Masques, gels, parois de séparation...

Le Covid-19 contamine aussi les porte-monnaies

  • Publié le 18 janvier 2022 à 09:01
  • Actualisé le 18 janvier 2022 à 12:26

Voilà deux ans que nos chariots de courses n'ont plus la même allure. Il est courant qu'une boîte de masques ou qu'un gel hydro alcoolique se soient glissés entre les tomates et les oignons. Pour les familles vaccinées ou pas, et les entreprises le Covid-19 représente une part importante des dépenses. Quel est le coût de ces protections ? Imaz Press a fait les comptes (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

• Budget important pour les familles

576 ! C'est le nombre de masques qu'un adulte est censée utiliser en moyenne dans une année. Un chiffre impressionnant, tout comme sa part dans le budget des foyers . Oui, la pandémie a un coût, et ces nouvelles dépenses ne font que diminuer le pouvoir d'achat et augmenter la paupérisation des familles.

En moyenne, nous portons deux masques par jour. En seulement un mois, cela représente 48 protections. Dans le commerce, une boîte de masques est vendue entre 5 et 7 euros les 50 unités. À cela, il convient d'ajouter du gel hydro alcoolique coûtant en moyenne 2 euros par mois. Une personne vaccinée dépensera, au minimum, 8 euros par mois (la boite de masques et le gel) pour se protéger du Covid-19.

Un montant fort onéreux pour certains. Tel est notamment le cas des étudiants. Ils comptent parmi les premiers touchés par les conséquences de  ces frais supplémentaires. "En plus du matériel de cours et de l'essence, je dois dépenser 50 euros par mois pour les masques. C'est un vrai budget que je dois mettre en place.", déplore Magalie, étudiante à Saint-Denis.


• Les étudiants fortement impactés

"Le Covid a fragilisé la situation de nombreux étudiants.  La rentrée 2021-2022 nous a fait constater des difficultés financières chez les étudiants, sans parler des conséquences mentales. Nous sommes face à une génération sacrifiée. 30 % des étudiants ont des pensées suicidaires dues aux différents confinements, la fracture numérique s'intensifie et leur pouvoir d'achat est toujours aussi faible", constate Rudrigue Sautrin, président de l'Unef, association d'aide estudiantine.

"Il est évident que le Covid représente un chiffre important du budget étudiant. La dépense en gel hydro alcoolique et en masque représente, en moyenne, 230 euros par an et par étudiant. À cause du Covid, les élèves ont dû débourser environ 30 euros de plus pour leur rentrée" poursuit le président de l'association.

"Les étudiants eux-mêmes sont venus chercher notre aide dans nos locaux, ne parvenant pas à s'acheter leurs propres masques. Avec la suppression des repas à un euro et l'impact de ces nouvelles dépenses, ils sont dans des situations souvent fragiles" ajoute-t-il

Des distributions de protections sont donc régulièrement organisées sur les campus étudiants, à Saint-Pierre ou au Moufia. Elles s'adressent à tous. Car "aucun élève n'est à l'abri de la précarité" remarque Rudrigue Sautrin.

"En Outre-Mer, surtout, on a l'impression de faire face à des "mesurettes". Les étudiants luttent constamment contre la vie chère", déplore le président de l'Unef. Produits d'alimentation, d'hygiène, vêtements, à La Réunion tout est plus cher. Le prix de la vie globale y est 7,1 % plus élevé qu'en métropole.

Cette règle s'applique également pour le prix des protections. En moyenne, une boîte de 50 masques est vendue 6.30 euros en grandes surfaces dans l'île contre 4.90 en métropole.

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"Pour les étudiants non-vaccinés il n'y a pas de prise en charge des tests, même s'ils sont dans la nécessité. En 3ème année nous devons effectuer des stages dans le cadre de nos études. Les entreprises demandent un pass sanitaire. Ces tests sont des dépenses supplémentaires pour les étudiants et représentent un frein dans la poursuite de leur apprentissage"dit encore Rudrigue Sautrin.

