Polémique

Publicité pour le rhum : les affiches (et le drapeau) de la discorde

  • Publié le 9 juillet 2019 à 14:35

La campagne de communication de la société Rhums Réunion pour l'édition limitée de sa nouvelle bouteille de rhum charrette ne fait pas l'unanimité. Au coeur du débat, l'utilisation du drapeau de La Réunion sur les étiquettes de l'alcool phare de la marque, un rhum blanc traditionnel à 49 degrés. L'addictologue David Mété dénonce "une usurpation des symboles de notre patrimoine à des fins bassement mercantiles". L'alcoolier se défend en expliquant utiliser ce symbole du patrimoine au même titre que d'autres et en rappelant que le rhum Charrette est un fleuron du patrimoine réunionnais. Entre maintien de l'économie locale et problème de santé publique, cette campagne de publicité provoque une nouvelle fois le débat autour du fléau de l'alcool à La Réunion...

Un timing qui pose question 

Alors que les Jeux des îles s’ouvrent dans une dizaine de jours, le groupement d’intérêt économique Rhums Réunion sort une édition limitée de la bouteille de Rhum Charrette. Sur l’étiquette, l’image d’Épinal habituelle : un agriculteur, chapeau de paille vissé sur le crâne, appuyé sur sa charrette boeuf. Une image désuète mais la marque de fabrique du rhum Charrette depuis plusieurs décennies.

Pour David Mété, l’événement sportif et la sortie de cette édition limitée sont à mettre en corrélation "l’association du rhum avec le sport est insupportable alors que des centaines de bénévoles tentent chaque jour d’inculquer à nos jeunes les valeurs du sport." Mais l’alcoolier plaide le hasard du calendrier. "c’est un concours de circonstances"  explique Samuel Pitarch, le directeur commercial et marketing de la société. "Pour nous, c’est juste un clin d’œil, on a lancé cette campagne de publicité au moment des vacances pour que les personnes qui rendent visite à leurs proches en Métropole offrent notre produit et que ceux qui viennent ici le ramènent dans leurs bagages en souvenir" ajoute-t-il.

Sur ce point Rhums Réunion est intransigeant et regrette que l’addictologue ait pu penser qu’il y ait eu manipulation?. L’industriel rappelle qu'associer sport et alcool est totalement interdit par la loi Evin relative à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme.

Pour autant ce hasard du calendrier pose question, surtout que la campagne devrait durer  une dizaine ou une douzaine de jours" nous a-t-on affirmé du côté de Rhums Réunion, pile au moment où la compétition se tiendra…

Le drapeau de La Réunion au service de la vente d'alcool

Au delà de ce "malheureux concours de circonstances", David Mété tient à souligner ce qu’il qualifie d’"usurpation des symboles de notre patrimoine à des fins bassement mercantiles". Là encore, Rhums Réunion ne se démonte pas "nous utilisons le drapeau réunionnais comme d’autres le font et nombreuses sont les marques qui jouent sur l’aspect régional, de plus, ce drapeau est un symbole de La Réunion, le rhum Charrette l’est aussi. Le drapeau et notre rhum font partie du patrimoine." s’offusque Samuel Pitarch.

Reste que le drapeau de La Réunion sur la carte de fidélité d'une grande surface et sur des affiches pour vendre de l'alcool, ce n'est pas vraiment le même message ni les mêmes conséquences, ne manqueront pas de souligner les opposants à la campagne de Rhum Charette... 

Money, money, money... 

Et les "fins bassement mercantiles" dénoncées par l’addictologues ? Car oui, ça fonctionne, il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux du rhum Charrette pour se rendre compte que cette édition limitée fait des émules. Sous la photo du nouveau packaging de la bouteille, plus de 2100 likes, des centaines de commentaires, en général très positifs. Ils sont nombreux à mordre à l’hameçon. Accusée de vouloir faire du chiffre, l’industriel se défend "nous n’avons pas vraiment de recul sur les bouteilles événementielles mais on ne fait pas cela pour vendre. Le marché du rhum décline chaque année à La Réunion et lorsqu’il y a un pic d’activité, il est suivi par une baisse" détaille Samuel Pitarch.

