Le CHU parle d'une "fausse sécurité"

Cafouillage autour du dépistage en fin de quatorzaine

  • Publié le 12 avril 2020 à 02:59
  • Actualisé le 12 avril 2020 à 09:38

Complications, incertitudes et cafouillages ce samedi 11 avril autour de la sortie de quatorzaine des voyageurs arrivés le 31 mars à La Réunion... Ces passagers, accueillis à l'hôtel pour un confinement strict comme c'est désormais la règle, vont pouvoir sortir ce mardi 14 avril. Et depuis ce vendredi, les règles se précisent : la ministre des Outre-mer en personne a déclaré que ces voyageurs seraient dépistés en fin de quatorzaine. Pourtant plusieurs voyageurs confinés ont reçu une note de la préfecture leur indiquant qu'ils seront contactés ultérieurement pour se faire dépister, une fois rentrés chez eux, donc. Une note qui n'aurait jamais du être envoyée, indique la préfecture, qui parle d'une "erreur". Mais l'option de dépister les voyageurs plusieurs jours après leur sortie d'hôtel, elle, est bien réelle. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

"Tous les arrivants sur les territoires ultramarins placés en quatorzaine contrôlée seront, à la fin de cette quatorzaine, testés. C'est une doctrine qui se modifie. Nous testons désormais toute personne qui sort de quatorzaine."

Voilà ce qu'Annick Girardin, ministre des Outre-mer, a déclaré ce vendredi 10 avril afin de rendre compte de l'avis du conseil scientifique covid-19 pour les territoires d'Outre-mer.

Si l'annonce paraît pourtant claire, sa mise en place l'est beaucoup moins. La faute au conseil scientifique ? Le rapport liste en effet plusieurs recommandations dont celle-ci : "Continuer, dans un contexte de faible arrivage, à pratiquer la quatorzaine à l’arrivée des voyageurs, idéalement en structure dédiée, assortie d’un test de dépistage RT-PCR immédiat à tous les voyageurs symptomatiques et systématiquement à tous les voyageurs en fin de quatorzaine."

A nouveau il est question de "fin de quatorzaine". Tout pense donc à croire que la quatorzaine se termine quand le voyageur quitte l'hôtel...

- Une note distribuée "par erreur" -

Selon un site d'information en ligne, ce n'est pas l'avis qu'ont reçu plusieurs voyageurs, dans l'un des trois centres dédiés au confinement strict mis en place pour les nouveaux arrivants sur le sol réunionnais depuis le 31 mars.

En effet, via une note de la préfecture, imprimée puis envoyée par courrier, il leur est dit qu'ils peuvent quitter leur hôtel de confinement comme prévu au bout de deux semaines soit le mardi 14 avril, à partir de 9h30. En-dehors des commodités liées au départ, une phrase détaille la mesure de "dépistage" annoncée par Annick Girardin la veille. "Une ordonnance médicale vous sera délivrée vous permettant d'aller réaliser dans les jours suivants votre sortie un test de dépistage au covid-19."

Il y a de quoi être surpris. Ainsi donc, une fois rentré au sein de sa famille, après avoir repris un confinement classique, après cela seulement il serait possible de se faire tester ?

La préfecture mentionne une erreur de communication. "Cette note est un document de travail qui n'avait pas encore été validé par la préfecture et l'Agence régionale de santé, les modalités du dépistage des personnes sortant de quatorzaine sont encore à l'étude et feront l'objet tout prochainement d'un communiqué de presse commun de la préfecture et de l'ARS. La note a été distribuée par erreur et sur un seul des 3 sites concernés."

Contactée par nos soins, la préfecture dit en effet ne pas comprendre comment cette erreur a pu avoir lieu. Cette note, en tout cas, n'aurait pas du être distribuée aux voyageurs. Quel cheminement a-t-elle pu parcourir, de sa conception à sa réception en passant par son impression ? A aucun moment l'erreur n'aura été détectée à temps. Dommage (et mystère).

