La Réunion plus atteinte que la Métropole

Les violences sexuelles en hausse constante

  • Publié le 14 août 2018 à 03:00
  • Actualisé le 14 août 2018 à 06:34

Alors que la Loi Schiappa , tout juste votée le 3 août, veut être un moyen de dissuasion, en juillet 2018, 43 enquêtes ont été ouvertes à La Réunion pour violences sexuelles. Début août, un Saint-Paulois multirécidiviste était mis en examen et incarcéré pour viols et séquestration sur sa compagne. Depuis quatre ans, les statistiques ne cessent de grimper. A Saint Paul, l'EPSMR a mis en place des groupes de paroles pour les victimes. Mais le levier pour inverser la tendance délictuelle semble grippé.

Les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur réunionnais font froid dans le dos. Plus d’une affaire de violences sexuelles par jour ! Parmi les 43 enquêtes ouvertes, 23 concernent des viols sur adultes et 20 des agressions sexuelles sur mineurs. " Et encore, ce ne sont que les chiffres qu’on connaît, pas forcément les vrais chiffres ", souligne Thérèse Baillif, l’ancienne présidente de Cevif, une association d’aide aux victimes de violences intrafamiliales. Mais qu’ils soient insuffisamment estimés ou proches de la réalité, ces  chiffres concernant les violences sexuelles n’ont jamais été aussi hauts.

44% de hausse en 5 ans

Selon les statistiques communiquées par le Ministère de l’Intérieur réunionnais ainsi que par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, la hausse serait de 44% entre 2013 et 2017 à La Réunion. Le milieu familial est souvent en cause : " L’indice de violence conjugale est de 15% à La Réunion contre 9% en Métropole, précise Mme Baillif. Or la violence, c’est le pas d’entrée vers les violences sexuelles. "
De fait, le nombre de femmes victimes de violences conjugales à niveau grave et très grave est quatre fois plus élevé à La Réunion qu’en métropole. " Ce sont des violences extrêmement opaques, pas assez prises en compte par les pouvoirs publics ", estime Mme Baillif. Qui liste les facteurs aggravants : la pauvreté, l’alcool et les violences subies dans l’enfance par l’agresseur qui de victime devient bourreau. " Mais il ne faut s’y tromper, la violence impacte toute la société et touche tous les milieux sociaux ", estime-t-elle.

De son long parcours associatif, Thérèse Baillif tire une certitude : " On n’a pas assez exploré, pas assez fait de recherche fondamentale sur ces sujets, à croiser avec les acteurs du terrain. Les personnes qui prennent les décisions sont rarement celles qui ont l’expertise ". Selon Mme Baillif, et ce ne sont pas les dernières statistiques qui la contrediront, la situation s’aggrave. " On fait des grandes lois, on attend que les choses arrivent au point de non-retour. On est dans la judiciarisation, plus dans la prévention ". Et d’évoquer le cas d’une jeune femme qui a voulu créer une association contre les violences sexuelles, dans l’Ouest : " On ne l’a pas soutenue financièrement, elle a dû fermer son association ".

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Cependant, La Réunion compte tout de même plusieurs associations de soutien aux femmes victimes de violences, le suivi des enfants victimes étant assuré par les services sociaux et judiciaires. L’Etablissement Public de Santé Mentale de la Réunion a aussi ouvert des groupes de paroles pour les victimes de violences sexuelles dans l’enfance ou l’adolescence.  Ouverts aux victimes de plus de 15 ans, ces groupes de parole permettent aux victimes de rencontrer des professionnels de l’unité psychotrauma. " C’est une belle initiative, reconnaît une assistante sociale qui travaille en zone prioritaire. Il faut libérer la parole, et ce n’est pas facile. On ne sortira pas du jour au lendemain de ce problème. C’est un problème d’éducation. Trop d’enfants et d’adolescents sont encore élevés aujourd’hui à La Réunion dans une vision machiste des rôles, quel que soit le contexte culturel et cultuel. Et ils ont en plus accès facilement à la pornographie, ce qui n’arrange rien. Il faut que l’école prenne le relais pour mettre les interdits, éduquer à la sexualité ".

Une loi jugée inefficace

Mais des parents s’indignent sur les réseaux sociaux de cette prise de pouvoir sur leur légitimité éducative. Ainsi, un forum de jeunes parents, à La Réunion, partage des posts alarmistes, estimant les enfants en danger par cette éducation sexuelle dès le primaire, voire la maternelle. Certains y voient même une voie d’approche pour une pédophilie encouragée tant par l’écriture de l’article 2 de la Loi Schiappa qui évoquait " une atteinte sexuelle avec pénétration ", donc un délit et non un crime, que par le retrait de l’article 2 polémique, ne subsiste plus dans la loi aucune barrière d’âge au-delà de 5 ans. " C’est vrai qu’on attendait davantage de barrière juridique sur l’âge et le consentement, admet un éducateur de rue. Pour convaincre ceux qui minimisent la gravité de ces actes, il faut des arguments forts, je ne les ai pas trouvés dans la Loi Schiappa, c’est surtout du boniment pour juristes, mais ça n’est pas un outil dissuasif pour protéger les mineures dans les quartiers où un sourire ou des épaules dénudées sont considérés comme un consentement de fait. "
D’un côté comme d’un autre, la Loi Schiappa peine à convaincre de son effet préventif en matière de violences sexuelles. " Le harcèlement de rue puni par amende, c’est bien beau dans les textes, mais dans la réalité, encore faut-il qu’il y ait un policier derrière le harceleur ", estime une passante, interrogée lors de notre micro-trottoir.

ml/www.ipreuion.com

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1 Commentaires
Jose
Jose
5 ans

Nous lé pas plis, nous lé pas mwin, nous lé pire !