L’argent pour seule patrie, c’est bien ce qui dérange le docteur Mété, car pour lui, il est question de santé publique. "Les conséquences se mesurent en centaines de victimes tous les ans. L’association du rhum avec le sport est insupportable alors que des centaines de bénévoles tentent chaque jour d’inculquer à nos jeunes les valeurs du sport. Est-il nécessaire de rappeler le poids du Rhum Charrette dans l’alcoolisme à La Réunion ?"

L’alcoolier a là aussi une réponse. "Nous fisons de la communication centrée et raisonnée, ces cinq dernières années, nous avons divisé notre budget communication par deux, on essaie de s’auto-réguler. Au lieu des quatre à cinq campagnes de pub annuelles, nous n’en faisons plus qu’une ou deux" explique Samuel Pitarch.

Une "communication centrée et raisonnée", dans les faits, pas vraiment. Les affiches en 4x3 mètres sur cette édition limitée fleurissent partout dans l’île. Rhums Réunion ne fait pas dans la dentelle et c’est ce qui inquiète le docteur Mété "de gros, très gros moyens ont été consacrés à un affichage multi-supports inévitable". Le budget de cette campagne de pub, Rhums Réunion ne souhaite pas le divulguer, concurrence oblige, mais selon Samuel Pitarch "il n’est pas excessif."

Faut-il choisir entre maintien de l'éconmie locale et santé publique ? 

D’un côté, un alcoolier qui lance une campagne de communication pour maintenir son activité à flot, quand les ventes de rhums à La Réunion déclinent chaque année et que 200-250 emplois directs sont menacés. De l’autre, un enjeu de santé publique lorsque l’on sait que l’abus d’alcool est responsable de 220 décès prématurés chaque année à La Réunion.

La publicité autour de l’alcool fait toujours débat même si elle est très encadrée par la loi Evin. Mais certains diraient que cette loi censée lutter contre l'alcoolisme n'est pas assez restrictive, régulièrement, des internautes s'offusquent de voir des affiches pour des promotions sur telles ou des telles boissons alcoolisées installés près d'écoles...

En 2018, 13 personnes, dont 6 jeunes, ont été tuées sur les routes réunionnaises dans un accident provoqué sous l’emprise de l’alcool et 1 774 automobilistes  conduisant alcoolisés ont fait l'objet d'une suspension de leur permis de conduire...

fh/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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6 Commentaires
Jose
Jose
4 ans

Elle est très bien cette étiquette !

sissi974
sissi974
4 ans

Je me demande c'est qui a pondu cette idée outrageante ! une agence de Pub ? ou le service COM de cette société ? tous les Responsables insultent les Réunionnais.

Cordemoy
Cordemoy
4 ans

Quand on connaît les moyens financiers des alcooliers, c'est une blague. Ils s'en fichent complètement de la Réunion et des Réunionnais, ce qui les intéresse, c'est notre argentIls habitent à Paris et passent leurs vacances dans des endroits VIP. Comme pour nos élus, nous sommes bien trop naïfs, et ils le savent, hélas.

Achille
Achille
4 ans

La Loi Evin encadre bien les alcooliers. Il s'agit d'un pb d'éducation. Le Rhum fait partie du terroir local. Il ne pose pas pb, l'usage qu'on en fait si.

Patricia
Patricia
4 ans

L'éducation ne serait-elle pas plus efficace dans la lutte contre l'addiction que l'interdiction ? La loi Evin encadre déjà très étroitement la publicité sur l'alcool, donc donnons plutÃ't davantage de moyens financiers pour développer l'éducation et la lutte contre les addictions et celle à l'alcool en particulier, À noter : les alcooliers eux mêmes participent à des actions luttant contre la consommation abusive d'alcool via l'association : Avec Moderation

Tilou
Tilou
4 ans

CHARRETTE ca nout fierté ! Ca nout rhum, nout terroir ! Arret avec zot polimic pou vendre zot papier !! Di mété arrête un coup don......