La Réunion mobilisée

Pollution lumineuse, le grand défi

  • Publié le 9 avril 2018 à 03:00
  • Actualisé le 9 avril 2018 à 14:42

Les Nuits Sans Lumières sont de retour, l'occasion de revenir sur une problématique qui entre chaque année un peu plus dans les esprits : la pollution lumineuse. Nocive pour les oiseaux, elle l'est encore plus pour l'environnement et coûte cher aux communes. Si des avancées significatives sont notables, le chemin est encore long vers un éclairage public plus intelligent et respectueux.

Quand certains ont "l'impression de se battre contre des moulins à vent", d'autres veulent "voir le verre à moitié plein". La pollution lumineuse, cheval de bataille des organisateurs des Nuits sans lumières depuis une décennie, fait débat mais semble désormais emmener tous les acteurs dans la même direction. Celle du combat.

"Depuis deux à trois ans, on sent vraiment une réelle mobilisation et que le problème touche du monde". Ces mots, ce sont ceux de Marc Salamolard, ancien directeur de la Séor et désormais en charge de la faune et des Nuits sans lumières au Parc national. Impliqué sur le sujet depuis "plus de 15 ans", il note aujourd'hui "une grande différence". La participation "toujours plus importante" d'année en année, est également soulignée par Jean-François Allin, directeur de la transition énergétique chez EDF Réunion.

"En 2015, 9 communes ont participé, ce qui avait permis d'économiser 313 MWh. En 2017, 19 communes ont pris part à l'aventure et 780 MWh ont été économisés. L'équivalent de 300 à 400 foyers". S'il le spécialiste EDF reconnaît que cela est "encore peu", les chiffres de consommation à l'année sur l'ensemble du département le confirment. En moyenne, La Réunion dépense 50.000 MWh/an d'énergie électrique, d'après la SPL Énergie Réunion. De quoi laisser entrevoir le chemin restant à parcourir.

- Le sentiment d'insécurité au cœur du débat -

Virginie Peron, élue déléguée à l'environnement à Saint-Paul, témoigne de la difficulté encore présente à faire accepter le sujet. "On a parfois l'impression de se battre contre des moulins à vent" clame-t-elle. "C'est un combat de tous les jours, parce que tout le monde est encore habitué à vivre avec l'éclairage public". Selon elle et plusieurs acteurs interrogés, le sentiment d'insécurité freine les ambitions des communes. Mais d'après l'élue qui dit avoir travailler avec les gendarmes sur la question, "il n'y a pas plus de plaintes pendant les Nuits sans lumières". Des propos confirmés par Marc Salamolard, selon qui "le sentiment d'insécurité est une notion subtile […] Il n'y a pas un accroissement de l'insécurité lors des nuits sans lumières". Pour François-Xavier Couzi, directeur de la Séor, c'est un sentiment "compréhensible" pour lequel des "réponses existent".

Face à ce constat, c'est EDF qui propose désormais aux collectivités des "solutions innovantes". "On propose désormais des lampadaires complètement orientés vers le sol d'abord, et sur lesquels on peut réduire l'intensité, voire même l'éteindre" affirme le directeur de la transition énergétique. "Avec la programmation, on peut faire ce qu'on veut" somme-t-il. Une solution efficace qu'EDF nomme "l'éclairage intelligent", par ailleurs réclamé par Marc Salamolard et Virginie Peron. "Il faut un éclairage public intelligent, qui se déclenche par exemple seulement au passage des individus ou des véhicules" exprime-t-elle.

Si l'éclairage dit "intelligent" semble convenir aux différentes sensibilités, le coût des rénovations à prévoir peut là-aussi refroidir les communes. Depuis 2011, et le lancement des campagnes d'EDF sur le sujet, 3.500 points lumineux ont été rénovés à La Réunion. "C'est très peu" confie Jean-François Allin qui prend pour exemple le chef-lieu qui compte environ "10.000 points lumineux".

- Dialogue avec chacun - 

Devant l'ampleur du challenge, Marc Salamolard se veut lui positif. Le responsable des Nuits sans lumières compte bien sur l'événement pour permettre "au plus grand nombre de faire l'expérience de". Pour lui, "il faut un dialogue avec chaque usager pour expliquer et faire comprendre l'intérêt". Et déplore que si "plein de de choses sont mises en place, elles ne sont pas mises en valeur". "Le problème des collectivités, c'est qu'elles réalisent de très bonnes choses, elles en parlent une fois et après on en entends plus parler".

Il prend l'exemple des efforts réalisés par Saint-Paul en s'appuyant sur les données satellitaires de la NASA, récoltées par une étude à l'initiative d'Erwann Lagabrielle, chercheur à l'Université de La Réunion et à l'institut de recherche et de développement. Les données montrent qu'en 2016, la commune de Saint-Paul a vu son intensité lumineuse captée par satellite baissée de près de 30% en avril (période des Nuits sans lumières) par rapport à la moyenne de l'année. Un chiffre très encourageant pour Marc Salamolard qui tient "à parler de ces petites victoires".

Les Nuits sans lumières de cette année 2018 vont d'ailleurs franchir un cap. Comme l'explique Betty Salambier, responsable communication chez EDF Réunion, "un courrier a été transmis à l'ensemble des entreprises du département" avec l'objectif de voir éteintes les "consignes lumineuses", ou encore de "limiter leurs éclairages". Une première, qui devrait encore faire grandir la mobilisation autour de cette "problématique aux intérêts convergents" rappelle le directeur de la Séor. EDF de son côté, mènera également une "campagne interne" auprès de ses "615 salariés" locaux assure Jean-François Allin.

Des "signes d'espoirs" pour Marc Salamolard qui note, en écho, une implication "plus franche à La Réunion qu'en métropole". "La densité des acteurs que cela implique est bien plus importante et diverse qu'en métropole" affirme-t-il. Il en est certain : "chacun peut contribuer à cette problématique citoyenne". Et rappelle avec le sourire sa maxime favorite : "par rapport à la métropole on commence toujours un peu plus en retard, mais on va aussi toujours beaucoup plus vite".

hf/www.ipreunion.com

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