Impacts sur l'apiculture

Petit coléoptère des ruches : la chambre d'agriculture alerte le préfet et les ministres

  • Publié le 20 juillet 2022 à 14:57
  • Actualisé le 20 juillet 2022 à 15:24

Suite à la présence du petit coléoptère des ruches dans le sud de l'île, la chambre d'agriculture alerte le préfet, les ministres de l'Agriculture, de l'Intérieur et des Outre-mer sur la situation actuelle. La chambre d'agriculture rappelle ainsi l'urgence de la situation. "L'apiculture a été trop longtemps méconnue à La Réunion par les services qui dépendent de l'État ou qui lui sont associés." Nous publions ci-dessous le communiqué de la Chambre d'agriculture de La Réunion sur la situation de l'apiculture et le courrier adressé aux ministres et au préfet. (Photo d'illustration : rb/www.ipreunion.com)

• Voici la note de La Chambre d'agriculture sur la situation actuelle de l'apiculture à La Réunion :

L’apiculture a été trop longtemps méconnue à la Réunion par les services qui dépendent de l’État ou qui lui sont associés. Tout d’abord, permettez-nous de vous faire quelques rappels historiques. Déjà en 2005/2006 lors de la lutte nécessaire contre le Chikungunya, on a vu la mise en œuvre de procédés dont le caractère terriblement nuisible pour les abeilles, et donc l’apiculture, n’était même pas compensé par la nécessité ni même l’utilité d’utiliser des procédés aussi toxiques, plutôt que d’autres, vers lesquels on s’est finalement tournés ensuite. Depuis nous travaillons avec l’ARS de manière à ce que l’impact de la lutte soit le plus faible possible sur nos abeilles.

Ces graves erreurs ont entraîné une véritable catastrophe pour les apiculteurs qui ont alors reçu la promesse d’un " plus jamais çà ".Or, deux ans après, une nouvelle catastrophe s’abat sur eux lors de la lutte contre le Raisin Marron alors que cette plante constituait une partimportante des ressources mellifères de l’ile (près de 40% dans l’Est). De plus, cette miellée préparait également la miellée de Baies Roses. Les apiculteurs de la région Est sont aujourd’hui obligés de transhumer leurs ruches et de les nourrir, ce qui n’était pas nécessaire auparavant et le préjudice demeure conséquent. Et, comme partout où le raisin marron a disparu, d’autres plantes exotiques envahissantes prennent le relais.

Comme nous l'avions demandé, il aurait été préférable de remplacer le Raisin Marron par des essences mellifères endémiques ou indigènes. Il n'est jamais trop tard pour intervenir et renforcer les moyens de l’Etat pour réparer cette perte de ressource mellifère. Après ces deux grandes crises, nous avions une grande inquiétude : le varroa, présent en Europe depuis 40 ans, a fait son apparition à Madagascar en 2010, île très proche, à fort potentiel apicole où il a décimé les ruchers malgaches. En 2014, ce parasite s’approchait encore et s’attaquait aux ruchers mauriciens.

Compte-tenu du climat et donc de la présence toute l’année de couvain, il est très difficile de faire baisser la pression du varroa pour une apiculture durable. Vous comprenez bien alors notredésarroi face à cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes et de celles de nos abeilles. Il était alors urgent de protéger l’ile de l’importation de colonies d’abeilles afin d’éviter l’introduction du varroa et des contaminations comme loques, virus, ... L’état sanitaire de notre cheptel était envié de tous mais demeurait très fragile. Pour cela, nous avions émis l’hypothèse de classer l’île comme Conservatoire de l’Abeille Réunionnaise pour disposer de bases juridiques solides. Notre demande a été soumise en janvier 2013 au gouvernement.

Malheureusement cette hypothèse a été rejetée par le Ministre qui nous a demandé de faire une demande de classement de l’île en région indemne de varroas. Le 18 novembre 2014, ce dossier de classement a été transmis au Ministère par l’intermédiaire de la DAAF, puis remis en mains propres en 2015 au Ministre de l’Agriculture et au Président de la République par un représentant de l’UNAF. Le 29 janvier 2016, le Ministre de l’Agriculture nous demandait de faire valider le dossier par le Conseil Régional d’Orientation de la Politique Sanitaire Animale et Végétale, ce qui a été fait le 26 février 2016 et, pendant plus d’un an, nous avons attendu vainement.

Le 04 mai 2017, leVarroa Destructor était détecté pour la première fois sur l’île. Aucune mesure n’avait été mise en place pour nous protéger! Avec l’arrivée de ce parasite, l’abeille et l’apiculture réunionnaise sont beaucoup plus en danger. Le préjudice est important et durable pour les apiculteurs, l’environnement et la biodiversité, d'’autant que d’autres fléaux étaient à nos portes et nous menaçaient : le petit coléoptère des ruches (détecté à l’île Maurice en 2016), la loque américaine, tropilélaps, le frelon asiatique, etc... Il aurait été capital de savoir comment le parasite varroa était arrivé sur l’île pour pouvoir éviter une nouvelle catastrophe.

