Portes ouvertes à l'occasion de la Journée des droits de l'enfant (actualisé)

Protection judiciaire de la jeunesse, la priorité "de l'éducatif sur le répressif"

  • Publié le 20 novembre 2019 à 16:17

A l'occasion de la Journée des droits de l'enfant et des 30 ans de la convention du même nom, la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) organisait des portes ouvertes dans la matinée ce mercredi 20 novembre 2019. Tous les services de la protection sont représentés : le milieu ouvert, les foyers, centres éducatifs, services d'insertion, des partenaires associatifs... L'occasion de présenter les différentes mesures mises en place pour assurer la protection de ces jeunes et les aider à se construire un avenir. Plusieurs d'entre eux étaient d'ailleurs présents pour raconter leur quotidien et leurs projets.

Au milieu de la cour, réunis en groupe, une dizaine de jeunes venus - bien que timidement - apporter leur témoignage à ceux qui tendent l'oreille. Laura* et Mélodie* ont respectivement 16 et 17 ans. "Ça fait deux mois que je suis à l'Unité Educative de Milieu Ouvert (UEMO) de Saint-Denis", explique Laura. "C'est mon éducatrice qui m'a parlé de ça il y a un an. Avant je faisais l'école buissonière."

Laura et Mélodie suivent toutes les deux des ateliers cuisine. "On regarde déjà si on est capable de le faire, en tout cas les formations en stages sont adaptées" ajoute Laura. "Moi je veux faire ce métier depuis que je suis au collège", explique Mélodie, à l'UEMO de Saint-Pierre. "Avant j'étais à la Mission locale. Ça aide aussi à s'occuper. On fait des plats salés, de la pâtisserie... En stage, on prépare parfois des repas pour 400 personnes." A l'issue de ces stages il faudra trouver une formation avec "un bon patron qui accepte de nous engager" ajoute-t-elle.

Un peu plus loin il y a Théo*, 17 ans. Plus direct, le regard dur, il explique clairement qu'il sort "d'une vie de merde, voilà". Avant de connaître l'Epéi de Saint-Denis (Etablissement de placement éducatif et d'insertion), "j'ai volé, j'ai frappé des gens" raconte-t-il sans s'aventurer dans les détails. En foyer depuis 6 mois, il se prépare en parallèle à une formation dans la climatisation.

"Remobiliser ces jeunes"

Un défi, et il est de taille : aider ces jeunes à redevenir acteurs de la société, notamment par l'insertion professionnelle, d'abord via des stages ou des formations, voire à travers un contrat d'apprentissage. François-Xavier Raoux est justement responsable de l'Unité éducative d'activités de jour (UEAJ). "On plonge les jeunes dans un cadre différent de l'école et on essaie petit à petit de les remobiliser : venir à l'heure déjà, respecter les emplois du temps etc..."

Plusieurs ateliers sont proposés, cuisine ou pâtisserie, bâtiment, mais aussi tout simplement réapprendre les savoirs de base. "Ces jeunes sont au mieux illettrés, au pire analphabètes" ajoute le responsable. Il faut donc tout reprendre. Un professeur détaché de l'Education nationale d'ailleurs dédié à ces cours à plein temps. "On leur apprend aussi à construire un CV, rédiger une lettre de motivation, ils peuvent passer leur diplôme informatique B2I..." ajoute François-Xavier Raoux.

A La Réunion, les patrons, souvent de TPE ou PME, ne sont pas frileux à l'idée de recruter ces jeunes, affime le responsable. "Ils sont plutôt bienveillants, et ils rencontrent de toute façon ces jeunes, il faut qu'il y ait un bon feeling."

Objectif : "aller à leur rythme, s'adapter à eux". Ainsi si le minimum indiqué est de 6 mois, certains jeunes restent facilement plus de 2 ans au sein de l'unité. "Ce sont d'anciens délinquants, ils n'aiment pas l'école, ils ne savent pas ce qu'ils veulent faire, beaucoup sont aussi soumis à des addictions variées..." La mission première "c'est de les préserver" ajoute son collègue Jean-Paul Gannard, responsable de l'Unité éducative d'hébergement collectif (UEHC).

