler d'une question qui m'est chère et qui est d'une particulière gravité.


Je souhaite ainsi vous faire part du drame qui a endeuillé l'île de La Réunion il y a moins de quinze jours. Le 28 octobre dernier, Corine, 42 ans, mère de deux enfants, est décédée sous les coups de son conjoint. Elle était en procédure de divorce. Il l'a frappée avec des hauts parleurs lui fracassant la boîte crânienne. Depuis le début de l'année 2017, sur la seule île de La Réunion, Arlette, Jessie, Nicole, Suzanne et maintenant Corine : 5 femmes ont été tuées par leur conjoint.

Et nous ne sommes qu'en octobre ! Nous déplorons ainsi un féminicide tous les deux mois. Nous sommes dans un pays où, tous les trois jours, une femme est assassinée par son conjoint. Nous sommes dans un pays où chaque heure près de 9 femmes sont violées, soit plus de 200 par jour. Nous sommes dans un pays où le harcèlement sexuel est une réalité quotidienne pour trop d'entre nous.

Face à ces chiffres accablants, il est de la responsabilité de l'ensemble de la classe politique de tout faire pour que le plus rapidement possible plus aucune femme ne soit victime de violences. Nous soutenons ainsi totalement la grande cause quinquennale dédiée à l'égalité femmes-hommes. De même, lors de l'examen de la prochaine loi sur les violences sexuelles, le groupe Nouvelle Gauche sera au rendez-vous pour que cette loi soit la plus ambitieuse possible.

Cependant, lorsque des reculs sont à déplorer, il nous faut les souligner car ces reculs seront lourds de conséquences pour nos concitoyens. Nous regrettons ainsi vivement que le budget dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes soit en baisse en 2018. En effet, la hausse affichée n'est due qu'à un double tour de passe-passe. Le premier tour c'est de partir du budget exécuté en 2016, c'est-à-dire de 19,5 millions d'euros et non pas du budget voté en 2017 par cette Assemblée, budget qui s'élevait à 29,7 millions d'euros.

Le deuxième tour, c'est l'abondement des crédits correspondant aux établissements d'information, de consultation et de conseil familial (EICCF), auparavant rattachés au programme 304 " Inclusion sociale ". Ces crédits ont été transférés, à l'identique, sur l'action 12 du programme (" Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes "). L'enveloppe de 2,8 millions comme le choix d'une base de comparaison plus favorable permet d'expliquer la hausse artificielle.

Sans ce tour de passe-passe et compte-tenu de l'inflation budgétaire, le programme serait en forte baisse. On nous assure que le budget dédié à l'égalité femmes-hommes sera totalement exécuté en 2018. Quelles assurances avons-nous ? Alors que nous assistons sur certains territoires à un recul de la mobilisation des collectivités locales sur cette cause et que les contrats aidés seront en baisse drastique au cours de l'année 2018, les associations seront vraisemblablement très affaiblies dans leur capacité à mobiliser des financements.


Il ne s'agit pas de langue de bois politicienne comme vous avez pu l'indiquer dans votre réponse à ma question en Commission élargie, Madame la Ministre. Il s'agit d'un enjeu très grave, si ce n'est l'un des plus graves dans notre pays: comment pouvons-nous admettre une baisse des crédits sur l'égalité femmes/hommes alors même que la parole des femmes se libère actuellement et qu'elle nous invite à redoubler d'efforts ?

Ces inquiétudes particulièrement vives justifient la position du groupe Nouvelle Gauche qui votera contre le budget prévu pour cette mission.

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