Depuis plusieurs années nous craignions l’arrivée du petit coléoptère des ruches (détecté à l’île Maurice en 2016), là encore aucune mesure n’a été mise en place pour nous protéger et le 05 juillet 2022 Aethina Tumida était détecté pour la première fois à Saint-Pierre, puis un 2ème foyer plus important a été identifié à Saint- Philippe.

Au cours d'une réunion d’information et d’échanges organisée le 15 juillet 2022 par la Mairie de Saint-Philippe, en présence de Monsieur le Maire, d’un représentant de la DAAF, du GDS, de la Chambre d’Agriculture, de la FDSEA, de la CGTR et de nombreux apiculteurs dont les victimes et nous-mêmes, représentants de la filière apicole : SAR, ADAR, Coopémiel, les éléments suivants ont été évoqués :

- Le nombre important de ruches infestées nous laisse à penser que la contamination est relativement ancienne et que les adultes que nous retrouvons pourraient être nés sur l’île, ce qui implique que nous devons avoir déjà le parasite dans le sol.
- La région de Saint-Philippe est une zone forestière abritant de nombreuses colonies sauvages, celles-ci ne pourront pas être toutes inspectées et éliminées, elles continueront à entretenir et à propager le parasite.
- Il existe encore malheureusement des ruches non déclarées, inconnues. Elles ne pourront pas être inspectées et seront également une source de recontamination.
- Le fait que nous n’ayons trouvé que quelques larves dans une seule ruche infestée indique que le foyer initial n’a pas encore été identifié et ne le sera peut-être jamais.
- La transhumance sur le letchi a commencé avant la découverte du premier individu et donc avant la mise en place des APDI, le parasite a pu être ainsi disséminé dans d’autres régions.
- Les ruches sont souvent déplacées, les achats d’essaims et de colonies ont pu permettre la dissémination du parasite (cela serait le cas pour le foyer de Bois d’Olives à Saint-Pierre).
- Le parasite se logeant dans le sol au cours de la nymphose pourrait également être disséminé lors de transport de terre, de pots de fleurs, ...
- Notre territoire insulaire est très petit, comme nous l’avons constaté pour le varroa, la propagation risque d’être très rapide et accélérée avec les conditions météo de l’hiver austral (forts vents qui balayent l’île d’Est en Ouest).
- La destruction massive des ruches (qui a été certainement nécessaire à un moment) dans une région aura un impact important sur la production agricole de la région.
- La destruction des colonies d’abeilles est effectuée dans des conditions inacceptables et même susceptibles de participer à la propagation du parasite !!!

Aussi, pour toutes ces raisons et sans être défaitistes, nous pensons que la situation n’est pas maîtrisée et n’est plus maîtrisable et qu’il faut passer à l’étape suivante en stoppant, dès aujourd’hui, les destructions massives des colonies d’abeilles.

• Voici courrier adressé aux ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer (Jean-François Carenco et Gérald Darmanin), de l'Agriculture (Marc Fesneau), et au préfet de La Réunion (Jacques Billant) :

Notre filière a déjà subi deux grandes crises, lutte contre le Chikungunya en 2006 et l'arrivée du varroa en 2017, qui ont déjà mis à mal nos producteurs.

Depuis le 05 juillet 2022, nous faisons face à l'introduction du " petit coléoptère de ruche " et la gestion de la lutte de ce parasite, bien que nécessaire, est en train à nouveau de déstabiliser complètement les apiculteurs mais aussi les autres producteurs qui bénéficient des services de la pollinisation par nos abeilles. Cette situation entraîne de multiples souffrances parmi le monde apicole et agricole de notre île.

Le parasite a été détecté à Saint-Pierre, puis un deuxième foyer plus important a été identifié à Saint-Philippe. Le plan d'intervention sanitaire a rapidement été mis en oeuvre avec la parution de deux Arrêtés Préfectoraux, avec pour conséquence principale, la destruction des ruchers infestés. En date du 13 juillet 2022, 122 ruches ont été détruites pour 6 ruchers. C'est une nouvelle catastrophe qui s'abat sur nos abeilles et sur nos apiculteurs.

Dans la note jointe, vous avez tous les arguments qui démontrent que la situation n'est pas maîtrisée et n'est plus maîtrisable et qu'il faut passer à l'étape suivante en stoppant, dès aujourd'hui, les destructions massives des colonies d'abeilles. A notre sens, ces destructions massives de colonies sont devenues inutiles.

Concernant les indemnisations, nous demandons également que ne soient pas oubliés les apiculteurs qui seront impactés du fait qu'ils ne pourront pas transhumer dans les vergers de letchis. Cela concerne également d'autres producteurs qui subissent les dommages collatéraux. En effet, avec l'interdiction de déplacer les ruches, les services de pollinisation ne sont plus honorés sur de nombreuses cultures sous abris et de plein champ.

Connaissant votre détermination et votre engagement, nous comptons beaucoup sur votre soutien pour à la fois répondre à notre demande précise et urgente et protéger et promouvoir l’abeille et le métier d’apiculteur.

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