L'isolement obligatoire en Métropole entre bien dans un cadre légal

L'Hexagone se protège des variants, La Réunion tergiverse

  • Publié le 20 avril 2021 à 10:19
  • Actualisé le 20 avril 2021 à 14:24

Le gouvernement a annoncé la mise en place d'une quarantaine obligatoire pour les voyageurs en provenance de quatre pays : Brésil, Chili, Argentine et Afrique du Sud, et d'une région ultramarine, la Guyane. Les passagers devront s'isoler pendant 10 jours, à domicile ou à l'hôtel, pour éviter une propagation des variants en Métropole, sous peine d'une amende de 1.500 euros. Une décision qui nécessitera une modification des textes actuels et la publication d'un décret, mais qui s'appuie bien sur un cadre légal. Pourtant la mise en place d'une quarantaine obligatoire est fermement rejetée par la préfecture de La Réunion depuis des mois, qui invoque les libertés individuelles. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Une quarantaine obligatoire lorsque l'on voyage d'un territoire français à un autre, avec contrôle strict et amende salée en cas de non-respect : voilà ce que vient d'annoncer le gouvernement. Pourtant il semblait, comme indiqué par la préfecture de La Réunion jusqu'ici, qu'une telle obligation était impossible à mettre en place, pour protéger les libertés individuelles, et ce malgré l'état d'urgence sanitaire.

Interrogé à ce sujet, maître Normane Omarjee, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Saint-Pierre, nous confirme pourtant que le cadre de la décision du gouvernement est légal. Cela dit, un isolement obligatoire pour des Français en France, nécessite une mise à jour des textes de loi.

- Modification nécessaire des textes -

Dans l'état actuel des choses, une quarantaine obligatoire n'est pas légale, car le décret correspondant n'est pas encore publié au Journal officiel. Celui-ci est attendu dans la semaine, pour une entrée en vigueur samedi 24 avril.

Dans le détail, les voyageurs devront faire un test PCR 36 heures (et non 72 heures) avant de voler. Ils devront respecter, une fois atterris à Paris, un isolement de 10 jours. Les amendes seront renforcées. Interrogé sur Europe 1, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a annoncé que le non-respect de cette quarantaine serait passible d'une amende de 1.500 euros, 3.000 euros en cas de récidive.

La simple attestation sur l'honneur pour s'isoler passe donc à un isolement avec contrôle strict mené par les forces de l'ordre. Selon maître Normane Omarjee, "le cadre légal actuel permet, depuis la loi du 11 mai 2020, que des mesures de quarantaine obligatoire soient ordonnées par décret pris par le premier ministre" nous indique-t-il. L'avocat nuance cependant : "il s'agit à ce stade d'annonces" tant que le décret officiel n'a pas été publié.

Concernant plus particulièrement la Guyane, les textes de loi actuels évoquant les zones de circulation active du virus ne mentionnent pas les Outre-mer. Une modification de l’arrêté du 10 juillet 2020 fixant la liste des zones de circulation entraînant un isolement est donc nécessaire, rappelle maître Normane Omarjee.

En résumé, le cadre de la quarantaine est légal grâce à l'état d'urgence sanitaire toujours en vigueur, mais il n'est pas applicable dans l'instant. "Le dispositif légal existe, et a été déclaré conforme. Il faudrait cependant d'une part modifier l'arrêté fixant les zones de circulation de l'infection pour y inclure la Guyane, d'autre part prendre un décret" indique l'avocat.

- Isolement en hôtel ou à domicile -

Concernant la Guyane, le Conseil scientifique a suggéré un isolement dans un hôtel pour les voyages familiaux. Une solution qui rappelle les circonstances de la quatorzaine mise en place durant le premier confinement de 2020, à La Réunion.

A cette époque, la quartozaine obligatoire (14 jours de quarantaine, ndlr) dans un hôtel ou un centre dédié avait été retoquée le 11 mai 2020 par le Conseil constitutionnel, puisque touchant aux libertés fondamentales de l’individu.

