Polémique et crispations

Cachez donc ces roches mauriciennes qu'on ne saurait voir

  • Publié le 30 septembre 2019 à 09:03
  • Actualisé le 30 septembre 2019 à 11:41

Le chantier de la nouvelle route du littoral n'avance plus. La Région et le groupement d'intérêt économique font face à un problème de taille : l'approvisionnement du chantier en roches massives. Aujourd'hui il en manque deux millions de tonnes. Pour l'ouverture et l'exploitation des carrières, actuellement, c'est le statu quo. Alors d'autres solutions commencent à émerger : tirer des andains dans les champs agricoles, ouvrir une carrière à Sans Souci... Dernièrement, l'une de ces propositions a fait couler beaucoup d'encre : l'importation de roches en provenance de Maurice. Le projet n'a pas fait l'unanimité, loin de là...

Derrière ce projet : Dany Payet, un transporteur. Il comptait mener son plan dans l’ombre mais la pression médiatique et les débats échauffés qui ont suivi l’annonce l’ont poussé à sortir du bois. Plusieurs questions ont fait surface autour de ce mystérieux projet... Jusqu’ici, peu d’informations ont filtré : un échantillon de douze tonnes de roches massives est entré sur le territoire pour être testé, la finalité est d’approvisionner le chantier en matériaux, ces fameuses roches dont le chantier de la nouvelle route du littoral a tant besoin pour se poursuivre… Imaz Press a enquêté pour avoir des précisions et savoir si ce projet d'importation de roches en provenance de Maurice est viable.

Les conditions d’arrivée sur le territoire réunionnais

Dany Payet affirme être totalement transparent sur ce dossier "les roches en provenance de Maurice sont à La Réunion en mars 2019, par conteneur. Un échantillon de 12 tonnes." détaille le transporteur.

Évidemment, la question de la législation se pose. Est-ce qu’un citoyen lambda peut faire rentrer dans notre département plusieurs tonnes de roches en provenance d’un pays étranger sans bénéficier d’une autorisation particulière ? " Non, bien sûr " répond Dany Payet du tac au tac avant de poursuivre "ces roches ont été plongées dans de l’eau à 70°C, désinfectées et ensuite contrôlées par la sécurité alimentaire mauricienne, des agents assermentés qui ont vérifié que la cargaison entrait dans les termes de la réglementation internationale. C’était le cas, un document a été remis, arrivé à la Réunion, le conteneur est entré sans plus de contrainte" finit-il.

Dans le respect de la législation ?

Le protocole relativement léger peut soulever des questions, Dany Payet n’a pas eu besoin d’autorisation particulière de la part des services de l’État, aucun contrôle poussé à l’arrivée des roches à La Réunion, quand on sait qu’il est, par exemple, interdit à une personne de voyager avec des graines ou des boutures de plantes pour ne pas impacter le biotop réunionnais…

Ce protocole paraît un peu inconsistant quand on connaît les risques. Pourtant, le porteur de projet a bel et bien respecté la législation "les matériaux inertes (roches et cailloux) ne sont pas, en tant que tels, soumis à une autorisation préalable pour être importés. En revanche, l'importation de terre à La Réunion est strictement interdite. C'est pourquoi les roches importées doivent être propres et débarrassées de toute trace de terre. Ceci peut être contrôlé dans le cadre des inspections phytosanitaires menées par les services de l’État sur les produits importés. En l'espèce, les services de l’État n'ont pas été sollicités par l'importateur." fait valoir la préfecture.

Étonnant mais il semblerait que ce soit la loi. Imaz Press a tenté d’en savoir plus en s’adressant aux services de douane mais cette dernière - aussi prompt soit elle à contrôler et fouiller les citoyens et les journalistes dans la rue – a indiqué qu’elle ne répondrait à nos demandes qu’en début de semaine…

Où sont extraites ces roches à Maurice ?

Il y a quelques années, le gouvernement mauricien a lancé un programme de valorisation des terrains agricoles qui, jusqu’ici, n’étaient pas mécanisables donc pas exploitables. 15 millions de tonnes de roches massives doivent être extraites, dont 30% destinés à l’export. Selon Dany Payet, faire casser ces roches massives pour en faire des agrégats coûterait plus cher à Maurice que de les vendre. C’est là que le transporteur réunionnais intervient, l’autorisation délivrée par les autorités mauriciennes lui donnerait droit à 3,5 millions de tonnes maximum, un quotat imposé pour ne pas " dépouiller les sous-sols de de l’île sœur "

Où en sont les tests sur l’échantillon arrivé à La Réunion en mars dernier ?

Ces tests réalisés par un laboratoire privé servent à déterminer la fiabilité des roches " pour savoir si elles sont adaptées au chantier de la nouvelle route du littoral, elles doivent respecter le cahier des charges du groupement d’intérêt économique (ndlr maître d’œuvre du projet). Ces roches massives seront immergées dans l’eau, elle ne doivent pas remettre en cause l’entièreté de l’ouvrage " précise Dany Payet. D’après lui, les premiers résultats sont " satisfaisants. "

Où en sont les négociations entre Dany Payet, la Région et le groupement ?

