Des pénuries sont à prévoir (actualisé)

Cyclone Batsirai : 47 millions d'euros de pertes pour l'agriculture et l'élevage péi

  • Publié le 11 février 2022 à 17:47
  • Actualisé le 13 février 2022 à 16:12

Les chiffres des dégâts de Batsirai sont tombés. 47 millions d'euros de pertes liés aux dégâts du cyclone et seulement 44 millions d'euros sur le végétal. Batsirai a touché tous les secteurs de l'agriculture : maraîchages, arboriculture, élevage. La Chambre d'agriculture déplore 24 millions d'euros de pertes seulement pour le sud. Le Département a déjà débloqué des aides pour les agriculteurs. D'autres aides comme celles de l'Etat leur seront alloués dans le cadre de la catastrophe naturelle. L'Etat a pour l'instant reconnu 19 communes sur 24 en état de catastrophe naturelle. Certains fruits et légumes connaîtront des pénuries, prévient la Chambre d'agriculture. Après un travail acharné sur plusieurs années certains agriculteurs ont perdu l'intégralité de leur production, d'autres une partie. Les chiffres des dégâts sont vertigineux. 30.000 euros pour l'un, 50.000 euros pour l'autre. (Photo : rb/www.ipreunion.com)

La Chambre d’agriculture a présenté le bilan chiffré des dégâts de Batsirai ce vendredi 11 février. Les pertes sur la filière agricole sont estimées à 47 millions d'euros dont 44 millions seulement sur le végétal, c’est-à-dire les maraîchages, les cultures de fleurs, l’arboriculture… "Les dégâts se font encore sentir" indique Frédéric Vienne, président de la Chambre d’agriculture.

Même si tous les secteurs n’ont pas été impactés par la même intensité, Frédéric Vienne appelle "à ne pas négliger les bas", eux-aussi touchés par Batsirai. Les dégâts sont très lourds avec plus de 900 hectares de fruits et légumes ravagés par la pluie et les vents. 50% des serres et des structures hors-sols ont été touchées.

La perte des cultures sous-serres représente à elle seule 16 millions d’euros. C'est une "catastrophe entière" pour la Chambre d’agriculture.  De Saint-Pierre à la Petit-île, en passant par le Tampon, les hauts de l’île, les hauteurs de Sainte-Marie, les hauts de Sainte-Suzanne, Salazie, les hauts de l’Ouest, mais aussi Le Sud comme les villes de Saint-Louis et Cilaos, toutes les exploitations agricoles de ces zones sont gravement touchées.

"Il y a énormément d’investissement à refaire notamment au niveau des structures hors-sol, chez les éleveurs, dans les chemins d’exploitation " explique Frédéric Vienne, président de la Chambre d’agriculture. Ecoutez.



- Les dégâts en chiffres -

• Nord-Est: 11 millions d’euros de dégâts, avec 70% de pertes sur les maraîchages, soit 250 hectares détruits.

• Même si l’Ouest est la zone la moins impactée avec 8 millions d’euros de dégâts. Le maraîchage, l’arboriculture, la culture des fleurs mais aussi celle des mangues est impactée.
Les mangues représentent à elles seules 670.000 euros de pertes avec 62 hectares détruits.

• Le Sud, est la zone la plus ravagée par les dégâts. La Chambre de l’agriculture déplore 24 millions d’euros de perte avec 500 hectares de maraîchage en plein champ. 230 hectares de bananes sont détruits, soit 70% de pertes.

• Salazie, est la micro-zone la plus touchée, à hauteur de 4.8 millions d’euros, 4 millions d’euros seulement en maraîchages, soit 156 hectares touchés. L’arboriculture est touchée à 40%. "Même si nous ne sommes dans la saison des chouchous, ces légumes verts ont eux-aussi été impactés, les treilles, structures et lieux dans lesquels ils sont cultivés" précise Frédéric Vienne.

D’autres filières sont impactées, la filière animale par exemple qui déplore 2.2 millions de pertes. Les infrastructures et chemins représentent plus d’1million d’euros de dégâts.
Les bâtiments les plus touchés sont à la Plaine des Cafres et à Saint-Joseph. Ils représentent 350.000 euros de dégâts.

Les producteurs de lait ont perdu 80.000 litres de lait à cause des pannes d’électricité. 90 bœufs et 20 vaches reproductrices ont été emportés par les flots, à cause des pluies diluviennes. 32.000 volailles sont mortes à cause des coupures d’électricité mais aussi parce que les producteurs n’avaient pas accès à leur exploitation pour essayer de limiter les dégâts. Certains n’avaient même pas assez de stock pour les nourrir, indique la Chambre de l’agriculture.



Si ce chiffre est aussi élevé, (les 47 millions d’euros, ndlr) c’est parce que les agriculteurs ont préféré perdre leur récolte que leurs infrastructures comme les serres " indique Bruno Robert, premier vice-président de la Chambre d’agriculture.
Thierry Silotia, troisième secrétaire adjoint de la Chambre d’agriculture demande à ce que les 24 communes soient reconnues en état de catastrophe naturelle. Pour rappel, l’Etat  en a reconnu seulement 19.