Le problème selon le Conseil était d'imposer un isolement dans un lieu dédié, ne laissant pas la possibilité aux voyageurs de le faire à domicile. Ces dispositions sont maintenant bien spécifiées dans la loi, à l’article L.3131-15 du Code de la santé publique : "les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement peuvent se dérouler, au choix des personnes qui en font l'objet, à leur domicile ou dans les lieux d'hébergement adapté". La durée maximale de l'isolement est de 14 jours.

Dans la mise à jour permise depuis l'intervention du Conseil constitutionnel, l'article L3131-17 "organise notamment la possibilité d’un recours devant le Juge des libertés et de la détention" rappelle maître Normane Omarjee.

L'arrêté du 10 juillet 2020 sur les zones de circulation du virus comme le décret attendu sur la quatorzaine "pourraient faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative, en invoquant notamment la rupture d'égalité devant la loi entre les citoyens français", note le bâtonnier de Saint-Pierre, bien que le cadre légal existe. Cela ne veut pas dire pour autant que le Conseil constitutionnel va censurer cette décision de quarantaine pour la Guyane, étant donné "le caractère exceptionnel de la réglementation". Ainsi l'état d'urgence sanitaire pourrait justifier une telle décision.

- Pas de contrôle à La Réunion -

Comme indiqué par Imaz Press ce dimanche, ces restrictions annoncées par le gouvernement, qui plus est pour un territoire français, soulèvent de nombreuses questions autour de la stratégie sanitaire à La Réunion.

Lire aussi : A La Réunion il n'y a aucun contrôle des septaines "obligatoires"

Depuis des mois, le message des autorités de l'île est clair : un isolement obligatoire n'est pas faisable d'un point de vue légal, tout comme la prescription d'un test à J+7 après le vol. C'est pourquoi le 15 janvier dernier, le préfet Jacques Billant a insisté sur la mise en place d'une septaine obligatoire mais "une obligation morale et physique". Seule l'attestation sur l'honneur est demandée et aucun contrôle n'est effectué pour cet isolement, qui reste donc une recommandation.

Face à ce qui se prévoit pour la Guyane, le refus de mettre en place une septaine, au moment où les contaminations reprenaient de plus belle – notamment suite aux retours de vacances en janvier – laisse perplexe. Interrogée, la préfecture de La Réunion n'a pas donné suite à nos questions.

Pour rappel, cette septaine recommandée et non obligatoire avait entraîné des manifestations devant l'aéroport de Gillot en février dernier. Des dizaines de protestataires s'étaient rassemblés pour réclamer une fermeture de l'aéroport pendant 15 jours au moins, un vrai contrôle des motifs impérieux et celui des septaines. Si les motifs impérieux bénéficient maintenant d'une vérification stricte des justificatifs six jours avant le vol, les septaines, elles, ne sont toujours pas obligatoires et ne bénéficient d'aucun contrôle contrairement à ce qui se profile dans l'Hexagone.

mm/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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6 Commentaires
azart
azart
2 ans

bonjour y'a t'il toujours des centres d'hebergements pris en charge par l'etat en arrivant a l'aeroport pour faire sa septaine si ce n'est pas possible a notre domicile

Citoyen
Citoyen
2 ans

Merci à votre journaliste pour cet article et la très bonne question posée au Préfet qui d'ailleurs a évité de répondre. Beaucoup d'amateurisme et manque de fermeté sur ce sujet majeur de contrôle de la septaine. Chers journalistes, continuez à insister, creuser et obtenir des réponses précises et claires sur cette hésitation.

Mayaqui , depuis son mobile
Mayaqui , depuis son mobile
2 ans

Le mutant brésilien est hyper dangereux ; déjà plusieurs souches différentes sont apparues. Il fit de la prudence.

La vérité
La vérité
2 ans

Je ne sais pas pour vous, mais je ressens depuis maintenant plusieurs mois que ma liberté individuelle a été fortement atteinte !

eleferosi
eleferosi
2 ans

Isolement obligatoire interdit parce qu'atteinte aux libertés individuelles " Et le couvre-feu c'est quoi " Il pleut du virus dès 18 h et il faut s'en protéger "

Jeanbon
Jeanbon
2 ans

"Une décision qui nécessitera une modification des textes actuels et la publication d'un décret,"Dès la publication de ce décret, vous verrez que le Préfet changera de discours !