Selon un sondage de l'Ifop

Classes populaires et forces de l'ordre : la grande défiance

  • Publié le 8 août 2019 à 03:00
  • Actualisé le 8 août 2019 à 07:33

Rapports de l'IGNP bâclés, plaintes pour violences policières classées sans suite, hauts dirigeants muets face aux divers scandales auxquels font face les forces de l'ordre... Depuis quelques années, et notamment depuis la crise des gilets jaunes, la confiance que pouvaient porter certaines classes de la population envers les forces de l'ordre semblent s'effriter. Sans qu'aucun haut dirigeant ne semble prêt à remettre en question le système actuel.

Ce dimanche 4 août 2019, le Journal du dimanche publiait un sondage Ifop indiquant que les Français avaient généralement plus confiance dans les forces de l'ordre qu'auparavant. Mais en y regardant de plus près, grâce aux précisions sur les personnes interrogées, on se rend compte que cette augmentation se traduit tout particulièrement chez les électeurs de La République en Marche, des Républicains, et du Parti Socialiste.

L'hostilité à l'encontre des forces de l'ordre est nettement plus marquée chez les militants de la France Insoumise (21%) et du Rassemblement Nationale (9%) que chez les soutiens de LREM ou du PS (1%). Plus préoccupant, on y retrouve aussi les moins de 35 ans (28%) et cette inquiétude se fait sentir majoritairement chez les employés et ouvriers (27%). Sans oublier que les partis dits "extrêmes" rassemblent aujourd'hui majoritairement des personnes issues des classes populaires.

Il n'est pas vraiment étonnant que cette couche de la population soit la plus défiante, dans la simple mesure où elle était surreprésentée lors des manifestations qui ont secoué tout le pays pendant des mois. Des vidéos de violences policières, on en a vu des dizaines depuis cette période. Homme tabassé à terre par plusieurs CRS, une personne en situation de handicap gazée à bout portant, manifestants éborgnés, mains arrachés… Mais pas de panique, le ministre de l'Intérieur affirme qu'il n'existe "aucune violence policière" en France.

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Une légitime défense pas si légitime

Il est vrai que les forces de l'ordre sont autorisées à user de la force en cas de nécessité, c'est la loi elle-même qui le dit. Le problème, c'est qu'entre un lancer de pavé, et une bande d'hommes suréquipés qui répliquent par une pluie de coups de matraque, il y a tout un monde. Pas sûr que le concept de légitime défense, encadré étroitement par la loi comme devant être une réponse appropriée à la violence reçue, soit ici vraiment respectée. Et que les réponses disproportionnées soient sanctionnées.

Et là réside tout le problème : si ces dérives ne sont l'ouvrage que d'une poignée des membres des forces de l'ordre parmi les 150.000 fonctionnaires que compte la police nationale en France – dont 1.000 à La Réunion –, elles ne sont que rarement sanctionnées. Sur la seule période de novembre 2018 à juillet 2019, 859 signalements ont été déposés auprès de l'IGNP d'après le journaliste David Dufresnes, qui tient le projet "Allo Place Beauvau" et relève les violences policières en marge des manifestations. Sur ces signalements, combien ont été traités à ce jour ? Aucun à notre connaissance, tandis que les comparutions immédiates et les sanctions se sont abattus sans relâche contre les manifestants.

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On peut aussi citer le cas de Zineb Redouane, cette marseillaise de 80 ans morte des suites d'une opération d'urgence induite par un tir de grenade reçu en plein visage alors qu'elle fermait la fenêtre de sa maison, qui donnait sur une manifestation en cours. L'l'IGNP n'a toujours pas donné suite à cette enquête alors que le tireur n'a pas été identifié, tandis qu'une contre-enquête réalisée en Algérie démontre aujourd'hui que le "traumatisme [facial] est directement responsable de la mort par aggravation de l’état antérieur […], malgré les soins".

Comment ne pas mentionner non plus la mort de Steve Maia Caniço, tombé dans la Loire à la suite d'une charge de policiers intervenant sur une rave se déroulant le soir de la fête de la musique. Il aura fallu presque deux semaines avant que le gouvernement ne dévoile les conclusions de l'IGNP – qui n'arrive pas à établir de "lien entre la charge policière et la chute de Steve". Un rapport plus que critiqué, alors que le responsable de l’unité de CRS, présent sur les lieux, n'a pas été auditionné. Une affaire où Castaner a semblé bien silencieux, et où le Premier ministre a dû prendre les rênes afin d'éviter de trop grands débordements.