Frédéric Vienne appelle la population à adapter son alimentation en raison de la baisse de production et de pénuries de certains fruits et légumes. Le président de la Chambre d’agriculture attend la venue du ministre pour lui exprimer l’urgence de la situation de l’agriculture de La Réunion. Ecoutez




- Entre 25.000 et 30.000 euros de pertes -

Stéphane Fontaine, un agriculteur du Sud de l’île a perdu entre 25.000 et 30.000 euros de plants, serres, irrigations et de fruits sur un de ses terrains à Saint-Pierre. Ses principales cultures, les fruits de la passion et longanis ont été détruites par Batsirai. " Sur les 80 cagettes de fruits de la passion que je prévoyais, j’en ai qu’une seule et elle n’est même pas remplie " raconte l’agriculteur.

Pour avoir un champ viable et de cet ampleur, Stéphane Fontaine a dû attendre près de sept ans pour développer différentes cultures, serres et irrigations. Mais après Batsirai, la réalité est toute autre. "Le terrain est à refaire entièrement, c’est un an de travail dans le vide " se désole-t-il. L’agriculteur envisage de planter des cultures adaptées au terrain et au climat des bas, mais cela n'est pas chose facile. "Les fruits de la passion ont besoin de beaucoup d’entretien et de matériaux pour se développer, il faut de la ferraille pour les faire grimper et pour construire des serres mais leur prix a encore augmenté " déplore-t-il.

Une serre peut coûter entre 5.000 et 20.000 euros selon la taille et selon les cultures, un prix qui ne lui permet pas d’en installer de nouvelles après le passage de Batsirai. Ce prix peut d'ailleurs varier si c'est un professionnel qui installe les serres.

"On n’a plus de fonds pour travailler, on n’a plus de fruits ni de légumes à vendre " explique-t-il. Dans un de ses champs aux Makes, Stéphane Fontaine plantait des fraises sous serres. Il a dû les débâcher à l’approche du cyclone. Les fraises n’étant plus protégées, il les a toutes perdues.

Aujourd'hui, Stéphane Fontaine aurait besoin au minimum de 20.000 euros pour relancer toutes ses cultures (sans les installations : irrigation et serres) seulement pour son champ à Saint-Pierre.

- 5.000 roses décimées et près de 15.000 euros de perdu -

Danylo Tailame, maraîcher, horticulteur et président de l’association des agriculteurs et des fermiers du Grand sud avait lancé une nouvelle production de roses pour la Saint-Valentin il y a deux ans. Batsirai lui a fait perdre le plus gros de sa production en détruisant ses serres qui abritaient entre 3.000 et 5.000 roses. " Cela représente entre 10.000 et 15.000 euros seulement sur la vente et 50.000 euros avec les structures (les serres, ndlr)" précise Danylo Tailame.

Il lui reste désormais deux serres de roses intactes qui représentent 700m2 de sa production. Mais l’horticulteur reste dans le flou, leur irrigation est coupée et les conditions météo varient encore. Il ne sait si elles seront prêtes pour la Saint-Valentin. Si c’est le cas, elles pourraient lui rapporter entre 7.000 et 8.000 euros, une somme qu’il devra réinvestir dans ses cultures en raison des dégâts causés par Batsirai.

Danylo Tailame est aussi maraîcher. Il a perdu près de 2.000 pieds de tomates et d’aubergines ce qui représente "entre 7.000 et 8.000 euros de perte". Ses citronniers, déracinés sont eux-aussi décimés. Mais le maraîcher garde le cap et a transformé lui-même les agrumes récupérés en confits et confitures "pour ne pas perdre 100% de sa production" souligne-t-il.

Le samedi 5 février, l’agriculteur était déjà dans son champ pour " remettre de nouvelles productions en place " : citrouilles, tomates et aubergines.  Pour l’instant, Danylo Tailame puise dans sa trésorerie, tout comme les autres agriculteurs. " Il faut remettre les cultures en marche pour livrer les collectivités et les marchés de producteur " explique-t-il.

- Une pénurie des produits les plus touchés par Batsirai -

Les agriculteurs ayant perdu une grande voire très grande partie de leur production, augmenteront leurs prix. Parmi celle-ci, les plus impactés sont les légumes habituels, comme les salades, brèdes, tomates. Les cultures de bananes et de mangues elles aussi été décimées par le cyclone. "Il y aura une pénurie rapide de ces fruits " prévient Olivier Fontaine.

" On n’est pas sur l’exagération aujourd’hui " insiste le secrétaire de la Chambre d’agriculture, on a besoin du soutien de la population locale surtout quand on a investi dans nos plantations et installations.  Après le passage de Batsirai, il est normal que les agriculteurs augmentent les prix, il faut qu’ils aient les capacités de relancer leur culture, il faut qu’ils se retrouvent dans les charges " explique-t-il. Olivier Fontaine, tient à rappeler que le prix en moyenne des légumes de la production locale est inférieur à La Réunion qu’en France hexagonal.

Le bilan est lourd. Il montre à quel point l'agriculture a été marquée par Batsirai, un énième coup dur pour les producteurs après la sécheresse en début d'année. Frédéric Vienne portera la voix des agriculteurs à l'occasion de la visite de Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer qui arrivera sur notre île du 13 au 15 février.

Lire aussi : Cyclone Batsirai : 19 communes classées en situation de catastrophe naturelle à La Réunion

vl/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
Juliana en grande grande difficulté....
Juliana en grande grande difficulté....
2 ans

Sauvons nos agriculteurs pei, des hommes et femmes travailleurs et qui ne cumulent pas plusieurs jobs et indemnités.