Les réactions à La Réunion

Députés et policiers sont plutôt pour la "loi sécurité globale"

  • Publié le 20 novembre 2020 à 02:59
  • Actualisé le 20 novembre 2020 à 06:48

La loi dite de " Sécurité Globale " actuellement discutée à l'Assemblée nationale fait réagir jusqu'à La Réunion. Les sept députés de l'île sont amenés à se prononcer et les forces de l'ordre sont directement concernées par cette proposition qui devrait être votée le 24 novembre 2020. La branche réunionnaise de la ligue des droits de l'Homme est vent debout contre ce texte. (photo d'illustration rb / www.ipreunion.com)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la proposition de loi dite de "Sécurité Globale" fait réagir. Proposée et soutenue par les députés de la majorité cette loi viserait "à améliorer la sécurité des Français" selon Alice Thourot, députée LREM, qui en est à l’origine. L’article 24 qui tend à interdire la diffusion sur les réseaux sociaux du visage des forces de l’ordre en intervention est largement décrié par plusieurs associations de défense des droits et par des membres de l’opposition. Cette loi porterait, selon eux, globalement atteinte aux libertés fondamentales. Les députés réunionnais doivent statuer sur le sujet et les avis sont partagés.

Lire aussi : Projet de loi sécurité globale : "les libertés fondamentales sont globalement menacées"

• "Restriction des libertés individuelles"

Les élus Phillipe Naillet (PS) et Jean-Hugues Ratenon (LFI) sont opposés à cette proposition de loi. "Je suis résolument contre ce texte qui est une atteinte aux libertés des personnes et de la presse" déclare Jean-Hugues Ratenon. Il ajoute : "on est en route vers un état autoritaire".

Pour Phillippe Naillet, "c’est une étape supplémentaire dans la restriction des libertés individuelles opérée depuis plusieurs décennies maintenant mais qui s'est fondamentalement accélérée ces dernières années". "Cette loi, comme de très nombreuses autres récemment (état d’urgence sanitaire ou encore les néonicotinoïdes), sera certainement censurée en partie par le Conseil constitutionnel que nous saisirons avec l’ensemble des groupes de gauche" avance le député.

• "Tout mettre en oeuvre pour protéger les agents"

Ceux qui défendent cet article y voient un moyen de protéger les forces de l’ordre des représailles dont ils seraient victimes à la suite des diffusions de leur visage sur les réseaux sociaux.

C’est d’ailleurs l’une des raisons qui poussera David Lorion, député LR de La Réunion, à voter en faveur de cette loi : "les images peuvent-être publiées en ligne et les agents reconnus, il y a alors un risque pour eux ou leur famille, d’être la cible de représailles". Le député LR Jean-Luc Poudroux s’aligne et clame : "nous ne devons pas attiser la haine contre celles et ceux qui sont aux avant-postes de notre République. Au contraire, nous devons tout mettre en œuvre pour les protéger et faciliter l’exercice de leurs difficiles missions".

• "On va dans le bon sens"

Selon Michel Hoarau, membre du syndicat Unsa Police, les inquiétudes des journalistes ne sont pas fondées : "s’ils sont témoins d’une scène où des agents outrepasseraient leurs droits, les médias pourront filmer et les autorités pourront être saisies". ll voit "d’un bon œil l’article 24" : pour lui aussi, "il faut protéger les collègues".

Gilles Clain, représentant du SG Police Force Ouvrière à La Réunion est du même avis : "il y a des individus qui n’hésitent pas à jeter en pâture la police sur les réseaux sociaux". "Les forces de l’ordre sont là pour protéger leurs concitoyens, il est grand temps que le gouvernement nous protège" ajoute l’agent de police. Idriss Rangassamy d’Alliance Police approuve : "il faut protéger l’humain qu’il y a derrière l’uniforme, les policiers sont régulièrement traités de tous les noms sur les réseaux, des appels au viol sont lancés contre nos collègues femmes". "Des fonctionnaires de métropole ont été mutés sur l’île car ils ont reçu des menaces de mort : l’un deux à même reçu une balle dans sa boite aux lettres, ça va très loin" raconte le policier. Gilles Clain rappelle également les appels à la purge lancés tous les 31 octobre à l’occasion d’Halloween depuis quelques années à La Réunion.

