
C'était un projet pharaonique, l'une des routes les plus chères au monde… mais voilà déjà des mois que nous savons pertinemment que la Nouvelle route du Littoral, censée guider tout droit La Réunion vers un avenir radieux, ne se fera pas. Du moins telle qu'elle était prévue.
Est-il vraiment nécessaire de rappeler les nombreux aléas qu'a subi ce chantier extravagant ? Peut-être, oui...
En 2011, alors que le projet de cette route les deux pieds dans la mer gonflait le président de Région de fierté et d'ambition, le discours était bien rodé. Coût estimé des travaux : 1,6 milliard d'euros, et un début de chantier en 2013 pour une livraison autour de 2017-2018.
C'était en tout cas ce qui était prévu au protocole de Matignon… oui souvenez-vous… Ce fameux contrat passé avec l'Etat pour financer la Nouvelle route du Littoral. Laquelle reste toujours à finir...
Et pourtant, "nous tiendrons le cadre financier et le calendrier", assurait Didier Robert en février 2011. Oups…
Car même si, au fur et à mesure des aléas du chantier, la date de fin de livraison s'est déplacée, l'air de rien à 2020, on peut vous l'assurer avec certitude : vous ne roulerez pas sur cette route l'année prochaine.
D'ailleurs, c'est certain, la Région elle-même est consciente que la partie digue de la route ne se fera pas… Didier Robert le sait bien au fond de lui. Car 2 milliards d'euros plus tard, cette route n'est toujours pas terminée et elle est loin de l'être.
N'oublions pas que la question de la digue n'est pas arrivée par hasard au beau milieu du tableau. Alors que les hésitations ont duré bien longtemps et ont animé l'actualité réunionnaise fin 2013 – tout viaduc, pas tout viaduc, telle est la question – il a fallu calmer l'ire des transporteurs… "Didier, sauve à nous, donne à nous travail", ont protesté les camionneurs . En bon seigneur et à la veille d'échéances électorales, le président de Région leur a donné gain de cause… mais 6 ans plus tard, la digue n'est toujours pas là.
- Forcing -
Pourtant l'Etat a tenté le tout pour le tout. Jusqu'à essayer de faire passer la carrière de Bois Blanc, polémique depuis sa première évocation, en force. Mais coup de grâce le mois dernier : le schéma des carrières de 2014 est définitivement annulé. Adieu Bois Blanc. A ce stade ce n'est même plus du plomb dans l'aide, c'est carrément un coup d'arrêt à la NRL.
On récapitule… une route qui a explosé tous les compteurs en dépassant les 2 milliards d'investissement, un retard dans les travaux qui ne risque pas de se résorber, un projet maintes et maintes fois remanié, l'impact écologique qui n'est plus à prouver, la motivation des associations anti-carrières qui ne tarit pas, et maintenant un schéma départemental des carrières qui ne tient plus débout… Ça fait beaucoup.
Il va de soi que la constrution d'une nouvelle route était une nécessité absolue. Les précédents accidents sur la route actuelle l'ont démontré. Il n'est pas question de remettre en cause le projet d'un nouvel axe de circulation. Mais pas celui-là, pas comme ça. La route oui, mais pourquoi la digue ? Jusqu'ici la Région l'a toujours défendue… et pour quel résultat finalement ?
- Se rendre à l'évidence -
Alors un jour ou l'autre il faudra se rendre à l'évidence : il va falloir abdiquer. Mais pas sûr que le courage soit de mise en cette période de campagne, si proche des élections municipales puis régionales…
Ainsi après l'annulation définitive du schéma des carrières de 2014, la Région s'est obstinée jusqu'au bout dans un communiqué en disant prendre "acte du rejet du Conseil d'Etat" mais en soulignant qu'une autre carrière, celle de Ravine du Trou dans l'ouest de l'île, n'était pas concernée par l'annulation en question. De là à combler les 9 millions de tonnes de roches massives manquantes…
Mais la Région ne se démonte pas et affirme que c'est la seule solution viable pour garantir la sécurité des Réunionnais et que "80% du chantier, reconnu d'utilité publique en 2012 et autorisé en travaux en 2013, sont en voie d'achèvement".
Argument imparable, c'est pour le bien des automobiles : ça se fera, point c'est. Mais avec quelles roches ? Mystère éternel.
La Région dit qu'elle y croit, grand bien lui fasse. Peut-être attend-elle que les roches massives apparaissent du côté de la Grande Chaloupe... par miracle...
- Les Grands politiques et les autres -
Mais comme les miracles ne se produisent pas sous le premier galet venu, seuls deux choix s'offrent au président de Région et ses collaborateurs. Pas plus, deux.
Premier scénario : aller chercher des roches ailleurs. Nous l'avons bien vu avec Madagascar… fiasco assuré, et sur tous les plans. Les transporteurs réunionnais crient au scandale face au recours de l'importation, les associations s'alarment devant le désastre écologique subi par la Grande île.
Et que dire d'un point de vue éthique ? Aller à Madagascar, cinquième pays le plus pauvre du monde pour construire notre route au détriment de l'environnement de la Grande Île ? Aller chercher des roches dans d'autres pays en voie de développement alors ? On l'aura bien compris, aller à la course aux cailloux dans l'océan Indien, où que ce soit, semble bien complexe… d'un point de vue moral en tout cas.
Deuxième scénario : abandonner la digue pour finir en viaduc. C'est l'avis des associations de protection de l'environnement, c'est celui de bon nombre d'élus… Mais pour cela, il faudrait pouvoir avouer clairement – peut-être publiquement, rêvons un peu… - "je me suis trompé".
Le problème est qu'admettre ses erreurs - surtout quand elles coûtent déjà plus de 2 milliards d'euros -, est la marque des politiques clairvoyants… pas de ceux uniquement préoccupés par la satisfaction d'intérêts politiciens...
Il y a les Grands hommes qui font l'Histoire et il y a les autres. Ceux là ne font que des demi-routes... et font porter le poids de leurs erreurs à La Réunion toute entière...
Quel dramatique gâchis...
Lire aussi : Cher Monsieur Didier Robert votre demi-jour de gloire est arrivé
mm/www.ipreunion.com/[email protected]
19 Commentaire(s)
Et puis quoi encore !
On peut être du bord politique opposé à celui de la région, mais cela n'empêche pas de faire un article constructif. Ça n'est en général pas le cas de votre agence de presse lorsque cela concerne la région. C'est dommage ! (Cher Bacus, c'est effectivement un éditorial et un éditorial est un article de presse. Si vous lisez cet article vous y verrez écrit que la solution réside dans la construction d'une route en tout viaduc. Les preuves de l'impossibilité de l'aménagement de la NRL tel que prévu au départ sont quotidiennement sous les yeux du public, il suffit de constater le non avancement des travaux. Notre article est étayé par ces nombreuses preuves. La question de quelconque "bord politique" est sans objet, car il n'est nullement nécessaire d'avoir "une bord politique" pour constater une énorme gabegie. Bonne journée à vous - Webmaster)