Pour l’instant, le transporteur réalise ces tests "dans son coin", il affirme qu’il n’y pas eu de discussion ou d’entente préalables avec la collectivité ou le groupement. Dans ce cas, le risque, c’est que son alternative aux carrières ne soit pas retenue. Dany Payet n’a pas souhaité révéler le montant de son investissement dans le projet mais il admet "c’est le jeu, si demain, ça n’aboutit pas, on aura essayé. On aura perdu une bataille mais pas la guerre. Aujourd’hui, cela relève de l’intérêt général, on peut pas laisser ce chantier comme ça, il faut trouver des solutions, je propose une alternative, un complément, ces roches mauriciennes ne couvriront pas la totalité des besoins de la NRL, il faut aussi que l’économie locale travaille."

La Région et le groupement sont-ils intéressés ?

A priori, la réponse serait non. Sur les ondes de nos confrères de RTL Réunion le vendredi 27 septembre 2019, Dominique Fournel, le vice-président du Conseil régional en charge des grands chantiers a balayé l’ " option roches mauriciennes " d’un revers de main " je ne souhaite pas parler de ce sujet, il s’agit de l’initiative d’un particulier, pour le moment, cette alternative n’est pas envisagée. "

Côté groupement, des transporteurs affirment avoir eu confirmation que le groupement ne se tournera pas vers cette alternative " ils nous l'ont dit oralement et nous ont donné un document écrit où ils s’engagent à ne pas utiliser ces roches." explique un transporteur.

La colère des transporteurs

Ces derniers sont remontés, farouchement opposés à ce projet de roches en provenance de Maurice. Réunis au sein de la Fédération nationale des transports routiers, ils ont même annoncé être prêts à se mobiliser si jamais le projet devait passer. Ce serait pour calmer la grogne que le GIE se serait alors engagé à ne pas se laisser tenter par ces roches mauriciennes. Et pour deux autres raisons.

Un transporteur explique pourquoi le groupement n’aurait aucun intérêt à se tourner vers les roches en provenance de Maurice. Il y a une carrière dans l’île sœur, à Port Louis. Elle est exploitée par la société Colas, qui fait aussi partie du groupement d’entreprises en charge du chantier de la nouvelle route du littoral. Certes, Colas n’est pas une entreprise attributaire du marché de la digue mais le groupement n'a aucun intérêt à passer par un intermédiaire inconnu au bataillon, qui plus est, une petite coopérative réunionnaise pour acheminer des roches de Maurice à La Réunion plutôt que de passer par une multinational avec laquelle il travaille déjà.

De plus, notre interlocuteur a rappelé un détail qui a son importance, le coût. C’est ce qui aurait freiné les ardeurs du Gie, apparemment, lorsque la problématique des carrières est arrivée, le groupement aurait réalisé des reconnaissances à Maurice, la qualité des roches était au rendez-vous mais le coût pour les importer était bien au dessus de ses moyens… Ce qui aurait mis à aux velléités mauriciennes du Gie.

A priori, pas intéressant

Pour conclure, l’alternative mauricienne de Dany Payet ne répondrait pas aux attentes de la Région et du groupement d’intérêt économique. Mais il faut bien terminer cette route, la collectivité est aux abois et le groupement fait planer la menace d'un arrêt du chantier en mars 2020 faute de roches massives. La Région est sous pression, elle pourrait encore changer d’avis...

Le transporteur réunionnais, lui, reste optimiste, il affirme que les opérations pourraient débuter d’ici six à huit mois et couvrir un tiers des besoins du chantier pour terminer la NRL, plus précisément pour construire la digue. À bon entendeur...

fh / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

guest
9 Commentaires
Wh
Wh
4 ans

Mais un moment faut trouver une solution, les carrières de la Reunion ne s'ouvre pas, une solution alternative à été trouver qui est bloqué d'entrèe.Faut faire des compromis !! A force de tergiverser ça va vraiment être un fiasco.Trouvons une solution afin de le la terminer point!

caillou
caillou
4 ans

Je pense que vous êtes trop claniques et critiques dans vos propos notamment à l'égard des fonctionnaires de la Douane Française....

romuald
romuald
4 ans

Remplaçons ces roches massives par les camions de ces p... de transporteurs. Qu'on les balance tous à l'eau.

Michel
Michel
4 ans

Relisez vous: "boutures de plantes pour ne pas impacté le biotop réunionnais" . Des fautes de ce type sont choquantes dans un article de presse (C'est corrigé, merci de votre remarque et bonne journée Michel - Webmaster)

Mano
Mano
4 ans

1 article dans LIBERATION d'hier....NRL....bec dans l'eau..

CHABAN
CHABAN
4 ans

J'ai oublié mais le titre est magnifique !
IMAZ Du coup c'est qui est le Tartuffe ?

Mano
Mano
4 ans

Propositions, contre-propositions, lobbying, egolatrie, intérêts privés....bref, tout ce qu'il faut que pour que la NRL...reçoive la palme de "l'argent jeté par les fenêtres"...selon Einstein ( semble-t-il)...c'est comme courir tout nu autour d'un arbre, à la vitesse de la lumière...à vous d'imaginer la suite...

Maurice
Maurice
4 ans

Je ne trouve pas cette idée fausse

CHABAN
CHABAN
4 ans

'' Aujourd'hui, il en manque deux tonnes. '' Il y a une erreur, dans le texte. (c'est changé, merci de votre vigilance, bonne journée - WEBMASTER)