Décès liés au virus

Quand le Covid-19 bouleverse le protocole funéraire

  • Publié le 1 mars 2022 à 02:58
  • Actualisé le 1 mars 2022 à 07:00

L'apparition du Covid-19 a bouleversé bon nombre de choses dans notre société. Partout des mesures sanitaires sont de vigueur, de notre vivant comme après... Car si la prise en charge des malades du Covid est différente d'une prise en charge classique, les procédures sanitaires mises en place lorsqu'une personne décède dès suite du coronavirus sont elles aussi particulières. Ainsi la prise en charge du corps répond à une procédure bien définie, et des soignants aux pompes funèbres, chacun a dû s'adapter depuis 2020. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Depuis le début de la crise sanitaire, La Réunion enregistre 603 décès liés au Covid-19. A l'hôpital ou en clinique, les soignants ont la lourde tache d'intervenir en premier sur les corps des défunts. Leur prise en charge répond cependant à un protocole sanitaire strict. Bien qu'il existe encore "peu de littérature sur le sujet, il peut y avoir un risque de transmission post-mortem" nous précise l'ARS de La Réunion. "Les mesures de protection (masque, distanciation, lavage des mains…) doivent scrupuleusement être appliquées par les professionnels et l’entourage."

Dans une étude américaine menée en mars 2020, sur 225 autopsies de patients Covid ayant impliqué 675 intervenants équipés de protections adaptées, une seule contamination a été rapportée, probablement non liée à l’autopsie elle-même, comme le relaie le Haut conseil de la santé publique (HCSP). Interrogés, les responsables de la morgue du CHU, eux, n'ont pas donné suite à nos questions.

- Les soignants en première ligne -

Aujourd'hui à la retraite, un ancien personnel hospitalier souhaitant rester anonyme explique que dès la prise en charge du corps par le service qui s'occupe de préparer le défunt, après avoir débranché les perfusions, le corps est "baigné de la tête au pied par un aide-soignant ou un infirmier". "Il est ensuite séché, habillé et on le met dans deux housses de protections" ajoute-t-il.

Pour les personnels soignants intervenant dans la chambre, un équipement spécifique doit être porté. "Le personnel revêt une combinaison blanche, une surblouse, un tablier en plastique, une charlotte, un masque à gaz occasionnellement, des doubles gants, un masque FFP2 et il faut bien sûr appliquer du gel hydroalcoolique" détaille l'hospitalier aujourd'hui à la retraite.

Une fois que l'aide-soignant.e ou l'infirmier.e termine les soins, il ou elle sort de la chambre et son équipement peut être entièrement retiré. En cas de mauvaise manipulation lors des soins, "le personnel doit de suite aller se laver", témoigne le retraité. Lorsque les soignants ont terminé les soins d'une personne décédée et que celle-ci est confiée aux pompes funèbres, la chambre est libérée et entièrement désinfectée. "On jette ce qu'il faut jeter, on désinfecte tout. Et on attend une heure avant de se servir à nouveau de la chambre", explique notre soignant. Durant toutes ces manipulations, la plus grande vigilance est de mise. "Lorsque l'on met le corps dans la housse de protection, avec la ventilation, certaines particules peuvent se dégager du défunt. Si on ne porte pas de masque, on peut alors attraper le Covid-19."

L'arrivée de ce virus a bouleversé le travail des soignants, qui ont dû s'adapter dès le début de la pandémie pour la prise en charge de ces patients décédés des suites du virus. "En 2020, on n'avait aucun moyen, alors on mettait des sacs poubelles pour se protéger", déplore l'ancien hospitalier. L'épidémie de chikungunya qu'a connu La Réunion en 2005-2006 a aussi permis d'apprendre de nombreuses manipulations, pour l'appliquer ensuite sur d'autres virus, selon lui.

- Une distance pénible pour les familles -

Pour la famille du défunt, le protocole Covid est difficile à vivre. "La famille ne peut pas avoir de contact" précise l'ARS, qui renvoie alors vers le protocole national établi par le HCSP.

Avant de confier le corps aux pompes funèbres, la famille doit suivre la procédure habituelle : se procurer l'acte de décès auprès de la mairie et faire parvenir aux services funéraires le certificat de décès délivré par un médecin qui a constaté la mort de la personne.

Le HSCP recommande ensuite une mise en bière rapide. "On dépose le corps directement dans le cercueil ensuite on le clôture ; aucune manipulation sur le défunt est effectuée entre temps, contrairement à une prise en charge sans mise en bière immédiate. Après, les proches ne pourront plus voir ni exposer le corps", explique François Leichnig, responsable technique chez PF2, service de pompes funèbres à Saint-Denis.

- Mise en bière "immédiate" en cas de maladie contagieuse -

Une mise en bière immédiate du corps se fait lorsque le défunt est décédé d'une maladie contagieuse tel que le Covid-19. La procédure s'applique, selon le HSCP, "soit moins de 10 jours après la date des premiers signes cliniques ou la date de prélèvement virologique positif (ce délai a été défini comme le seuil maximum de contagiosité du corps d’un défunt suspect ou atteint de Covid-19, quels que soient le statut immunitaire ou la sévérité clinique), soit au cours de la phase active d’excrétion du SARS-CoV-2 en milieu hospitalier".

Les services funéraires, eux, ne savent pas s'il s'agit d'une personne décédée du virus, ils reçoivent simplement l'indication "mise en bière immédiate" sur le certificat. "Cela relève du secret médical. Mais en discutant avec les familles ont comprend alors qu'il s'agit d'une contamination au virus", poursuit François Leichnig.

"Les deux agents funéraires en charge de la prise en charge du corps et du transfert au centre funéraire portent une combinaison spéciale c'est-à-dire une tenue jetable à usage unique, accompagnée d'une paire de lunettes et de gants traditionnels. Ça permet de se protéger au maximum" ajoute-t-il. "Tout ce protocole et la mise en bière immédiate n'engendrent pas de coût supplémentaire pour la famille du défunt."

Une formation des équipes a dû être faite, afin que chacun soit mis au diapason concernant les protocoles sanitaires. En janvier 2022, sur les 95 enterrements pris en charge par la société de François Leichnig, environ 25 défunts ont été mis en bière immédiatement et constitueraient des cas de contamination au Covid-19.

- Une salle dédiée au centre funéraire -

Au centre funéraire, des protocoles spécifiques sont également appliqués. Au Prima à Saint-Denis, une salle est dédiée aux cas de mise en bière immédiate. C'est là que sont placés les cercueils des défunts du Covid-19. "Sur les quatre chambres funéraires que l'on a, celle consacrée aux mises en bière est une salle climatisée, fermée où la famille ne peut pas entrer. Le corps est conservé au mieux. Les personnes en revanche peuvent regarder à travers la vitre du caisson", indique Luciano Cadet, responsable du centre funéraire de Prima.

Le HSCP, lui, précise que "les proches du défunt peuvent voir le visage de la personne décédée dans la chambre hospitalière, mortuaire (hôpital, domicile, maison de retraite, résidence) ou funéraire, tout en respectant les mesures barrière définies ci-après pour chaque lieu".

Luciano Cadet assure qu'une fois le corps du défunt reçu, il n'y a plus aucun risque de contamination au centre funéraire. Les fleurs peuvent toujours être déposées dans la chambre. Comme de coutume, le centre ne peut pas conserver le corps de la personne décédée plus de six jours. "Le seul risque sanitaire peut venir des visiteurs si l'un d'eux est positif au Covid-19... mais ça on ne peut pas le savoir", note Luciano Cadet.

ef/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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