19,90 euros pour 4 visites par mois

Vous ne pouvez pas aller voir vos gramounes ? Demandez à votre facteur

  • Publié le 6 mars 2019 à 10:59

Lancé officiellement lundi, le service de La Poste " Veiller sur mes parents " propose des visites régulières du facteur aux personnes âgées. Les familles intéressées doivent alors souscrire à un abonnement. Mais le service divise les différents acteurs concernés. Alors, bonne idée ou mauvaise idée ? (photo d'illustration rb/wwwipreunion.com)

" Rien de mieux que le facteur humain " titre La Poste sur son site internet. Le jeu de mots annonce la couleur : les particuliers peuvent faire appellent au service d’un facteur pour rendre visite aux personnes âgées isolées.

Lire aussi : "Veiller sur mes parents", le nouveau service de La Poste

Les agents concernés ne se contenteront pas de passer par la boîte aux lettres, ils passeront la porte d’entrée pour prendre des nouvelles du client et s’assurer que tout va bien, avant d’envoyer un message aux proches pour faire un petit bilan de la visite.

" Sur 750 agents, une centaine est formée environ " explique Valérie Deubel, chef de projet Veillez sur mes parents à La Réunion. " On est devant des personnes fragiles, donc on demande aux facteurs de prendre le temps du dialogue, de l’échange ". Pas de formation aux premiers secours, cependant : " en cas de malaise ou de chute, ils doivent immédiatement appeler les pompiers ".

" C’est une très bonne initiative " selon Patrice Louaisel, le président de l’association SOS Gramounes isolés. " Nous constatons de moins en moins de bénévoles disponibles pour s’occuper des personnes âgées. Le facteur, ils le voient tous les jours, ils ont confiance en lui. "

Alors que " beaucoup de seniors restent coincés chez eux sans pouvoir prendre la voiture " selon lui, ce type de services pourrait soulager leur solitude. " On oublie trop souvent nos vieux, un peu de lien social et d’humanité ça fait du bien ", estime Patrice Louaisel.

Lors de leur première visite, les facteurs auront d’ailleurs un petit guide, qui se présente sous forme de jeu. " Il y a 32 cartes à thème, chacune ouvrant sur un sujet de conversation ", explique Valérie Deubel, " on veut vraiment mettre l’accent sur la relation humaine, le partage, le bien vieillir à domicile ".

Payer pour éviter de se déplacer ?

Un bémol : le prix. En effet, l’île compte plus de 65 000 personnes âgées. Parmi elles, 45,2% des 65-74 ans et 58,4% des 75 ans et plus déclarent des revenus en dessous du seuil de bas revenus à La Réunion, selon l'Observatoire régional de la santé. " On oublie que beaucoup de seniors vivent avec moins de 800 euros par mois. A moins que ce soit leurs proches qui payent le service, le prix me paraît trop élevé ", ajoute Patrice Louaisel.

En effet, il faut compter 19,90 euros par mois pour une visite hebdomadaire du facteur, soit 4 passages par mois. Toute visite supplémentaire dans la semaine sera facturée 14,90 euros par mois. Une offre " modulable " selon Valérie Deubel, qui s’adapte aux demandes des familles et aux différences de budgets. L’abonnement contient aussi le journal Famileo, qui permet aux proches éloignés d’envoyer messages et photos à leur parent.

Une façon d’éviter de leur rendre visite ? C’est le risque, selon Jacques Clorinde, le président du club du 3e âge Saint-Jacques à Denis. " Ce n’est pas aux facteurs de s’occuper des seniors, c’est aux enfants, à la famille " rappelle-t-il. " Pour ceux qui viennent déjà trop peu, ils vont se dire : pas besoin de se déplacer, maintenant il y a le facteur pour le faire. " Quant aux personnes isolées sans famille, il estime que les services proposés par les communes sont déjà suffisants. 

" Les facteurs n’ont pas le temps "

Mais le facteur ne peut-il justement pas réparer ce lien social parfois perdu avec les familles ? Loïc Désirée, secrétaire général de la CGT FAPT, est sceptique. Il estime que le facteur ne passera pas plus de 10 minutes avec le client. Un chiffre confirmé par La Poste, qui jauge le temps passé sur place " entre 10 et 15 minutes ".

" Ils ne peuvent pas faire plus, ils n’ont pas le temps ! " s’impatiente Loïc Désirée. " On est déjà en manque d’effectifs. Entre les lettres, les colis, les paquets internationaux, les recommandés et toutes les publicités à mettre dans la boîte aux lettres, commençons déjà par assurer la distribution du courrier correctement ".

Autre dommage collatéral selon lui, la mise en place de contrats précaires. Ceux qui vont assurer ces services à la personne, ce sont les facteurs qualifiés " tarif expert ", ceux qui ont suivi la formation nécessaire pour assurer les services à la personne, en plus de la distribution de courrier. " On va donc puiser dans les titulaires, et pour distribuer les colis, qui restera-t-il ? La Poste n’a pas d’autre choix que d’embaucher des intérimaires, on se dirige donc vers une précarisation du métier. "

Une peur générale : celle de perdre de vue la solidarité " gratuite ". " Avant, prendre des nouvelles des personnes âgées était quelque chose que le facteur faisait gratuitement, parce qu’il avait le temps de distribuer son courrier. ", estime Loïc Désirée, " ce n’est plus le cas maintenant ".

mm/www.ipreunion.com

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1 Commentaires
Marie jo
Marie jo
5 ans

On est mieux servi que chez soit la famille est importante mais ferait une rotation si nécessite une personne dans des associations ou dans les services mais les postiers je pense pas.