Les jours et les vies d'Emma Di Orio

Exposition au Teat Champ Fleuri : hommage aux gardiennes du temple de la broderie

  • Publié le 17 mai 2022 à 12:00
  • Actualisé le 17 mai 2022 à 12:21

Emma Di Orio, jeune artiste touche-tout est allée à la rencontre des brodeuses de Cilaos pour faire naître un dialogue entre son imaginaire végétal fait de motifs illustrés et l'art patient et nuageux de ces gardiennes du temple. Une exposition visible jusqu'au vendredi 20 mai 2022 dans le hall du TEAT Champ Fleuri à Saint-Denis (Photo D.R.)

Si l’on devait qualifier l’exposition d’Emma Di Orio, on dirait d’elle qu’elle est cousue des fils multicolores retraçant sa collaboration avec des brodeuses de Cilaos et des élèves des écoles primaires du Centre, de Mare Sèche et du collège Alsace Corré où elle a été accueillie en résidence l’an dernier.

Des jours et des vies est construite comme une balade dans le cirque aux côtés des brodeuses dont Emma Di Orio dépeint des tranches de vies, des moments partagés, des histoires ou même des sensations. Un regard, une vision d’ensemble sur la vie qui s’organise autour de cet art.

La petite graine de ce projet a été plantée par l’équipe des Teat Départementaux en 2020. En fin d’année, les rencontres ont démarré avec l’équipe de la Maison de la broderie et l’idée germe et grandit vraiment en 2021 lors d’une résidence d’un mois dans deux écoles primaires du cirque (le Centre et Mare Sèche) pour inclure les jeunes à ce projet soutenu parallèlement par l’équipe pédagogique du collège Alsace Corré très impliquée dans la pratique artistique et les projets créatifs.

"J’ai vécu ce projet comme une opportunité durant laquelle j’ai eu la chance de collaborer avec deux brodeuses exceptionnelles, Jessie Clain et Colette Turpin, toutes deux meilleures ouvrières de France. D’ailleurs dans l’expo, il y a des pièces qu'elles ont réalisées, celles que l'on a faites ensemble, mais aussi les miennes. Sans oublier les broderies des élèves".

- "Tout cela a nourri mon imaginaire" -

Pour ces dernières, Emma et les brodeuses ont élaboré une technique adaptée à l’apprentissage, sur toile de jute aux mailles plus espacées et plus grosses pour leur permettre de mieux appréhender les points.

Et même s’il s’agit d’un travail très minutieux requérant beaucoup de patience, les élèves ont été très réceptifs et l’expérience "unique et grandement enrichissante. J'ai appris beaucoup de choses sur mon patrimoine en tant que Réunionnaise mais aussi en tant que femme ou même simplement en tant qu'être humain. Les moments de résidence à Cilaos, les rencontres, ce que j'ai vécu… Tout cela a nourri mon imaginaire pour cette exposition, mais aussi, je pense, pour après", insiste Emma Di Orio.

Au sujet de l’après justement, elle souhaiterait mener un projet par an dans les écoles autour du thème de la broderie pour éveiller les consciences sur la pratique, les brodeuses étant également très motivées pour y participer. Pour l’heure, l’exposition quittera bientôt le hall du Téat Champ Fleuri pour retourner mi-juin à son point départ, le collège Alsace Corré… à Cilaos.

Vous avez donc jusqu’au vendredu 20 mai pour découvrir ce jeu de couleurs et de sensations entrelacées dont le canevas rend hommage à la vie de ces femmes qui traversent le temps au rythme des aiguilles.

• Un nom inspiré d’une série télé

Pour la petite anecdote, Emma Di Orio a choisi d’intituler son exposition Des jours et de vies en référence à la série télévisée éponyme. Mais pas que ! Les jours de Cilaos bien sûr (autre nom de la broderie de Cilaos) mais aussi parce qu’entre elles, les brodeuses tissent aussi du lien, " bat’ la langue ", font des commérages, échangent des anecdotes sur leur vie et leur quotidien… Ce " matrimoine " qui plaît tant à la jeune artiste qui ressort grandie de cette expérience. " Je suis arrivée à Cilaos pour apprendre une technique que je ne connaissais pas du tout et j’en ressors avec des connaissances, des amis et plein d’anecdotes ".

• "La broderie a toute sa place dans le monde moderne"

Très à cheval sur les traditions, Emma craint par-dessus de voir disparaître un savoir-faire ancestral. "La broderie est en péril. À l’époque, on avait l’habitude d’en offrir dans les trousseaux de mariage, de baptême ou de communion, or ces pratiques n’existent quasiment plus au profit d’une façon différente de consommer avec le prêt-à-porter, la fast-fashion. Selon moi, la broderie a toute sa place dans le monde moderne. Il faut juste trouver ce petit je-ne-sais-quoi qui va la propulser en avant. Et je pense que la nouvelle génération a un rôle à jouer parce qu’il faut se ré-approprier ce savoir-faire, le perpétuer et le valoriser". Allez, on y croit !

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