Contamination des cheptels

Leucose bovine : le plan d'éradication la pas par lé o...

  • Publié le 1 août 2019 à 12:01
  • Actualisé le 1 août 2019 à 12:54

Voilà presque deux mois que nous avons évoqué un certain "plan leucose" envisagé par l'Etat pour résoudre la crise qui secoue la filière bovine. Depuis, rien. Les services de la préfecture planchent sur le sujet, mais l'arrivée d'un nouveau préfet pourrait bien retarder encore les prises de décisions. Selon nos informations, il se pourrait qu'on en sache un peu plus sur ce fameux plan au mois de septembre. En attendant, certains éleveurs s'impatientent. Ce mardi 30 juillet 2019, en pleine crise entre les producteurs et la DAAF (Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt de La Réunion) sur le terrain des Lauret à la Plaine des Cafres, le maire du Tampon a remis la question de ce plan leucose sur la table. Alors, poudre aux yeux ou vraie promesse ? (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

André Thien Ah Koon avait vendu ce plan comme un projet très ambitieux : il "permettra de régler définitivement la question de la leucose bovine à La Réunion". C'est en tout cas ce qu'il écrivait dans son courrier datant du 4 juin dernier, et dans lequel il affirmait que l'Etat prenait le problème à bras le corps.

Pour rappel, tout partait d'une alerte envoyée par la mairie du Tampon au Département. En tant que président du Conseil départemental, Cyrille Melchior avait alors répondu ceci : "Ce projet de "plan leucose", récemment porté à la connaissance du Département par les services de l'Etat, se fonde en particulier sur un renouvellement progressif des cheptels avec une sortie des animaux positifs par l'achat de reproducteurs sains."

Lire aussi : Éradiquer la leucose bovine, l'Etat a un plan

Formulé tel quel, le plan en question semblait déjà bien entamé. Pourtant nous voilà fin juillet. Selon la préfecture, le plan est encore "en cours d'élaboration "...

Crise entre les éleveurs et la DAAF

Les éleveurs qui font face à des morts répétées dans leur cheptel ne cachent plus leur impatience. Bien évidemment parmi eux, il y a les Lauret. Ce mardi 30 juillet, la colère a pris un nouveau tournant. Alors que des agents de la DAAF (Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt de La Réunion) venaient pour euthanasier une vache malade – sans l'autorisation du couple d'exploitants – ils ont été bloqués par une petite cinquantaine de personnes. Eleveurs, associations et même gilets jaunes se sont réunis pour empêcher les fonctionnaires de sortir du terrain. Les agents de la DAAF sont restés bloqués de 20h la veille jusqu'à environ 13h le mardi 30 juillet.

Lire aussi : Les agents de la DAAF retenus chez les Lauret ont pu repartir

C'est le maire du Tampon qui a – peut-être – réussi à calmer le jeu, en tentant une médiation. Promesse finale : s'engager à organiser une réunion d'ici peu avec le préfet sur le plan de la leucose. Mais le préfet, il en pense quoi ? Cette réunion aura-t-elle vraiment lieu prochainement ? Nul ne sait pour l'instant. En tout cas les Lauret, et leur grand ami et collègue Jean-Paul Bègue, y ont cru.

Des nouvelles en septembre ?

Le maire du Tampon s'engage, fait des promesses, se mobilise. On le comprend, cette histoire de leucose se passe sur son terrain et la situation des Lauret, qui ont déjà perdu 8 vaches depuis le début de l'année, a de quoi interpeller. Bientôt 9 vaches d'ailleurs, la bête malade qui a fait polémique ce mardi 30 juillet devant être euthanasiée de toute façon.

Mais le maire du Tampon, ce n'est pas le préfet. Contactée, la préfecture nous affirme que "davantage d'éléments seront à venir en septembre" tout en admettant que les réflexions sur le sujet "ne datent pas d'hier". Le projet de plan existe donc encore et il devrait comprendre "tous les aspects sanitaires" nécessaires, toujours selon la préfecture. Mais sans préciser pour autant si le fait d'éliminer les bêtes malades tient toujours.

L'inquiétude est d'autant plus vive que lors de sa présentation officielle le 17 juin dernier, le nouveau préfet de La Réunion Jacques Billant semblait moyennement apprécier le plan de départ, visant à "sortir" les animaux malades. D'ailleurs, le choix des mots est cocasse. On dit "prélever" plutôt que "pêcher". On dit "sortir" plutôt qu'"euthanasier".

Le représentant de l'Etat avait expliqué qu'il faudrait rediscuter de ce plan leucose avec le ministère de l'Agriculture. Mais il semblait plutôt sceptique face à la question de l'élimination des bêtes. Est-ce pour ça que le plan est (un peu) tombé dans les oubliettes ?

Pas de danger nous dit-on… en préparant quand même un plan

Dans ce long débat autour de la leucose bovine s'articulent plusieurs acteurs. Notamment la DAAF, la SICALAIT et la SICAREVIA, au coude à coude dans leurs arguments : la leucose n'est pas dangereuse pour la santé. C'est presque un refrain, chanté encore et encore, pour tenter de faire revenir le client.

D'un point de vue santé publique on veut bien l'entendre : le boeuf et le lait péi ne rendent pas malades (pour l'instant). Mais manger des produits issus d'animaux contaminés, il faut comprendre qu'il y a de quoi effrayer les consommateurs.

