
Le gouvernement dira que la crise internationale due à la guerre en Ukraine n'est pas de son fait. Soit. Mais l'augmentation des prix de nombreuses matières premières, des matériaux et des produits alimentaires de base n'est plus à prouver. Et en première ligne : les carburants et le gaz.
En Métropole, le prix du litre de sans plomb a déjà dépassé les deux euros, dans les Outre-mer il s'en rapproche fortement. Selon les chiffres fournis par la préfecture ce mardi 31 mai, le litre de sans plomb passe en juin à 1,78 euro et celui du gazole à 1,47 euro.
En novembre 2018, le sans plomb était à 1,56 et le gazole à 1,28. Rien à voir avec les prix actuels et pourtant les tarifs à l'époque avaient fait office d'élément déclencheur, entraînant dans tout le pays une vague de mécontentement face à la vie chère. A La Réunion, les mois de novembre et décembre ont été marqués par de violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, poussant les autorités à instaurer un couvre-feu. Les barrages installés sur la route ont bloqué les axes principaux de l'île pendant plus de 20 jours.
- Des augmentations de +37% à +55% en six ans -
Un coup d'oeil aux archives de la préfecture de La Réunion permet de voir qu'en six ans, les prix des carburants et du gaz gaz n'ont fait que grimper. Deux événements ont été responsables de baisses notables : la crise des gilets jaunes, la baisse des prix ayant été obtenue grâce à la pression de la rue, puis la crise sanitaire et ses différents confinements, jouant de fait sur les déplacements des habitants.
Bien visibles sur les graphiques réalisés par Imaz Press ci-dessous, ils n'ont pas permis de bloquer pour autant la lente mais régulière augmentation des prix. La dernière en date marque un bond, à cause de la guerre en Ukraine. Regardez :
Les prix des carburants du 1er janvier 2016 au 1er juin 2022 :
La bouteille de gaz, elle, est passée de 18 euros à plus de 23 euros. Au plus fort de la crise sanitaire, elle était même vendue à 15 euros. Regardez :
Les prix de la bouteille de gaz du 1er janvier 2016 au 1er juin 2022 :
Ainsi, en l'espace de six ans (de juin 2016 à juin 2022), les prix du sans plomb ont augmenté de 37%, ceux du gazole de 55% et ceux de la bouteille de gaz de 41%.
- Les Outre-mer pénalisés -
Ailleurs dans les Outre-mer, le constat est encore plus arlamant. A Mayotte, le prix de la bouteille de gaz atteint 28 euros ce mois-ci. En Guyane, le sans plomb a dépassé le cap symbolique des 2 euros et se vend à 2,06 euros le litre. Le gazole le suit de près, à 1,91 euro le litre. En Guadeloupe aussi, les carburants tournent autour de 1,90 euro.
Sur des territoires où les transports en commun sont loin d'être assez développés et où la géographie pousse parfois les habitants à préférer un véhicule privé qu'un bus, la voiture n'est pas seulement nécessaire, elle est quasi obligatoire. La contrainte est donc de taille pour les Français des Outre-mer, à la fois plus pauvres qu'en Métropole et obligés de monter dans leur véhicule... et donc faire le plein d'essence.
- L'après gilets jaunes est pire qu'avant -
La situation, si elle est liée à un contexte international particulier, est bien pire qu'avant la crise des gilets jaunes. Personne n'aurait alors pensé voir des prix à la pompe aussi élevés.
Pour répondre aux préoccupations des Français, le gouvernement "offre" pour le 3ème mois consécutif une remise de 15 centimes par litre. Une mesure qui est entrée en vigueur le 1er avril sur tout le territoire national, pour une durée de quatre mois. Si le geste peut paraître noble, le montant est dérisoire face à l'augmentation exponentielle des prix du carburant. Sans compter les nombreuses autres dépenses qui ne font qu'augmenter, le total des courses à la caisse le prouve à chaque habitant. Sans compter aussi que l'aide de l'Etat de 15 centimes n'est pas appelée à être pérenne et doit durer quatre mois. Juillet sera donc le dernier concerné.
Est-ce à dire que le gouvernement n'a pas suffisamment anticipé ce type de crise ? Gouverner c'est prévoir, dit-on pourtant. Mais l'imprévu semble avoir rattrapé nos dirigeants. Le coût de la vie atteint des records inégalés et le pouvoir d'achat, sacro-sainte thématique des élections, est plus que jamais malmené.
Ainsi l'Etat devrait se méfier. Car rien n'est résolu. A une époque pourtant, des politiques ont tenté de véritablement écouter la foule. Il faut ainsi garder en mémoire le courage d'Annick Girardin alors ministre des Outre-mer. Les deux pieds plantés au milieu de gilets jaunes péi en colère, elle avait tenu à se rendre sur le terrain, au coeur de la mobilisation. Mais un ministre, quel qu'il soit, ne peut pas changer les choses seul.
Aujourd'hui l'inflation menace tous les Français. En Métropole ou dans les Outre-mer, la misère reste la misère. Et d'euro en euro, si la situation n'est pas vite contrôlée, elle pourrait donner lieu à une nouvelle gronde sociale.
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