Des locataires s'estiment lésés

Des bailleurs sociaux demandent une avance sur le montant des APL

  • Publié le 10 août 2018 à 03:00
  • Actualisé le 11 août 2018 à 17:08

Des locataires auraient signalé à la Confédération du Logement (CNL) avoir été contraints d'avancer le montant des allocations logement au deuxième mois d'entrée dans les lieux et n'avoir jamais été remboursés après que la CAF ait versé l'APL au bailleur social à terme échu, c'est à dire au début du troisième mois. La CNL, après avoir rencontré les bailleurs sur cette question en vain, veut relancer une négociation à l'amiable dès septembre pour permettre aux quelques locataires qui s'estiment lésés de récupérer cette avance de fonds. En cas d'échec, la CNL n'exclut pas de faire appel à la Justice.

Imaginons que Paul veuille louer un appartement à loyer modéré. Son dossier accepté, il entre dans les lieux en janvier après avoir acquitté le premier mois de loyer. En février, il ne devrait verser en principe que le différentiel loyer moins APL. Si le loyer est de 500 euros et les APL de 350 euros,  donc 150 euros de différentiel début février, la CAF se chargeant de verser les 350 euros d’APL début mars au bailleur social.

En principe, ça roule. Mieux, c’est ainsi que le Ministère du Logement voit les choses. Selon le JO Sénat du 7 mars 2013 qui relate la réponse du Ministère du Logement à une question écrite posée par la députée UMP de Moselle, Marie-Jo Zimmermann, le bailleur social est en droit de demander à recevoir directement les allocations logement. En revanche, sachant que les APL sont versées à terme échu, le Ministère explique que le bailleur n'est pas autorisé à réclamer la totalité du loyer (…), car " il ne paraît ni opportun, ni équitable " de devoir faire payer à ce locataire à revenus modestes une avance (…).  Pourtant, dans les faits, ça ne se passe pas toujours ainsi.

La CNL saisie par des locataires en colère

C’est exactement ce cas de figure que la CNL a relevé dans quatre dossiers qui lui ont été soumis. L’un d’eux, quittance de loyer à l’appui, établit que le bailleur social concerné a déclaré impayée la partie du loyer couverte par les APL. " Ce n’est pas anodin, souligne Erick Fontaine, administrateur de la CNL. La CAF exige des bailleurs sociaux le signalement de tout impayé, qui bloque le versement des APL suivantes. "
C’est ce qui est arrivé à l’un des locataires qui s’est adressé à la CNL après s’être résolu à payer la part CAF qu’on lui demandait pour débloquer les APL suspendues.  Selon le président de la CNL, le bailleur social, qui a pourtant perçu la part CAF du deuxième mois de loyer et le loyer total du locataire, ne lui a toujours pas remboursé le trop perçu.

Du côté des bailleurs sociaux, c'est l'étonnement. A la SIDR, le Directeur général nous a expliqué que point de ça chez lui : " On demande le premier mois, et ensuite on déduit du loyer du second mois en prévision de l’APL dont on a fait l’estimation. Si on s’est trompé dans un sens ou dans un autre, on fait une régulation le mois suivant. " Donc, selon notre interlocuteur, aucun locataire ne s’est vu présenter une quittance de loyer avec un impayé correspondant aux APL. " Mais si, par erreur c’est arrivé, nous sommes prêts à régulariser la situation ", nous affirme le représentant de la SIDR.

A la Semader, même discours de la part de Gérard Gorgette, Directeur du Pôle Habitat Social, qui estime qu'aucun litige de cette sorte ne peut avoir cours en raison des procédures mises en place : dossier étudié avant l’entrée dans les lieux, APL simulée au plus près et loyer différentiel demandé, avec régulation éventuelle le mois suivant…

En revanche, à la SHLMR, notre interlocutrice reconnaît que la totalité du deuxième mois est demandée. " Nous faisons payer un loyer plein parce que la CAF ne paie qu’à terme échu et donc nous ne pouvons pas deviner quel sera le montant de l’APL. Nous considérons donc que cette APL concerne le troisième mois et l’APL du second mois est remboursée à la fin du bail ". Une épargne longue durée, et sans intérêt donc ?

Notre interlocutrice espère que la situation évoluera en faveur des locataires prochainement. " Il existe un dispositif à la CAF, nommé IDEAL, qui va dans le sens d’un traitement et d’un paiement plus rapide des APL mais nous n’en voyons pas encore les retombées ", conclut notre interlocutrice à la SHLMR. Quant à la déclaration du Ministère du Logement en 2013, déclaration clairement opposée à ces pratiques d’avance de fonds pour des familles à revenus modestes, no comment. 

Vers une action en justice

La SHLMR n’est sans doute pas le seul bailleur social à exiger le paiement total du second mois de loyer à ses locataires. En effet, la CNL aurait connaissance au moins d'un autre dossier impliquant un autre bailleur social.  " Nous sommes face à des bailleurs qui déclarent un impayé de loyer qui n'existe pas et écrivent aux locataires pour demander la signature d'un plan d'apurement alors que les locataires n'ont pas de dette ", dénonce Erick Fontaine. Qui appelle les locataires concernés par ce problème à se rapprocher de ses services.

La CNL demande aussi expressément aux bailleurs sociaux concernés " d’annuler tous les plans d'apurement qui auraient été signés, d'informer l'ensemble des locataires qui ont payé en double le deuxième loyer et de rembourser les sommes perçues ". Sans quoi, si une nouvelle tentative de conciliation échoue dans les semaines à venir, la CNL portera l’affaire en justice. En attendant, la CNL appelle les locataires connaissant les mêmes tracas à la contacter.

ml/www.ipreunion.com

 

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