Planète en danger

Intempéries : La Réunion n'est pas à l'abri des changements climatiques

  • Publié le 2 septembre 2021 à 11:21

Les pluies violentes qui ont frappé l'île le week-end dernier, notamment dans le sud, relèvent de l'exceptionnel en pleine saison sèche. A Saint-Philippe ou à Saint-Joseph, les dégâts sont colossaux, et un homme a perdu la vie samedi 28 août. Pourtant ce type de bouleversement météorologiques pourrait venir à se multiplier dans le futur. Depuis une dizaine d'années déjà, les scientifiques remarquent que la météo change à La Réunion. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

De mémoire de Réunionnais, on ne se souvient pas avoir vu déluge aussi violent en l'espace de deux jours. A Saint-Philippe ou à Saint-Joseph les habitants ont été surpris par la brusque montée des eaux : radiers emportés, électricité coupée, boue accumulée dans les maisons, voitures emportées par les flots… Le déluge du samedi 28 août a fait un mort à la Marine Vincendo. Emporté par les eaux, l'homme n'a hélas pas pu être secouru.

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Face à ces épisodes violents, le préfet de La Réunion Jacques Billant a indiqué que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est en cours d'étude, suite à une demande des maires de Saint-Joseph et de Saint-Philippe.

Ces bouleversements météorologiques ne sont pas sans rappeler les terribles inondations qui ont envahi une partie de l'Europe en juillet dernier, dont l'est de la France, faisant plus de 200 morts.

Alors inéluctablement, la question se pose : ces intempéries sont-elles un résultat direct des changements climatiques que connaît notre planète ? Les scientifiques de La Réunion restent prudents avant de tirer des conclusions trop hâtives mais une chose est certaine : la météo de l'île est bel et bien en train de changer.

- Intensité exceptionnelle -

La population du sud ne se trompe pas quand elle dit ne jamais avoir vu pareilles intempéries en pleine saison sèche. Cheffe des prévisionnistes à Météo France, Patricia Salerno le confirme : "on retrouve ces quantités de précipitations en 24 heures pour un mois d'août en 1967, 1974 et 1972" nous indique-t-elle. L'année 2021 vient donc de s'ajouter à la liste.

Sur le poste de la Crête, près de la rivière Langevin sur les hauteurs de Saint-Joseph, il est tombé en 24 heures 605 mm. "Les précipitations normales pour un mois d'août sont de 351 mm" note la cheffe des prévisionnistes. Au poste de Bellecombe, au volcan, on enregistre 577 mm. "Pour le vent le maximum enregistré est de 94 km/h au volcan" complète Patricia Salerno.

Résultat, l'Office de l'eau enregistre des crues records. A Saint-Benoît, la crue de ce samedi 28 août est la 4ème la plus forte de l'année 2021. A Saint-Joseph, sur la rivière Langevin, la crue du week-end se classe au 7ème rang des plus fortes crues observées depuis 35 ans. "Ce sont des événements très rares que l'on n'avait pas vus depuis les années 1950" note Julien Bonnier, chef du service ressource en eau.

- Des conditions proches d'un cyclone -

Difficile pour Météo France d'affirmer que ces précipitations records sont le résultat d'un bouleversement climatique plus global. Plusieurs éléments viennent expliquer le phénomène connu le week-end dernier : "la présence d'un anticyclone puissant au Sud des Mascareignes, des alizés forts, et surtout la présence d'un fort courant froid qui est venu interagir avec la zone humide plus basse, rendant les averses fortes et orageuses".

Les conditions des 28 et 29 août rappellent celles des épisodes cycloniques. "Les quantités sont du même ordre que celles qu'on a déjà eu lors de dépressions tropicales comme Berguitta en 2018" note Patricia Salerno.

