[PHOTOS-VIDÉOS] L'épidémie plus violente cette année

Le Centre hospitalier ouest face à la dengue : "on a dû pousser les murs"

  • Publié le 4 juin 2021 à 03:00
  • Actualisé le 4 juin 2021 à 07:05

Le virus de la dengue frappe La Réunion de plein fouet cette année. A ce stade, plus de 15.600 cas ont été recensés depuis le début de l'année 2021, soit bien plus que les deux années précédentes à la même période, alors que l'épidémie sévit depuis plus de trois ans maintenant. Avec plus de 70% des cas concentrés dans l'ouest de l'île, le Centre hospitalier ouest Réunion (CHOR) est chargé. Aux urgences, le nombre de lits ne suffit plus et une nouvelle salle a été affrétée pour accueillir les malades. En ce mois de juin, les soignants entrevoient enfin un début de plateau. (Photos rb/www.ipreunion.com)

A l'extérieur du CHOR, des malades attendent leur tour. Le service des urgences tourne à plein régime depuis environ deux mois. Un afflux massif lié directement à la dengue… mais aussi le Covid-19. Deux épidémies qui rongent actuellement La Réunion avec des taux records.

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- Jusqu'à 96 patients aux urgences -

En ce mois de juin, les files d'attente devant l'entrée des urgences commencent à fondre, mais l'attente est toujours longue pour ces malades qui doivent d'abord passer par l'infirmier.ère d'orientation, avant d'être redirigés vers les services de médecine, de réanimation ou de soins intensifs.

Mais les places manquent en médecine, poussant le CHOR à ouvrir une salle normalement dédiée au "plan blanc" (plan spécifique d'urgence sanitaire, qui n'est pas mis en place actuellement à La Réunion). Salle d'habitude vide, qui s'est rapidement remplie durant ces deux derniers mois.

"Lors de certains pics d'affluence, on avait autant de monde dehors que dedans. On a normalement une capacité de 30 à 35 personnes allongées en service urgences, et on a atteint des chiffres quotidiens de 60 à 65 malades chaque jour. On est même monté à 96 patients présents en même temps : il y en avait partout partout, dans les couloirs" se souvient la docteure Katia Mougin-Damour, médecin urgentiste, cheffe de service des urgences. "Oui on a dû pousser les murs… mais on a pas le choix."

Alors que le service enregistrait en moyenne 5 à 10 patients malades de la dengue en mars, la moyenne est passée à 15-20 patients en avril, puis plus de 30 chaque jour en mai. Jusqu'à enregistrer des pointes à 39 malades autour des 23-24 mai.

- "L'impression d'être comme un légume" -

Dans la petite unité "plan blanc", des lits sont installés les uns à côté des autres, séparés par des rideaux de couleurs. Certains sont là parce qu'ils ont des douleurs aussi multiples que variées, une vieille dame parce qu'elle a chuté et s'est cassé le bras, une jeune femme parce qu'elle a fait un malaise pendant sa grossesse. Et à côté d'eux, des patients atteints de la dengue.

Certains ont déjà été diagnostiqués et se sont présentés aux urgences car ils souffrent de complications. D'autres ont simplement des symptômes et attendent le résultat des analyses effectués par les aides-soignant.es. "Alors madame, je vous annonce que ce n'est pas la dengue" indique justement une infirmière à une malade fortement fatiguée et souffrant de vertiges.

Ce n'est pas le cas d'Antoine, 80 ans, qui lui a eu la confirmation du virus. "Je me suis senti très mal, très fatigué. J'avais l'impression d'être comme un légume. Là j'ai mal aux articulations. Mais je sais que ça partira pas tout de suite" nous dit-il avec difficulté, soufflant quasiment entre chaque mot. Cindy, aide-soignante, arrive justement pour lui administrer un Paracétamol censé apaiser les douleurs. Mais seul le repos sera vraiment salvateur.

- Hausse des formes graves -

Comme lui d'autres patients affluent vers le CHOR parce qu'ils présentent des symptômes inquiétants. "On observe plus de formes graves cette année, car on a plus de cas. Mais il ne faut pas mélanger signes d'alerte et formes graves" prévient le docteur Christophe Vanhecke, médecin au CHOR. "Les signes d'alerte arrivent vers le quatrième ou cinquième jour avec parfois une fatigue extrême, des vomissements, des intolérances alimentaires... Ça nécessite une hospitalisation parce que ça peut entraîner des complications par la suite." Et donc des formes graves.

Cette année, l'agence régionale de santé (ARS) annonçait justement des premiers cas de "choc de dengue", forme particulièrement sévère du virus, jamais observée jusqu'ici à La Réunion. Une complication pouvant être mortelle, qui provoque de l'hypotension, des malaises, parfois des crises de tachycardie. Dans ce cas, le corps ne fonctionne plus. "Est-ce que c'est vraiment la première fois qu'on en observe ici, je ne pense pas, mais on en voit davantage cette année" note le docteur Christophe Vanhecke.

"On a 5% de formes sévères en plus que les années précédentes. On a hospitalisé beaucoup de patients avec des bilans biologiques très perturbés, des complications hémorragiques, cardiaques, ophtalmiques… on n'en avait pas vues autant les années précédentes" observe quant à elle la docteure Katia Mougin-Damour. Selon l'ARS, 21% des patients hospitalisés pour dengue présentent une forme sévère.

Désormais les soignants entrevoient un début de plateau. "Les chiffres le disent aussi. Nous depuis le début de l'activité on enregistre moins de passages, en tout cas on espère" souffle la docteure Katia Mougin-Damour. Les autorités sanitaires annonçaient en effet ce mardi 1.949 cas de dengue confirmés du 17 au 23 mai, contre 2.074 cas la semaine précédente.

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A ce stade 12 décès ont été enregistrés depuis le 1er janvier 2021, directement liés à la dengue. Un bilan qui a déjà dépassé celui de toute l'année 2020, avec 11 décès directement liés à la dengue.

mm/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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