
Si le gouvernement actuel n’est probablement que temporaire, 15 des 26 ministres en place étant parallèlement candidats aux élections législatives qui se tiendront en juin prochain, la démarche interroge. Entre accusations de violences sexuelles et prises illégales d’intérêt, cinq des ministres actuels sont loin de ce que le chef de l’Etat avait promis en matière d’irréprochabilité.
La lutte contre les violences faites aux femmes, qui est une nouvelle fois "la grande cause du quinquennat" selon les mots d’Emmanuel Macron, prend (encore) un sérieux coup avec les (re)nominations de Gérald Darmanin et Damien Abad. Les deux sont visés par des accusations de viols. Certes, les différentes plaintes déposées à leur encontre ont été classées sans suite. Sans remettre en cause le principe de présomption d’innocence qui prévaut dans les tribunaux, ces choix interrogent sérieusement dans un pays où environ 1% des plaintes pour viol aboutissent à des condamnations.
Quel signal ces nominations envoient-elles aux victimes de violences sexuelles ? Quelle considération est apportée aux 24.800 victimes de viols en France en 2020 en plaçant au gouvernement des hommes accusés de viols ? Elisabeth Borne s’est défendue de son choix concernant Damien Abad en avançant "ne pas être au courant de ces accusations". Pourtant, l’Observatoire des violences sexuelles en politique avait bien émis un signalement, adressé à LREM et au LR, concernant ce dernier, accusé de viol par deux femmes. Du côte LR, d’ailleurs, ces accusations ne sont pas vraiment une surprise, si l’on en croit les articles publiés par nos confrères de Métropole.
- Comme un sentiment d'impunité -
En supposant que la Première ministre n’avait vraiment pas eu vent de ces accusations, n’avait-elle cependant pas entendu parler du cas Darmanin ? Celui-ci défraye pourtant la chronique depuis sa nomination au poste de ministre de l’intérieur en 2019.
Côté défense des femmes, on peut aussi citer le cas de Stanislas Guerini - qui n'est visé par aucune accusation, précisons-le - qui a été nommé ministre de la Fonction publique et qui défendait il y a quelques jours encore l’ex-candidat aux législatives Jérôme Peyret, condamné pour violences conjugales. Elisabeth Borne ne l’avait-elle pas entendu dire que ce dernier était "un honnête homme" ? Dans ce contexte, difficile encore de prendre au sérieux les promesses du Président en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
Côté prises illégales d’intérêt, les trois concernés sont toujours sous le coup d’une enquête. Peut-on sérieusement considérer qu’une personne mise en examen tombe sous le coup de l’exemplarité ? Peut-être que les différentes enquêtes à leur encontre aboutiront sur des non-lieux. Mais en attendant la décision de la justice, est-ce bien raisonnable de considérer ces personnes comme assez crédibles pour tenir des ministères ?
On ne parle d’ailleurs pas de n’importe quels ministères. Ministère de la Justice, de l’Intérieur, des Solidarités, des Armées ou encore du Travail : tous les cinq sont aux commandes des institutions qui tiennent les rênes des aspects les plus importants de notre société. Difficile de ne pas faire la grimace lorsqu'on apprend par exemple que le Garde des Sceaux redemande l'annulation de la procédure qui le vise.
Peut-être qu’aucun des cinq ne se maintiendra à son poste passées les législatives. Mais après cinq années passées sous le signe de la défiance entre les Français et le gouvernement, le signal n’en est que plus mauvais. Depuis longtemps désormais, nombreux sont ceux parmi la population qui dénoncent l’impunité des plus puissants. Difficile d'envisager que ça change de sitôt dans ces conditions.
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