Une situation catastrophique

Crise du BTP : "il faut sauver l'année 2019"

  • Publié le 15 mars 2019 à 15:59
  • Actualisé le 4 avril 2019 à 05:21

Deux jours avant l'arrivée de la ministre des Outre-mer Annick Girardin à La Réunion, la FRBTP a convoqué un Conseil d'administration extraordinaire, pour faire le point sur la crise du BTP, qui sévit depuis des années sur l'île. Les différents acteurs de la filière réclament des réponses de la part du gouvernement, et attendent beaucoup du Plan logement 2019-2022.

" Le carnage arrive ", résume Fabrice Cola, l’un des entrepreneurs réunis autour de la table vendredi 15 mars 2019, pendant le Conseil d’administration exceptionnel convoqué par la FRBTP, la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics. De fait les chiffres sont sans appel : 440 entreprises ont mis la clé sous la porte en 2018. L’année à venir s’annonce pire.

Depuis le début de l’année 2019, déjà 40 entreprises ont fait l’objet d’une procédure collective, " et on s’attend à des chiffres bien pires pour la fin du mois de mars ", déclare Bernard Siriex, le président de la FRBTP. Selon les données de l’Iedom, 85% des entreprises ont déclaré avoir perdu 25% de chiffre d’affaires à la fin de l’année.

Malgré l’adage qui dit que Quand le bâtiment va, tout va…, " on ne peut pas dire qu’il se porte bien à La Réunion ", se désole Bernard Siriex. " Mais nous ne sommes pas en train de pleurer, nous sommes en train de dire : attention ! Nous sommes en train de perdre nos entreprises. "

" On veut juste travailler "

Certes la Nouvelle route du Littoral est un chantier colossal, " mais son chiffre d’affaires cache un peu la perte que nous avons sur le logement ", se désole Bernard Siriex. Car c’est bien ce corps-là qui souffre. " On veut construire ", martèle Fabrice Cola, poings sur la table. " On veut juste vivre de notre métier. On n’en peut plus des aides ou des subventions, on peut juste travailler ". Aujourd’hui ces entrepreneurs estiment qu’ils ne travaillent qu’à 20 ou 25% de leurs capacités.

Ce ne sont pourtant pas les idées qui manquent en matière de construction, à La Réunion. En octobre 2018, l’Insee annonçait un besoin de 168 900 logements d’ici 2035, mais aujourd’hui le déficit est de 22 000 logements, autant de familles qui sont dans l’attente, et qui vivent dans de véritables taudis.

Lire aussi : La Réunion devra construire 168 900 logements d'ici à 2035

Sur l’année 2018, on compte seulement 1 811 mises en chantier. C’est bien loin des 4 000 promises par an. Et c’est sans compter sur la suppression de l’APL accession, malgré sa prolongation décidée il y a quelques mois, rien ne sort de terre.

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La demande d’un plan Marshall

" Le BTP souffre mais nous voulons sortir de la crise ", rappelle Bernard Siriex. Lui et ses administrateurs demandent donc la mise en œuvre d’un plan Marshall. Le rôle de " tampon social " de la fédération semble de plus en plus difficile à jouer.

" Il faut inciter les donneurs d’ordres à relancer une vraie politique de logement social " propose Bernard Siriex. Il est aussi urgent selon lui d’imposer la mise en œuvre des index locaux et de régler le problème des retards de paiements. " Les délais ne sont pas respectés ", se désole Bernard Siriex.

Les acteurs du bâtiment attendent également des réponses. Impossible de savoir combien coûtent les salariés depuis le début de l’année. Impossible de savoir pourquoi les constructions de logements sociaux ou les chantiers liés à l’APL accession n’avancent pas. Impossible de savoir pourquoi les collectivités ne lancent pas de projet plus ambitieux, permettant d’atteindre les quotas de logements promis. " Est-ce que c’est parce que le foncier manque ? Ou d’autres raisons ? Nous ne savons pas, et il faut que l’on sache ", résume Bernard Siriex.

" On va créer des entreprises jetables ", se désole Fabrice Cola. " On est dans la création de sociétés précaires, qui vont servir pendant deux mois seulement ". Pour les acteurs de la fédération, il faut davantage de chantiers durables, et axés sur le logement pur.

" On peut créer de l’emploi "

Yan Rivière, autre entrepreneur à la tête d’une PME, se désole du " manque de valorisation " du métier. " On essaie de nous monter les uns contre les autres, de nous mettre dos à dos avec les fournisseurs par exemple ". " Diviser pour mieux régner ", résume son collègue Fabrice Cola.

Aujourd’hui, 17 500 salariés travaillent sur l’île, contre 18 000 au chômage. " Vous vous rendez compte ? " interpelle Bernard Siriex. " Il y a davantage de chômeurs que d’actifs. " Et c’est bien ce qui inquiète les patrons de PME. " Notre devoir social envers nos salariés est de plus en plus dur à assumer ", explique Yan Rivière. " Nos employés ce sont aussi nos amis, on mange avec eux le midi, c’est comme une famille. Et on veut continuer à les payer, on ne veut pas créer plus de chômage encore. "

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Pour ces acteurs du bâtiment, il ne faut pas oublier que les constructions sont synonyme de retour à l’emploi pour beaucoup de personnes. " Quand le bâtiment se porte bien, toute l’économie suit ", estime Bernard Siriex.

La ministre des Outre-mer attendue de pied ferme

Malgré la visite de Bernard Siriex à Paris début mars, rien n’a changé. " Nous sommes allés porter nos dossiers mais nous sommes revenus bredouilles ", explique le président. Le gouvernement est sourd selon lui. D’autant plus que la préparation du Plan logement Outre-mer s’est d’abord déroulée sans les acteurs ultra-marins.

Même si aucune rencontre n’est encore planifiée avec la ministre des Outre-mer, la FRBTP attend de tout remettre à plat, afin de relancer l’activité pour les mois qui viennent, avant la mise en place du Plan logement. " Il faut que tout le monde se remonte les manches ", explique Bernard Siriex, en remontant littéralement les manches de sa chemise. " Que l’on se mette tous aussi d’une table et que l’on parle concrètement des constructions à venir. "

mm/www.ipreunion.com

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2 Commentaires
Michel
Michel
5 ans

Un gros laxisme dans cette fédération, apparemment. Son Président s'active à dire qu'il ne sait pas ce qui se passe, dans les financements attendus pour le logement social; alors que plusieurs milliers de dossiers de familles sont en souffrances; comment voulez-vous que les familles qui attendent 'être mieux lotis, le sachent La NRL n'est plus un chantier d'avenir, il est temps d'interpeller les élus des collectivités et les banques Quand on veut faire travailler les PME, on arrête de donner des chantiers d'envergure aux groupes européens comme Bouygues- Vinci et consort

melpomene
melpomene
5 ans

un des facteurs et non des moindres est, pour une certaine commune de l'ouest, l'extrême lenteur des instructions des dossiers de demande de permis de construire (en moyenne 6 mois ! pour des opérations immobilières conséquentes !)
Il y a donc là un sérieux problème qui bloque des futurs marchés de travaux de plus de 10 millions d'euros pour les entreprises. Il y a là matière, pour la FRBTP, à analyser de très près ces dis-fonctionnements administratifs territoriaux....