Tribune libre de Jean Claude Comorassamy

Tabisman Stella et Sapèl Stella les témoins d'une époque

  • Publié le 14 septembre 2021 à 06:15
  • Actualisé le 14 septembre 2021 à 06:17

Les journées européennes du patrimoine sont l'occasion de remonter un peu dans le temps. Ce pan d'histoire se situe sur la commune de saint-Leu. Il s'agit d'histoire encore à écrire, plus encore de se souvenir, qui lie intimement l'Usine Sucrière Stella Matutina et le Temple Tamoul de Stella. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Ces deux édifices font parties intégrantes du paysage de Stella, des lieux remplis d’histoire qui sont aussi des vestiges de la commune de l’Ouest aux destins croisés.

Ces espaces sont remplis d’images provenant du passé, qui nécessite le temps d’un instant d’allumer cette petite lampe et de nous replonger " Dan’n Tan Lontan ". L’aventure commence dès 1855, en premier lieu la construction d’une Usine Sucrière appelée Usine Stella puis Stella Matutina.

Malheureusement après près d’un siècle et demi d’existence, a fermé ses portes en 1978. Après  quelques années d’abandon et en ruine, l’usine de Saint-Leu devient un Musée en 1991 grâce au Conseil Régional de l’époque, soutenue par cinq années de travaux de réhabilitation.

En deuxième lieu, à quelques encablures, à proximité de cette Usine Sucrière, se dresse un des plus vieux temples tamouls de Saint-Leu. Avec une histoire extrêmement riche liée à la période de  l’esclavage, colonisation, l’histoire de la canne, du sucre, de l’engagisme, de ses habitants et de la petite " sapèl " (lieu abritant les divinités) tamoule dressée de manière sommaire à l’époque, dont malheureusement rares traces écrites ont été conservées.

Cependant, c’est dans la transmission orale portée de génération en génération, que les années 1865/1866, dix années après la construction de  l’Usine Sucrière de Stella que ce lieu de culte a été édifié. C’est ainsi, que la mémoire collective continue d’alimenter l’histoire de ce petit " kolvi ou koylou"(espace religieux)  nommé temple aujourd’hui encore " temple malbars ".

Le petit " kolvi " aménagé de manière sommaire dès 1866   

Histoire commence, grâce à l’essor qu’avait pris la culture de la canne sur Île dès 1860, qui fût une période charnière à l’arrivée des divers engagés de la côte Africaine et autres, pour la main d’œuvre de l’industrie sucrière. Parmi ses engagés, il y avait aussi des indiens, eux s’attelaient aux travaux des champs de canne d’abord puis dans l’usine par la suite.

C’est ainsi, lors de la signature de leurs contrats de travail, pour les engagés indiens figuraient, une  autorisation à construire un lieu de culte et de pratiquer leur religion deux jours par an (fin d'année). Il semble que l’année 1866 reste la plus probable du début de la construction de la petite " Sapèl ".

Cette même mémoire orale nous raconte que le propriétaire de ces terrains, un certain Jean Dussac, mettra à disposition des engagés indien, un petit lopin de terre en friche, envahi par des pestes végétales à peine 200 mètres de l’industrie sucrière, desservi par un petit chemin caillouteux, étroite et peu praticable qu’on nommera " Somin Karmon " quelques années plus tard, nom qui a disparu par la suite.

Cette savane herbacée était composée des " pieds de corbeilles d’or, bois de lait et bois noir, liane d’argent, pieds d’esquines, choca vert, pieds de piondaine, liane de pèlinn’dé etc, etc… ".

C’est là que nos ancêtres après avoir défrichés à la main le petit espace autorisé, après que le lieu s’est retrouvé dans un état de propreté, que fût érigé un petit " kolvi ".  

L’aménagement s’est entamé de manière très sommaire, d’un socle construit en galets dit-on (pierre), façonnées et  taillées, d’une assise d’un mètre sur un mètre environ et d’un mètre de hauteur et d’après les dires des anciens, recouverte de bouse de vaches servant de liant mais aussi de surface plane. Cette même bouse de vache était utilisée aussi pour les cabanons des engagés à faire le parquet ou servant d’enduit pour le mûr.

Au quatre coins du " kolvi ", les mâts de choca étaient plantés et servaient des poteaux ainsi que les autres armatures, le tout recouvert de ces mêmes feuilles de choca. Et au milieu de cet emplacement, était placé un " kalou ", une pierre représentant une des divinités tamoules. 

C’est ainsi que naissait il y a environ un siècle et demi le temple d’Stella, d’après la transmission de la mémoire collective. Structure qui a énormément évolué, modernisé au fil des temps, pour devenir aujourd’hui encore ce lieu rempli d’histoire et de souvenirs.

On se souvient même qu’avant le démarrage de la campagne sucrière, une cérémonie tamoule était organisée à la demande de la direction de l’usine de bénir les machines, pour la bonne marche de l’Usine et la protection des " Travayers Tabisman", avec le sacrifice d’un bouc dans l’enceinte de l’établissement.

A l'intérieur de l'établissement, la vierge Marie avait droit à son emplacement, et une bénédiction catholique organisée par le prête de St-Leu aussi en début de la campagne sucrière.

Raison de plus, aujourd’hui encore d’affirmer ce lien fort qui a toujours existé entre l’histoire de l’Usine Stella et du Temple en ces journées européennes du patrimoine et de se souvenir.

Jean Claude Comorassamy

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