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- Des pluies courtes et destructrices -

Depuis 2011, l'Office de l'eau enregistre un cycle sec à La Réunion. "Les recharges des nappes phréatiques sont assez faibles. Ce type de cycles se sont déjà vus par le passé mais ils n'ont jamais duré aussi longtemps. Là, nous en sommes à 10 ans de déficit" indique Julien Bonnier. Une sécheresse qui vient fragiliser le système de distribution en eau.

Les précipitations telles que ce que le Sud a connu ne permettent cependant pas de combler ce manque d'eau. "Les pluies sont intenses, elles font beaucoup de dégâts, mais elles sont courtes dans le temps" ajoute le chef du service ressource. Une météo instable qui perturbe les cours d'eau de l'île, quand des précipitations moins violentes et plus régulières seraient préférables. "Avant en février et mars c'était parapluie tous les jours. Maintenant ce n'est plus le cas."

Ce "cycle sec", c'est la tendance principale retenue par les scientifiques à ce stade. La preuve que le climat de l'île change. "Doit-on pour autant s'attendre à des bouleversements répétés sur le long terme ? Il faut rester prudent, ce genre de crues est déjà arrivé. Mais le climat évolue oui, et ça commence à sauter aux yeux."

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- Surveillance du plan de prévention des risques -

A La Réunion comme ailleurs, il faut donc se préparer à devoir faire face à des événements météorologiques de plus en plus violents, comme Météo France l'avait déjà envisagé pour les futurs cyclones.

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de La Réunion, dont la mission est de prévenir tout risque naturel via l'élaboration des plans de prévention des risques (PPR), se prépare à voir certaines zones surveillées de plus près. "Dans le cadre de l’élaboration des PPR, la cartographie des aléas naturels est établie sur la base de scénario de pluie centennale c’est-à-dire une pluie dont l’intensité a 1 chance sur 100 d’être dépassée tous les ans" nous rappelle Kévin Samyn, directeur régional du BRGM. "Il est possible que dans ce contexte de changement, certaines zones deviennent plus à risques en admettant un scénario d’augmentation de l’intensité des événements dans le futur. Mais il n’est pas possible de le quantifier précisément ce risque à ce jour."

Contactées sur les aménagements territoriaux à adapter ou sur le respect des zones à risque en termes de constructions, les communes de Saint-Philippe et Saint-Joseph ne nous ont pas répondu à ce stade. Il en va de même pour la DEAL (Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement). Mais pour rappel, le PPR inondation et mouvements de terrain définit certaines zones rouges dans lesquelles toute construction est interdite. Si cette interdiction n'est pas respectée, la DEAL a le pouvoir d'envoyer un arrêté d'interruption de travaux (AIT) et de dresser des procès-verbaux.

mm/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
zourite
zourite
2 ans

On ne peut hélas rien contre ces phénomènes. Au delà des analyses diverses.''' Si ce n'est que les stations de Météo France ont enregistré des records sur la Crête et Commerson.

Tonton Pagote
Tonton Pagote
2 ans

La corruption et l avarice est maître du monde et notre île n'y échappe pas.Les urbanisation à outrance sans tenir compte de l'évacuation des eaux fluviales ne cesse d'accélérer l eau tombée dans les hauts vers les bas où vivent la grande majorité des Réunionnais.Aucune mesure sérieuse de rétention des apports fluviales, (Bassin communaux, réserve agriculteurs, incitation financière pour des bacs de collecte des pluies avec filtre, voir pompe).C'est étonnant que nos mandataires et l État soient surpris. Pourtant, ils avaient anticipé ces risques et mis en place un plan d'action.http://www.reunion.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/guide_eaux_pluviales_reunion_cle575121.pdfMais comme pour tous les projets qui viseraient l'intérêt commun des Réunionnais, celui doit bien rangé dans les annales...Et nos impôts , la TVA, l octroi de Mer, les subventions européennes ... finissent par enrichir les Réunionnais qui "Réussissent" et mettre en danger les autres.Vive la France, vive la République.

françois BOCQUEE
françois BOCQUEE
2 ans

Bref, la prévision reste un art difficile, surtout...AVANT !