
Au-delà de l'illettrisme, l'innumérisme (défaut de maîtrise des nombres) et l'illectronisme (difficulté à utiliser les appareils numériques) touchent aussi une large part de la population réunionnaise. Des problématiques qui sont désormais à l'étude au niveau régional, alors qu'un plan de lutte est en préparation au Conseil régional, en partenariat avec l'Académie de La Réunion, le Département, mais aussi la Caisse d'allocation familiale, les associations de proximité ou encore Pôle emploi.
"Il faut réfléchir au-delà de l'illettrisme pour apporter des solutions adaptées à toutes les personnes concernées : certaines personnes âgées savent lire mais pas utiliser un ordinateur, certains jeunes savent utiliser un ordinateur mais ne maîtrisent pas les mathématiques" détaille Lorraine Nativel, vice-présidente déléguée à la lutte contre l'illettrisme à la Région.
Si l'on parle aujourd'hui de 116.000 à 120.000 adultes concernés par une "maîtrise insuffisante des savoirs de bases", les chiffres remontent désormais à 2011. Aucune nouvelle étude n'a en effet été réalisé ces dix dernières années, rendant difficile d'évaluer le véritable nombre de personnes concernées en 2021. C'est donc sur cette base que les études sont désormais faites dans l'île.
"On pense que ces chiffres sont sensiblement les mêmes qu'il y a dix ans, notamment en raison du nombre de jeunes qui quittent le système scolaire sans maîtriser ces connaissances de bases" estime Lorraine Nativel. Les populations les plus défavorisées sont aujourd'hui les plus concernées, avec une majorité d'adultes de plus de 35 ans qui sont touchés par l'illettrisme. "Il est sûr que l'on peut parler d'un mauvais bilan en regardant ces 20 dernières années, et que rien n'a évolué" ajoute-t-elle.
- De nombreux acteurs impliqués -
De nombreux acteurs sont donc sollicités pour apporter des solutions pour tous. Au niveau de la CAF, qui vise un public adulte, "un accompagnement attentionné des allocataires dans les espaces multi-services, dans les Mobicaf (bureaux mobiles Caf) pour faciliter, rendre plus accessible les démarches et répondre aux difficultés liées à l'illettrisme et l'illectronisme avec des équipes formées pour accompagner au mieux les usagers" est par exemple proposé, explique-t-elle. Plusieurs dizaines d'ateliers numériques sont organisés chaque année en partenariat avec des associations.
"Nous finançons des actions via des subventions à des associations comme par exemple Liv'la Kaz des livres à soi - Association Réunion des livres et Première page avec la bibliothèque départementale" ajoute-t-elle. Les associations sont en effet fortement sollicitées sur le terrain, notamment par la Région. "Elles ont un accès privilégié à des personnes qui ne sont pas fortement dans le système, et qu'on a donc du mal à toucher" souligne Lorraine Nativel.
Des institutions comme l'Institut d'émission des départements d'Outre-mer (IEDOM) proposent de leur côté des ateliers, notamment pour "adopter les bons réflexes budgétaires et financiers via une approche sur mesure". La préfecture, en partenariat avec le Service militaire adapté de La Réunion (RSMA), s'implique elle aussi dans la lutte. " Le RSMA-R est un acteur majeur de l’île dans le cadre de la lutte contre l’illettrisme. Missionné par l’État, il permet aux 1100 volontaires qui le rejoignent chaque année, dont 30 % sont illettrés, de se réconcilier avec l’écriture, de reprendre confiance en eux et ainsi acquérir une formation professionnelle" indique-t-elle.
- La prévention comme premier levier -
Du côté de l'Académie de La Réunion, deux inspecteurs, Thierry Lallemand et Catherine Amourdom, sontprésents pour l'élaboration du plan régional de lutte contre l'illettrisme, qui devrait être présenté avant la fin de l'année. Désormais, la lutte contre l'illettrisme débute dès la maternelle, avec la mise à disposition d'ateliers pour les familles en difficultés. "Les enfants peuvent être accueillis dès trois ans, avec leur famille, afin de prévenir toute difficulté scolaire" explique Thierry Lallemand, inspecteur de l'Académie de La Réunion à Saint-Denis. "Ce dispositif est surtout à destination des publics défavorisés" ajoute-t-il.
Le rectorat compte aussi sur le dédoublement des classes de maternelle et de CP et CE1 pour prévenir l'apparition de difficultés de lecture. "Le dispositif n'ayant été mis en place qu'en 2017, il est encore trop tôt pour se prononcer sur les résultats de la mesure, mais nous avons bon espoir qu'elle portera ses fruits" indique Thierry Lallemand, alors qu'environ 580 classes de CP et 300 classes de CE1 ne comportent plus que 15 élèves. "Une façon de porter une attention particulière à chaque élève" souligne-t-il.
Des tests de lecture sont aussi effectués régulièrement, notamment dans les zones d'apprentissage prioritaires. "On évalue le niveau de "fluence" de la lecture, ce qui nous donne un excellent indicateur du niveau d'un élève, afin de pouvoir intervenir rapidement et apporter une réponse" détaille Thierry Lallemand.
Avec près de 120.000 personnes encore touchées par une forme ou une autre de difficulté, le chemin reste donc encore long. "Si l'on compare le niveau de La Réunion à celui de l'Hexagone, on ne peut pas se satisfaire des résultats actuels" conclut-il.
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