Le non remboursement de tests pour les personnes non-vaccinées aggrave encore la ponction sur les budgets. Un test antigénique est désormais valable 24h. On estime qu'un non-vacciné est susceptible d'en réaliser deux par semaine. Au prix de 27 euros le test un non-vacciné dépensera, au minimum 200 euros par mois. L'arrivée des autotests en grandes surfaces, moins chers et plus accessibles, devrait soulager les portes-monnaies, mais ils ne sont pas valables pour l'obtention du pass sanitaires

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- Un gouffre financier pour de nombreuses familles

À La Réunion, on comptabilise une forte proportion de la population ayant des enfants. D'après l'Insee, en 2018, plus de 100.422 couples avec des enfants ont été recensés. Le taux de fécondité étant établi à 2,4 enfants par femme, on compte généralement deux enfants par famille.

Pour un foyer de 4 personnes, dont deux parents vaccinés et deux enfants de plus de 6 ans, soumis au port du masque obligatoire, le budget s'évalue à environ 30 euros par mois. Pour de nombreuses familles, c'est un gouffre financier.

Lopèz, père de famille, explique, "on est une famille de cinq et j'ai deux enfants de plus de 6 ans. J'achète environ 10 boîtes de masques par mois, ça représente entre 50 et 60 euros, c'est un gros budget supplémentaire. Cela peut devenir pesant pour certaines familles plus modestes."

Le constat est le même pour Lauren, mère d'une jeune fille au collège. "On achète aux alentours de qautre boîtes de masques. On doit en acheter tous les mois et ça nous fait un budget de 30 euros. Avec 30 euros, on pourrait faire autre chose que d'acheter ça."

"Nous sommes trois, j'ai une petite fille. À cause des masques, je dépense 20 euros de plus par mois. Je n'ai pas cet argent" se désole Samia. La fortune cumulée de l'ensemble des milliardaires a connu depuis le début de la pandémie de Covid-19 sa plus forte augmentation jamais enregistrée, passant de 5.000 milliards de dollars, pour atteindre son niveau le plus élevé" à 13.800 milliards."

Alors que les fortunes des milliardaires sont en augmentation, la paupérisation, elle, n'est pas en baisse pour autant. La pauvreté touche trois fois plus de personnes à La Réunion, et le prix des masques et des tests est plus élevé qu'en métropole. 
Pour limiter les dépenses, certaines familles ont développé des astuces.

"Je dois acheter environs cinq boîtes par mois pour moi et mon fils. Ça fait 30 euros et c'est une grosse somme surtout que depuis la crise Covid je suis passée d'un temps plein à un temps partiel. C'est mon employeur qui  me fournit des masques, des gants et du gel, mais ce n'est pas suffisant pour les week-end.", avoue Maria Amanda.

"On dépense très peu d'argent, on utilise les masques qui traînent dans la voiture" s'exclame Thomas en riant. "On achète une boîte par mois pour les enfants, ça nous fait 5 euros par mois, ça reste raisonnable. On ne veut pas dépenser d'argent pour ça, on ne veut pas que les protections contre le covid rentrent dans notre budget du quotidien. On développe des astuces, on se lave les mains et on utilise pour nous les masques du boulot" renchérie son épouse Laura.

• Les entreprises mettent la main à la poche

Les entreprises ont l'obligation de fournir des masques aux salariés. 68 % des clusters ont lieu en milieu professionnel. Les entreprises ont donc dû s'adapter et respecter les mesures sanitaires. Ce nouveau coût "à la protection des salariés" en temps de pandémie est difficile a assumer.

Pour les très petites entreprises de moins de 10 salariés (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) de moins de 500 employés (PME), le coût des mesures sanitaires avait été évalué à 100 euros par mois et par salarié. Coiffeurs, commerces de proximité, restaurateurs ou encore auto-école, tous ont dû côtiser pour pouvoir respecter les nouvelles normes sanitaires.

