Face au sentiment d'une justice à deux vitesses

Les paillotes de plage ou l'arbre qui cache la forêt

  • Publié le 10 avril 2018 à 03:00
  • Actualisé le 10 avril 2018 à 12:52

Ce dimanche 8 avril 2018, plusieurs centaines de manifestants se sont retrouvés sur la plage de l'Hermitage. Vent debout contre les paillotes, ils ont voulu montrer leur incompréhension face à la non-application de l'arrêt de suspension des AOT (autorisation d'occupation temporaire) rendu par le tribunal administratif. S'en est suivi un mouvement de casse : mobilier et panneaux ont été démontés. Qu'il soit justifié ou non, le geste dissimule surtout un sentiment d'injustice criant.

"Fou dehors !" : avant les gestes, ce sont d'abord dans les mots scandés par la foule que la colère était palpable sur la plage de l'Hermitage. Ce dimanche, ils étaient entre 200 et 300 à se rassembler, face à la poursuite de l'activité des établissements sur le sable.

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Ne tardent ensuite pas à fuser cris et insultes. Avant que des pesonnes ne décident d'arracher les toitures en paille des terrasses. De renverser le mobilier. De démonter les panneaux. La violence de ces gestes est indéniable. Tout comme le sentiment d'injustice criant qui tend à penser que, derrière ces paillotes, se cache un problème d'une toute autre ampleur.

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Le point de départ, c'est déjà cette impression d'une justice à deux vitesses. Constructions les pieds dans l'eau, cases sans permis dans les hauts, pas le même tarif ? C'est bien tentant d'aboutir à cette conclusion lorsque l'on prend tout simplement en compte... la loi. Depuis déjà plusieurs mois, le collectif de défense du domaine public maritime attire le regard sur l'illégalité de ces bâtis. Car si chacun y va de sa propre opinion, il n'empêche qu'il existe bel et bien une législation sur l'installation entre mer et filaos.

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À cette législation, s'ajoute un arrêt du tribunal administratif rendu le 16 mars dernier. Celui-ci décidait de la suspension des autorisations d'occupation temporaires du domaine public délivrées à six établissements de plage de l'Hermitage.

- Différence de traitement et malaise profond -

Et en ce début avril, force est de constater que les dits établissements occupent toujours un espace qui ne leur est donc plus... autorisé. Si l'on calque ce schéma sur une maison bâtie sans permis de construire dans les hauts, il y a fort à parier que la tolérance ne serait probablement pas la même. Et c'est sans doute précisément cette différence de traitement qui dérange les "anti-paillotes".

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La violence des gestes commis ce dimanche est par contre indéniable. Mais il convient de s'interroger sur la profondeur du malaise ayant engendré cette violence. Les paillotes, au final, ne sont qu'un prétexte mettant en exergue une politique du deux poids deux mesures. On le comprend mieux lorsque l'on entend le discours de cette mère de famille, dont la voix déchirée par les larmes peinait à expliquer sa tristesse face au départ de ses enfants de l'autre côté de la mer. Un arrachement motivé par la quête d'un emploi. Une prise de parole déclamée en plein milieu de ces occupations illégales.

Alors, au delà des débordements, peut-on blâmer cette volonté de vouloir se faire justice soi-même ? Par tous les moyens et à tout prix. Jusqu'à courir le risque d'être soi-même poursuivi. Ce dimanche, deux hommes ont été placés en garde à vue dans le cadre des dégradations commises ce dimanche, il y a deux jours. La décision d'annulation des AOT des paillotes a été rendue le 16 mars par le tribunal, il y a 25 jours. L'État ne l'a toujours pas faite appliquer...

www.ipreunion.com

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3 Commentaires
cavadu
cavadu
5 ans

Faire justice soi même est irresponsable comme notion : cela ouvre la porte à toute sorte de règlements de compte. La Justice existe dans notre pays, faisons lui confiance malgré ses délais, ses dysfonctionnements, et sa difficulté à communiquer avec les citoyens. Vous avez bien conscience que le cas des restaurants et de leurs AOT relèvent d'une juridiction et la violence gratuite d'une autre. Il n'est pas question de deux vitesses mais d'un délit et d'une infraction qui ne se jugent pas de la même façon et par les mêmes instances. C'est comme si vous compariez le non paiement d'un PV pour stationnement avec un cambriolage avec effraction .... un peu de bons sens pour apaiser les tensions déjà vives ne ferait pas de mal

100SU
100SU
5 ans

Qu'il faut continuer le mouvement de destruction de tous les restaurants. Et 5000€ d'amendes par jour aux patrons des restaurants qui ne respecte pas les lois. Rend à nou nout plage .! Créole la jamais eu besoin de restauration degeulas sur la plage pour manger. On pic-nic nous, en famille, grillade. Fou de feu dan band restaurant la don! Mi soutien à zot collectif, largue pas, si la loi y veut pas bouge son ki, créole va fè le travail pou.

Nikolas
Nikolas
5 ans

Votre boulot de journaliste devrait vous aider à ne pas attiser la haine ou encore diffuser des "fake news", non? En effet, le TA a rendu un référé, en aucun cas, il a statué sur le fond du problème, or, l'état attend ce jugement pour l'appliquer...