Même son de cloche du côté du député David Lorion. "Chacun pourra filmer et apporter ses images dans un commissariat ou directement saisir un juge s’il y avait besoin et ses prises de vues pourront être diffusées en floutant le visage des forces de l’ordre" dit-il. Jean-Luc Poudroux le rejoint : "Je ne tolèrerai aucune entrave à la liberté de la presse, au droit d’information et au pouvoir citoyen du lanceur d’alerte. L’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de la police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement d’un Etat de droit, mais la vie privée des policiers doit être respectée". Il ajoute : "si un citoyen assiste ou est confronté à un problème qui relève du pénal, il a le droit de filmer et de transmettre au procureur les faits qu’il veut dénoncer à juste titre".

A ce propos, les syndicats de police n’ont pas de réponse si ce n’est de ne "simplement pas filmer les visages des agents en action". Michel Hoarau quant à lui questionne les méthodes des journalistes : "est-ce qu’on est obligé de filmer les collègues à 50 centimètres de leur visage ?" et invite les médias à "inventer des logiciels de floutage en live".

• "Atteinte à la liberté de la presse"

Jacques Pénitot de la ligue des droits de l’Homme de La Réunion n'est pas du tout sur la même longueur d'onde et se dit très inquiet : "c’est une réelle atteinte à la liberté de la presse : nous sommes persuadés que lors des futures interventions, les policiers demanderont aux journalistes d’arrêter filmer". Pour lui, "il existe déjà une rupture entre la police et les citoyens qui ne va pas s’améliorer avec une telle mesure".

Jean-Hugues Ratenon le rejoint sur ce point. Pour le député France Insoumise, "on cherche à instrumentaliser les forces de l’ordre contre le peuple" et "rien dans ce texte n’est fait pour améliorer les relations entre les autorités et la population". Jacques Pénitot ajoute, lasse : "le gouvernement est influencé par les syndicats de police et devient leur porte-parole".

Pour Phillipe Naillet, "cet article participe au sentiment de méfiance à l’égard des institutions publiques que les policiers représentent en partie" et pose "le problème de la réciprocité des équilibres" : "ainsi, alors que le RIO est obligatoire, pourquoi n’est-il pas prévu de sanction pour le non port ?"

Si Gilles Clain assure "qu’aucun policier ne se permettrait de baisser le téléphone d’un journaliste", plusieurs témoignages abondent dans le sens contraire. On ne compte plus les fois où les journalistes ont été empêchés de faire leur travail, ce qui fut le cas ce mardi 17 novembre lors de la manifestation organisée contre la proposition de loi.

Ce genre de sorties ne fait que renforcer la méfiance envers les institutions. Parmi les détracteurs de la proposition de loi, plusieurs dont Jacques Pénitot reprochent au gouvernement "une procédure accélérée de l’examen de cette loi". Il accuse aussi l’exécutif de "profiter de l’état d’urgence sanitaire pour faire passer des lois sur la sécurité intérieure".

Lire aussi : "Sécurité globale": le gouvernement va amender sa copie

Selon lui, "les statistiques de la délinquance n’augmentent pas, par contre la tranquillité publique est en danger". Il ajoute : "cette question du rapport entre la nation, la police et les citoyens est importante car elle questionne le vivre ensemble : ce n’est pas avec une nouvelle loi sécuritaire qu’on va améliorer la société ".

Sollicitées par Imaz Press, les députées Nathalie Bassire, Karine Lebon et Nadia Ramassamy n’ont pas donné suite à nos demandes d’interview.

vc / redac@ipreunion.com / www.ipreunion.com

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1 Commentaires
Jojo
Jojo
3 ans

Est ce qu'on a besoin de demander à un singe s'il aime les bananes?C'est évident qu'ils sont d'accord avec ce qui va dans leur sens.Par contre les associations de défense des droits sont contre, comme la plupart des observateurs avertis (defenseur des droits, onu).Le fait que les syndicats de police soient systématiquement d'accord avec ce qui les avantage même au détriment de l'intérêt général, n'est ce pas plutot là qu'il est le séparatisme dans notre société?Une soi-disant démocratie (où les élus -pantins de l'exécutif- vont bientot rallonger leur mandat sous prétexte du covid) qui ressemble de plus en plus à un état policier...