Plainte pour traite d'êtres humains

Les marins malgaches ayant porté plainte contre Enez ont été entendus par un juge d'instruction

  • Publié le 6 février 2020 à 14:12
  • Actualisé le 6 février 2020 à 17:47

Ce jeudi 6 février 2020, les quatre marins malgaches qui avaient porté plainte contre leurs employeur, Enez et Extramar, ont rencontré pour la première fois un juge d'instruction, désigné pour examiner ce dossier. Une étape fondamentale, alors que leur plainte a été déposée il y a deux ans déjà Défendus par un avocat parisien, ces marins parlent de conditions de travail inhumaines et d'un salaire dérisoire. C'est à la fois pour conditions de travail indignes, conditions d'hébergement indignes, mise en danger de la vie d'autrui et traite des êtres humains qu'ils avaient porté plainte. L'employeur réunionnais devrait en toute logique être entendu par le juge d'instruction.

L'avocat de ces quatre marins, Joseph Breham souligne l'importance de cette journée : "enfin on prend le temps de les écouter. Ils ont l'impression que le courage qu'ils ont eu porte enfin ses fruits."

Les marins malgaches ont déposé plainte avant tout pour "traite des êtres humains" : "ils vivaient sur ce bateau à plusieurs dans une seule pièce, pas de toilettes, pas de frigo, des rats, des conditions de saleté inommables..." raconte leur avocat. L'association Comité contre l'esclavage moderne s'est même emparée de cette histoire.

Lire aussi : Des marins malgaches accusent un employeur réunionnais

"Au-delà des conditions de travail, leur salaire était ridicule. On parle de 320 euros maximum, on est largement en-dessous des 600 dollars par mois - soit 545 euros - minimum réclamés par l'OIT (Organisation internationale du travail, ndlr)" indique Joseph Breham. Les quatre marins malgaches dépendent en effet de cette grille de rémunération, contrairement aux marins français qui s'alignent sur les salaires du territoire.

"Enez, leur employeur, n'obtenait pas pour eux de visa, ils ne pouvaient donc pas sortir du port de La Réunion. On parlait de bateau-hôtel, moi j'aurais parlé de bateau-poubelle" dénonce l'avocat. Dans une vidéo jointe à leur plainte, les marins avaient effectivement tenu à démontrer les conditions dans lesquelles ils vivaient. "Il y a d'autres preuves, nous avons photos et vidéos, mais aussi des fiches de paye par exemple" ajoute Joseph Breham.

Aujourd'hui les plaignants ne travaillent plus, ou peu avec des petits travaux à gauche à droite, raconte leur avocat. "Le premier a vu son contrat résilié dès que la plainte a été déposée en mars 2018. Les trois autres n'ont pas été renouvelés. Aujourd'hui ils sont assez ravagés puisqu'ils ne travaillent plus, mais ils ont l'impression que leur combat avance aujourd'hui. Ils ont aussi appris que les conditions de travail de leurs anciens collègues s'étaient améliorées."

Le dossier est désormais entre les mains du magistrat instructeur. "Je ne suis pas à sa place mais on peut imaginer qu'il voudra obtenir des documents de la part d'Enez, qu'Enez sera même auditionné", imagine Joseph Breham. "Le magistrat devrait ensuite rendre une ordonnance de règlement, dire ce qu'il pense du dossier, et renvoyer les mises en cause soit devant la Cour d'assises, soit devant la Cour correctionnelle. Ou éventuellement une ordonnance de non lieu, c'est aussi possible."

Dans un premier temps, l'entreprise réunionnaise Enez avait estimé qu'il s'agissait d'une "manipulation" en précisant que ce bateau ne leur appartenait pas. "Les marins dorment dans les bateaux qui partent en mer et qui sont contrôlés chaque année et de façon aléatoire par les autorités. Ces bateaux, ce sont leur lieu de travail mais aussi leur lieu de vie", avait alors expliqué le directeur Sébastien Camus à Imaz Press il y a deux ans. Le bateau en question ne devait pas servir d'hébergement, selon lui. Dès le mois de juin 2018, le chef d'entreprise avait rédigé une note de service "pour interdire l'accès à ce bateau définitivement".

mm / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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