Emmanuel Macron met l'affaire Benalla sur le dos des journalistes

La presse n'a jamais aussi mauvaise presse que quand elle fait son job

  • Publié le 27 juillet 2018 à 02:59
  • Actualisé le 27 juillet 2018 à 12:36

"L'affaire" Benalla, ce n'est pas une affaire d'Etat, a dit le Président, c'est " l'affaire d'un homme ". Sur les entorses aux bonnes manières du triste sire, on peut en convenir. Sur la gestion de la faute par la hiérarchie du coupable, c'est une autre histoire.

Mais pour le Président, si ça fait des vagues, c’est la faute à la presse. Qui " balance " alors qu’on  ne lui a rien demandé. Ce qu’elle fait parfois au conditionnel, parce que les informateurs -ben oui, on est comme les flics, on a des " cousins " nous, les journalistes-, ont un peu enjolivé, ou  n’en savaient pas autant qu’ils le pensaient.

Le droit de soulever un lièvre

La presse enquête, investigue et parfois, oui… ça arrive, l’information doit être mise au conditionnel. Ou entre guillemets pour citer des témoins dont les propos n’engagent qu’eux, mais que les journalistes ont suffisamment vérifiés pour leur trouver une aura de vérité.
Comme on dit, il n’y a pas de fumée sans feu, et là, l’Elysée a un peu mis le feu aux poudres.

Eh oui, Emmanuel Macron nous accuse de dévoiler des " fausses infos " : sur le montant du salaire de Monsieur Benalla par exemple. Qui n’aurait pas gagné 10 000 euros par mois, mais 7113 euros bruts, soit environ 6000 euros nets.  Dont acte.

Benalla qui aurait aussi bénéficié d’un duplex Quai d’Orsay de je ne sais combien de m2, mais ça n'aurait pas été la taille habituelle d’un F3 à Paris. A retardement, Benalla a fini par parler de 80m2. Un logement de fonction, pourquoi pas, il ne serait pas le premier en bénéficier. Mais la presse s’est interrogée sur le montant des travaux avant emménagement, prévu avant ou non que soient décidés les travaux, qu’importe. Légitime question, celle de tous ces travaux d'aménagement, embellissement et autres fariboles du même tonneau à chaque changement d'occupant dans les immeubles de la République, alors que l'on demande aux Français de se serrer la ceinture et qu’on leur supprime 5 euros d’APL. On peut en tout état de cause douter que les dépendances du Quai d’Orsay soient en état si pitoyable que l’Elysée ait risqué un procès aux prud’hommes pour logement insalubre.

Pourquoi tant de luxe dans les sous-cercles et cercles du pouvoir alors que des familles françaises de classe moyenne vivent un déclassement social indéniable ?

Le droit d'attendre la transparence

Que la presse en fasse écho a donc mauvaise presse auprès de Monsieur Macron et de son fan-club. C’est leur droit.
Mais la presse a le droit pour elle, celui de la liberté de la presse, le droit de poser les questions qui dérangent, au risque de s’emmêler un peu dans les chiffres après la virgule. Tout simplement parce que si le pouvoir en place avait joué la transparence à la scandinave, le dérapage  - si dérapage il y a eu - n’aurait pas été possible.

Quand on cherche dans le noir, on tâtonne, on se cogne contre les murs. Ca peut faire mal. La meilleure solution, c’est d’allumer la lumière. Autrement dit que le premier niveau de responsabilité, en haut de la pyramide,  réponde clairement, en toute transparence, aux questions de la presse. Ca évitera les impairs. S’il y en a eu. Car citer une source entre guillemets, mettre le conditionnel, est-ce vraiment un impair ? N’est-ce pas plutôt poser les bonnes questions ?

Quel joli monde, ce monde sans la presse

Ah oui, les bonnes questions, dans les cercles du pouvoir, on n’aime pas ça. D’ailleurs, ce gouvernement n’a-t-il pas mis en orbite la loi sur le secret des affaires qui condamnerait à la galère celui, quidam lambda ou journaliste, oserait révéler un scandale ?

Admettons, Monsieur le Président, que la presse soit coupable. Coupable d’avoir révélé la face cachée d’un de vos adversaires bien placé pour la présidentielle, François Fillon et son amour de l’argent. Coupable d’avoir émis des doutes sur le bien-fondé des salaires confortables de Mme Fillon. Coupable aussi d’avoir mis le doigt sur l’impudence financière d’un Cahuzac. Coupable encore d’avoir relayé le combat du Dr Irène Frachon contre les laboratoires Servier et le Médiator.  Coupable enfin de dénoncer le harcèlement sexuel ou moral. La liste de nos " fautes " est longue.

Un monde sans la presse et surtout sans la liberté de la presse, a-t-on idée de la société qu’il engendrerait ? Il suffit d’aller voir pas très loin de nos frontières ce qu’il s’y passe pour s’en faire une idée. C’est ce monde de voyous que les Français veulent, que vous voulez pour la France, Monsieur le Président ?  

La presse n’a jamais aussi mauvaise presse que quand elle fait son boulot. Et que le Président de la République me pardonne de le paraphraser : la presse exemplaire, ce n’est pas la presse infaillible.

ml/www.ipreunion.com

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5 Commentaires
Mouvance Centrale
Mouvance Centrale
5 ans

Triste constat de ce jour pourtant! quel DROIT humain permet de molester la Presse faisant son JOB ? AUCUN ...
NON à la VIOLENCE !
Venez nous rejoindre... Mouvance Centrale M-C-B
Bien évidemment la presse n'a jamais aussi mauvaise presse que quand elle fait son job, elle montre le vrai !
Mouvance Centrale, nous sommes adhérents fédérateurs des Gilets Jaunes PACIFISTES. Changeons nos démocraties ! PACIFIQUEMENT avec une Presse gardant ses Valeurs d'indépendance.
Venez nous rejoindre... Mouvance Centrale M-C-B

vincenzo
vincenzo
5 ans

Bravo ! Bien écrit, efficace, imparable... Quand on veut se débarrasser de son chien, on l'accuse de la rage. Je suis dépité, dépassé par ce qu'il se passe. On critique, on donne des leçons de démocratie aux autres, on touche le fond. Je ne sais pas comment cela va finir.

CHABAN
CHABAN
5 ans

La presse a tellement flatter macron qu'il n'a pas l'habitude.
C'est bien fait pour cette presse !

doec
doec
5 ans

Bonjour, bien ecris et bien résumé, mériterait d’etre partagé un maximum cet article

Alicia
Alicia
5 ans

A la fois bien argumenté et bien envoyé. Bravo !