Une quinzaine de familles d'accueil sur le département

Quasiment 100% de ces jeunes sont issus de familles décomposées, complexes, avec parfois des proches manquants ou absents. Il est donc nécessaire de recréer un lien social à travers l'hébergement collectif ou le placement en famille d'accueil. "On essaie de se diversifier", nous explique Jean-Paul Gannard. Il y a par exemple les Foyers de jeunes travailleurs (FJT), le suivi à domicile où les jeunes restent dans leur propre famille, ou la Mission éducative en hébergement diversifié (MEHD) : 15 familles d'accueil sont mobilisées sur le département.

"On cherche avant tout à les protéger, à les sécuriser. Ces jeunes que nous plaçons en famille d'accueil ont du mal à rester en groupe" indique le responsable de l'UEHC. S'il estime que "La Réunion n'est pas trop mal dotée" en terme de nombre de places, il en faudrait toujours plus. C'est ce qu'estime en tout cas Marina Elcaman, coordinatrice à la MEHD : "nous sommes en pleine campagne de recrutement de familles d'accueil. 15 ce n'est pas assez, et nous n'avons presque rien dans le Nord de l'île." En moyenne les jeunes restent placés 18 mois mais les temps sont variés en fonction des profils.

Les héberger dans des lieux sûrs, c'est aussi les éloigner de cercles à mauvaise influence, qui pourraient les faire replonger. Sans les isoler pour autant, d'où l'intérêt de s'associer au tissu associatif qui organise de multiples ateliers.

C'est le cas des Jardins de Paulo. Paul Brigy y apprend les rudiments du jardinage tous les jeudis avec les jeunes. "C'est un jardin expérimental familial. Les bénévoles viennent leur apprendre à semer, entretenir, parfois récolter", nous explique-t-il. Les cultures du potager de la PJJ restent à la PJJ, les jeunes peuvent aussi repartir avec des graines ou des légumes chez eux, rien n'est vendu. "Le vendredi un jeune a aussi accès à notre ruche pour s'occuper des abeilles". Des ateliers pour un "retour à la terre, se familiariser avec la nature" explique Paul Brigy.

Un enfant meurt tous les 5 jours sous les coups

Trente ans après la convention, Frédéric Durand, directeur du service territorial éducatif de milieu ouvert (STEMO) de Saint-Denis, rappelle les trois fondements de la PJJ : "la primauté de l'éducatif sur le répressif et donc travailler à éduquer ces jeunes en souffrance, avoir des juridictions adaptées comme les tribunaux pour enfants, et enfin la diminution de la responsabilité en fonction de l'âge du jeune".

Ces piliers sont là pour préserver ces jeunes, souvent victimes eux-mêmes. "On a des jeunes qui ont des profils et des histoires compliquées, ça se manifeste parfois par des situations complexes. On a des éducateurs mais aussi des psychologues et des assistantes sociales qui nous aident beaucoup."

Sur La Réunion, la PJJ suit 800 jeunes, de 13 à 18 ans voire 21 ans pour l'encadrement des jeunes majeurs. Une vingtaine sont en détention au quartier mineur de Domenjod, sinon ils sont "scolarisés, en famille" pour ceux qui ont commis "des petits délits". Environ 40 jeunes sont placés dans des foyers, "parce que leur milieu familial n'est pas assez structuré pour les protéger".

Frédéric Durand rappelle que "un enfant meurt tous les cinq jours en France sous les coups de ses parents ou ses proches, des chiffres qui font frémir : en 2018, 72 jeunes sont morts comme ça. Evidemment il y a encore un grand travail à faire là-dessus, on travaille là-dessus pour accompagner et protéger au maximum ces jeunes." En effet, 10% des homicides en France concernent des jeunes.

 

mm / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

guest
0 Commentaires