"Les grosses entreprises, entre 50, voire plus de 200 salariés sont celles qui dépensent le plus. Le budget consacré à l'achat de protection représente aux alentours de 5% des investissements de certaines entreprises. Soit quelques milliers d'euros. Le grandes entreprises dans l'alimentation ont dû le plus investir en masques, marquage et gel hydro alcoolique." affirme Ibrahim Patel, président de la chambre de commerce et d'industrie de la Réunion (CCIR).

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Fin avril 2021, 75% des commerces interrogés par la CCIR déclarent qu’ils auront une baisse de 30% de leur chiffre d'affaire dû au confinement. Sur 595 profils, tout secteur confondu, 32% des interrogés ne parviennent plus à assumer leurs charges fixes. Les revenus des commercants ont été séverement touché par la pandémie et certains ne peuvent payer les coûts de protection des salariés.

"En 2020, la première source d'investissement des entreprises qui exercent des métiers de l'artisanat était lié aux protections contre le covid. Même si le matériel était très cher à ce moment-là, les prix demeurent toujours onéreux aujourd'hui.", rapporte Bernard Picardo, président de la chambre des métiers et de l'artisanat.

Du 15 au 25 mars 2021, 502 entreprises artisanales ont participé a un sondage de la chambre des métiers et de l'artisanat. 32% des investissements des entreprises étaient placés dans l'achat d'équipement de protection individuel. En moyenne, ces investissements dépassaient 10.000 euros. 36% de ces entreprises ont déclaré des difficultés lié a ces investissemnents.

"Ces chiffres montrent que l'achat de protection prend une grande ampleur dans les budgets des entreprises." note le président de la chambre des métiers et de l'artisanat. Coiffeurs, auto-écoles, commerces de proximités, petites entreprises, métiers du bâtiment ou de la production, tous ont leurs spécificités et on dû s'adapter.

"Ces dépenses sont une obligation morale et légale. Il faut protéger les collaborateurs comme les clients. Les entreprises n'ont pas eu d'autre solution que d'intégrer ces coûts et de prendre sur elles. Financièrement, cela les impacte considérablement.", énonce Bernard Picardo.

• Les restaurateurs payent le prix fort

"Les restaurateurs ont été amené à faire des dépenses au nom du covid. Pour continuer à ouvrir, ils ont été contraints de réaliser de nombreux frais et de respecter de nombreuses normes d'hygiènes ; achat de gel, nouvelle organisation, séparations, plexiglas", affirme la chambre de commerce et d'industrie

"Pour eux, c'est la double punition. Les annonces répétées de couvre-feu et de confinements leur donnent le sentiment que ces dépenses ne leur ont pas servi" poursuit la CCIR. Les restaurateurs confirment : "nous avons l'obligation d'acheter des masques pour les employés et pour les clients si jamais ils n'en n'ont n'en pas. On a dû installer six plaques en plexiglas dans le restaurant. Aujourd'hui, on les a désinstallées, elles ne sont plus obligatoires.  Cela ne représente pas forcément pas un gros budget, mais ce sont des dépenses en plus" déclare une employée d'un restaurant du centre-ville de Saint-Denis.

"Comme nous avons repris l'établissement en juin dernier, le propriétaire nous a laissé des grosses bouteilles de gel hydro alcoolique et des séparations en plexiglas. Ce que nous achetons le plus ce sont les boîtes de masques pour nos employés. J'ai encore 6 mois de stock de gel hydro alcoolique. C'est vraiment un soulagement." assure la responsable d'une créperie dionysienne.

"Le Covid s'est immiscé dans les moindre recoin de notre quotidien, jusqu'à aller se glisser dans les replis de nos portes-monnaies" soupire un restaurateur.

mc/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
titi45
titi45
2 ans

Non les pas vraie '