Et ici une question se pose : pourquoi ce double langage ? D'un côté les services de la préfecture et les coopératives martèlent qu'il n'y a aucun danger pour l'homme. De l'autre, l'Etat envisage quand même un plan leucose visant à éliminer les bêtes malades… Est-ce simplement pour rassurer les éleveurs ?

Face à la métropole, un traitement de faveur différent

Par ailleurs, danger ou pas pour l'être humain, toujours est-il que les vaches meurent. Et en métropole, la réaction face à la leucose est nettement différente. Si un cheptel est touché, il est éliminé. C'est terrible pour l'éleveur, mais c'est aussi une question de santé publique. A La Réunion, le traitement n'a rien à voir.

Un arrêté préfectoral datant du 1er novembre 2017 en posait d'ailleurs les bases : c'est officiel, La Réunion n’est pas soumise au même fonctionnement que l’hexagone : du fait de "la présence diffuse du virus (…) le ministère en charge de l’agriculture a dispensé La Réunion de l’application des dispositions en vigueur sur le reste du territoire national". Donc puisque toutes les vaches sont contaminées, on ne voit plus la différence.

Pour l'instant, tout semble figé, en pause. On attend. Pourtant il y a urgence. Les vaches continuent de mourir. Les consommateurs continuent à fuir le boeuf et le lait péi. La crise de confiance se renforce. Rassurer ne fonctionne pas, dialoguer ne suffit plus. C'est un vrai plan d'action que les éleveurs attendent.

Reste à voir si celui évoqué en mai verra effectivement le jour… ou pas.

mm/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
Gilles
Gilles
4 ans

Pas besoin d'autorisation des agriculteurs : les agents de la daaf agissaient sur réquisition du parquet !!!! Les gendarmes n'ont pas fait leur boulot (faire respecter la loi) !

SOWETO
SOWETO
4 ans

La leucose bovine enzootique est une maladie contagieuse des bovins qui se transmet par des piqûres d'insectes et notamment les tiques (Amblyomma variegatum et Boophilus microplus) mais aussi par les mouches piqueuses du bétail (Stomoxys calcitrans et Stomoxys nigra qui pullulent ici à la Réunion) et aussi par les voies iatrogènes (aiguilles des seringues utilisées plusieurs fois...), le taux d'infestation est proche de 70% des troupeaux.

L'éradication de cette maladie à la Réunion est une utopie tant qu'une action conjuguée de lutte ne soit pas menée contre les vecteurs cités plus haut et le dépistage systématique des bovins porteurs du virus n'est pas mise en place. A la réunion la réglementation n'est pas respectée tant pour la lutte des maladies réputées contagieuses que pour les maladies transmises lors de la monte publiques (le contrôle des taureaux reproducteurs). Les autorités oublient souvent que la Réunion est une île donc un milieu fermé et que toute introduction d'animaux ou de plantes vivants est la voie élective d'entrée des maladies.

Monsieur le Préfet nie ce principe fondamental qu'on apprend à l'école que la porte d'entrée des maladies est l'importation des plantes et des animaux vivants.

A méditer aussi sur les raisons pour lesquelles en France, on lutte contre la LBE, raisons zootechniques ou sanitaires. La LBE affaiblit l'organisme du bétail et fait le lit de nombreuses autres maladies souvent mortelle. Il semblerait qu'il existe un lien entre les cancers du sein et la consommation du lait renfermant le virus de la leucose. Peut-on mener cette enquête à la réunion pour comparer le taux de cancer du sein par rapport à celui de la métropole, en Chine on ne boit pas trop le lait et il n'y a peu de cancer du sein.

Dans les années 90, la Daf de l'époque a missionnée un chercheur de l'IMVT pour mener une enquête parasitaire à la Réunion. Ce remarquable travail dirigé par le Dr Nicolas Barré a fait l'objet d'un rapport dont la conclusion est simple : En milieu tropical, le principal fléau de notre élevage reste les problèmes parasitaires tant externes que les parasites internes qui déciment directement et indirectement nos troupeaux.

Ses travaux terminés le Dr Barré a proposé des solutions d'éradication et de lutte notamment par l'introduction de parasitoïdes (Tachnephagus et Spalangia) pour venir à bout de ces parasites dans le cadre d'une lutte biologique contre les mouches piqueuses des bovins. Malheureusement on n'entend plus parler des lâchers ou d'élevage de ces parasitoïdes alors qu'à l'Ile Maurice la lutte biologique a porté ses fruits contre les mouches qui transmettent la maladie du Surra.

D'autres pistes existent mais cela demande des investissements que la Région n'est pas prête de financer notamment la recherche de l'existence d'un champignon entomopathogènes qui pourrai venir à bout de nos mouches piqueuses qui transmettent des maladies souvent mortelles à notre bétail.

Bruno Bourgeon
Bruno Bourgeon
4 ans

Appliquons la législation française et européenne, et mettons à la charge de l'Etat le budget nécessaire pour repeupler le cheptel réunionnais de vaches saines, inséminées artificiellement avec un sperme de taureau sain. Et surtout, augmentons la part de bovins résistants en milieu tropical, même si le rendement laitier ou en viande est moindre : le boeuf moka... Mais le faire élevage par élevage ne résoudra pas le problème de la nécessaire éradication, au vu des taux d'infestation.