Où sont les milliards d'euros du fameux Plan de relance initié par le Gouvernement en septembre de l'année dernière devant les Français ? Ce plan historique à 100 milliards d'euros, ce n'est pas rien. Il avait pour principal objectif de bâtir le monde d'après, suite au chaos sanitaire, économique et social du COVID. Bien entendu, il nous faut soutenir nos champions nationaux, les grandes entreprises françaises qui emploient beaucoup de Français, mais la crise aura démontré que ce ne sont pas elles qui auront le plus souffert du confinement et du couvre-feu. Ce sont plutôt les petites et moyennes entreprises, les autoentrepreneurs, ce sont nos jeunes, ce sont nos aînés, les retraités aussi, ce sont les classes moyennes qui n'en peuvent plus de payer tous les pots cassés et qui voient l'avenir les écraser sous le poids des taxes et impôts pendant que d'autres se réfugient dans des paradis fiscaux. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)
Je salue bien sûr le travail et l'énergie du Gouvernement, des fonctionnaires de l'Etat qui font ce qu'ils peuvent avec des moyens financiers de plus en plus exsangues et contraints. Je salue leur loyauté au bien public et leur rigueur, mais je dis que la méthode choisie par le Gouvernement dans le déploiement de son Plan de relance n'est pas bonne.
D'abord, parce que les 100 milliards d'euros fléchés aujourd'hui vers la compétitivité des entreprises, l'apprentissage, l'embauche des jeunes, la rénovation de nos bâtiments historiques, le soutien à des projets industriels, la rénovation énergétique ou encore les bonus écologiques, sont autant de milliards d'euros de subventions, de programmes d'investissements que les gouvernements successifs ont année après année, décennie après décennie décidé de supprimer du volet des dépenses publiques de l'Etat. Ces 100 milliards, c'est sans doute le montant du désengagement progressif de l'Etat et de l'austérité budgétaire instaurée contre tous les services publics et les collectivités locales depuis des décennies.
Ensuite, la méthode employée par le Gouvernement dans ce Plan de relance n'est pas bonne parce qu'elle ne place pas suffisamment le Français, le citoyen, l'Humain au centre des dispositifs qu'il a décliné. Ce plan apparaît trop technocratique, trop administratif et trop centralisé. Il n'est pas suffisamment adapté aux réalités de terrain et surtout, tout cet argent semble au commun des mortels que nous sommes hors de portée. Et pourtant, quand on fait le calcul, 100 milliards d'euros, cela représente un ratio de 1.492 euros environ par Français.
Pour La Réunion, le Gouvernement a décidé de réserver sur les 100 milliards d'euros du Plan national une enveloppe de 243 millions d'euros, ce qui représente un ratio de 282 euros en moyenne par Réunionnais. Cette enveloppe spécifiquement dédiée à La Réunion représente 0,25% du Plan à 100 milliards du Gouvernement à l'échelle
nationale, autant dire une miette. C'est vrai que plusieurs dizaines de millions d'euros sont venues en soutien aux entreprises réunionnaises et à des milliers de Réunionnais grâce aux efforts du Préfet, mais on est très loin d'encourager et d'accompagner une véritable dynamique économique durable du territoire réunionnais qui doit être emmenée par les élus locaux. On est très loin du Choose La Réunion et de la volonté du Président Macron de faire de La Réunion une plateforme économique indopacifique !
Ce que je propose au Gouvernement, c'est de rectifier le tir en faisant évoluer sa méthodologie :
1/ Premièrement, en créant par exemple un fonds d'investissement spécifiquement pour les projets réunionnais identifiés localement dans les domaines de l'innovation et de la recherche, dans l'industrialisation de plusieurs filières, dans la santé, dans la bioéconomie, etc. et qui serait alimenté par ce Plan de relance et co-géré par les collectivités territoriales réunionnaises avec le soutien facilitateur du sous-préfet au Plan de relance ;
2/ Deuxièmement, en fléchant les 100 milliards d'euros du plan de relance national vers chaque région proportionnellement à sa démographie. Il s'agirait là d'une mesure juste et décentralisée. Cet argent, ce plan de relance, appartient à tous les Français de Métropole et des Outre-mer qui le rembourseront un jour ou l'autre. Sur la base du ratio de 1.492 euros par Français, les Outre-mer devraient avoir accès à une enveloppe minimum de plus de 4 milliards d'euros du Plan de relance. Or, le Gouvernement a décidé d'un socle à 1,5 milliard d'euros pour tout l'Outre-mer sur le fondement de critères que je n'aurai pas exclusivement retenus.
Avec ce ration de 1.492 euros par Français, je réclame pour l'ensemble du territoire réunionnais non pas 243 millions d'euros mais une enveloppe socle de 1,2 milliard d'euros issu du Plan de relance. Sur la base de ce même ratio, Mayotte pourrait réclamer 403 millions d'euros au lieu des 87 millions décidés par Paris, la Nouvelle Calédonie 405 millions au lieu de 13,4 millions, Saint-Pierre-et-Miquelon 8,7 millions au lieu de 1 million, la Guyane 439 millions au lieu de 125 millions, etc. Tout l'Outre mer resterait dans le cadre juste et équitable des 4,2 milliards d'euros en fonction et proportionnellement à l'importance de la démographie de chacun. C'est bien plus d'argent que ce qui aura été décidé depuis Paris et il appartiendrait aux collectivités territoriales d'identifier les projets de leurs territoires et de les financer grâce à un Plan décentralisé au plus près des besoins du territoire.
Je conseille à l'Etat et je demande au Gouvernement de faire confiance aux élus locaux, aux initiatives locales et de nous apporter toute l'aide et l'accompagnement facilitateur pour rendre nos territoires attractifs et dynamiques. En ces temps de grande défiance et d'incertitudes, adoptons, expérimentons une logique qui va du bas jusqu'en haut et non plus l'inverse. La méthode que je propose n'est sans doute pas la meilleure, mais elle a le mérite de s'inscrire dans une démarche d'égalité et d'équité réelle entre tous les Français en décidant de leur faire confiance.
Jean-Luc POUDROUX
Député de La Réunion
Notre député écrit pour montrer qu'il est vivant ?