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On peut aussi rappeler cette histoire avec Geneviève Legay, une militante blessée à Nice durant une charge de police survenue au cours d’une manifestation interdite. C'était la compagne du commissaire chargé des opérations lors de la manifestation qui avait été désignée. Le procureur de la République avait déclaré "être tout à fait au courant" et "ne pas voir le problème". Même procureur qui a ensuite été épinglé pour voir menti au cours d’une audition liée au déroulement de l’enquête pour éviter de “mettre le président de la République dans l’embarras”, Emmanuel Macron ayant dédouané les forces de police de toute responsabilité.

Un deux poids deux mesures qui semblent en place depuis bien longtemps

24 personnes ont aujourd'hui été éborgnées par des lanceurs de balle de défense (LBD), dont trois à La Réunion. Mais bien sûr, il n'y a "aucune violence policière" en France. Peu importe que l'ONU, le Défenseur des droits, des ONG aient condamné la France pour l'utilisation de cette arme, que des membres aient été mis hors d'usage, que des vies aient été gâchées, il n'y a… aucune violence policière en France.

A se demander d'ailleurs si Christophe Castaner croit lui-même en ses paroles, dans la mesure où ce dernier a décidé de lancer une réflexion sur le maintien de l'ordre. "Aucune violence policière en France".

D'un côté, il semble plus simple pour l'exécutif de détourner le regard, de taper sur les doigts de deux ou trois membres des forces de l'ordre pour garder la forme, et de ne rien changer au système actuel. La population finira bien par se lasser, à bout de souffle à force de se battre contre des forces de l'ordre qui n'en peuvent plus non plus.

La seule chose positive que l'on peut finalement sortir de cette histoire, c'est la prise de conscience d'une partie de la population face à l'impunité dont peuvent disposer certains membres des forces de l'ordre. Le 20 juillet dernier, alors qu'une marche en mémoire d'Adama Traoré, tué par des policiers le 19 juillet 2016, plus de 200 Gilets jaunes ont rejoint le cortège pour dire stop aux violences policières. Comme une prise de conscience de ce que subissent les banlieues françaises depuis des décennies.

"Les violences policières touchent dans les quartiers depuis longtemps mais ce n'est que depuis l'an dernier avec les Gilets Jaunes qu'on en parle vraiment. Je ne me rendais pas compte qu'il y en avait autant et ce n'est pas normal" relevaient nos confrères du Parisien auprès d'une jeune fille de 19 ans lors de l'hommage à Adama.

Dommage que, pour que cette prise de conscience ait enfin lieu, il ait fallu que les violences s'abattent aussi sur une population éloignée des banlieues...

as/www.ipreunion.com

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3 Commentaires
Caillou
Caillou
4 ans

Je pense que votre analyse est incomplète. Lorsqu'un individu est "violenté " lors d'un contrôle de police c'est un fait anormal. Lorsqu'un manifestant perd un oeil lors d'une manifestation interdite et violente c'est une autre situation. FORCE DOIT RESTER À LA LOI.

strop
strop
4 ans

Quel rôle d'article. Le journaliste se base sur un sondage qui dit que les FRANÇAIS ONT PLUS CONFIANCE QU'AUPARAVANT dans les forces de l'ordre; il part ensuite sur complètement le contraire. Bizarre bizarre. (Bonjour, comme il est bien précisé dans l'article : ceux qui ont plus confiance sont des partisans LREM ou des classes aisées et ne représentent pas la population dans son ensemble, c'est justement le coeur de l'article.)

Lauret, depuis son mobile
Lauret, depuis son mobile
4 ans

l union et république des commores a raison sur le fond ,au niveau identitaire, c'est une vérité Mayotte fait partie de la grande commores mais on sait très bien l intérêt de la France de garder Mayotte française tout ça est géopolitique, c est valable pour les îles éparses ,c est tout un contrôle stratégique de l océan indien et de la mer rouge avec une grosse base arrière à Djibouti en accord de défense.....SA s appelle une zone économique française ,la Réunion, les taffs, bon c est comme ça ?