- Le dépistage plusieurs jours après effectivement envisagé -

Ce qui n'est pas une erreur en l'occurrence, c'est l'option du dépistage plusieurs jours après. Si aucune procédure n'a été arrêtée pour le moment, cette façon de faire est bien sur la table. "La délivrance d'une ordonnance n'est qu'une des options qui sont actuellement expertisées par les autorités" précise la préfecture dans son communiqué.

Certes, il existe plusieurs options. Mais celle-là existe, celle-là a été envisagée et c'est bien ce qui est choquant. En effet, quel intérêt de confiner une personne pendant 14 jours, de la couper du monde extérieur pour éviter tout contact et de la dépister après son retour chez elle ?

Entre le départ de l'hôtel et le dépistage, que peut-il se passer ? Cette personne va retrouver sa famille, va peut-être aller faire des courses, peut-être même aller travailler si le télé-travail n'est pas possible pour elle. Ou encore aller promener son chien si elle en a un. Ou tout simplement faire un jogging, puisque cela est autorisé via l'attestation de sortie. Autant de situations à risque si cette personne est encore contaminée.

Certes le risque de porter encore le virus après 14 jours de confinement est faible. Mais si la décision est prise de tester chaque personne arrivée en fin de quatorzaine, difficile de comprendre comment peut-on laisser cette personne repartir... et ne la tester que quelques jours plus tard.

Mettons-nous dans la situation où le voyageur confiné serait testé positif ? Que se passera-t-il ? Il faudra alors retrouver toutes les personnes avec qui il aura été en contact entre sa sortie de l'hôtel de confinement et les résultats du test... D'ici là, il aura eu le temps de contaminer de nombreuses personnes, sa famille en première ligne. Et il sera trop tard.

Cette modalité semble au-delà de l'absurde. Si rien n'est encore décidé, elle fait pourtant partie des options sur la table, encore une fois, c'est ce que confirme la préfecture.

Préfecture qui ne semblait aucunement prévenue de ces nouvelles annonces, tant la précipitation aujourd'hui est évidente. Il faut se mettre d'accord avec l'ARS sur les modalités de sortie, encore floues, et si possible d'ici mardi...

Pourtant "les préfets ont été mis au courant dès que les mesures ont été validées" nous informe le ministère des Outre-mer.

- "Une fausse sécurité" -

Le 3 avril dernier, Imaz Press Réunion avait déjà posé la question à la directrice de l'ARS Martine Ladoucette au cours d'une conférence de presse : est-il envisagé de tester systématiquement les voyageurs en fin de quatorzaine stricte comme cela se fait à Saint-Pierre-et-Miquelon (lieu de naissance de la ministre des Outre-mer, soi-disant passant).

A cette question la directrice nous avait répondu ne pas savoir "si c'est fait à Saint-Pierre-et-Miquelon", tout en précisant que cela n'avait pour l'instant pas été retenu dans les critères "des représentants médicaux et de l'ARS en matière de dépistage". Martine Ladoucette avait cependant indiqué "reprendre la question avec les représentants médicaux pour savoir effectivement si il y a opportunité et faisabilité au vu de la disponibilité des tests et des réactifs".

La réponse de Professeure Frédérique Sauvat, présidente de la commission médicale d’établissement du CHU de La Réunion, est, elle, beaucoup plus étonnante : "c'est une question qu'on s'est posée, mais la probabilité que vous soyez malade au bout de quatorze jours de confinement est très faible, très très faible. Et en plus les prélèvements qu'on fait habituellement dans le nez, à 14 jours ils sont négatifs parce que le virus est passé plus profond, il faudrait une technique beaucoup plus invasive, ils n'ont pas de bénéfice. Encore une fois, vous pouvez très bien avoir un test positif et être en pleine forme, et avoir un test négatif alors que vous êtes malade. C'est donc une fausse sécurité."

Aujourd'hui on nous affirme le contraire, via la parole d'Annick Girardin qui reprend les recommandations des scientifiques. Finalement tester en fin de quatorzaine est une sécurité supérieure. S'agira-t-il de tests nasaux comme ceux que décrit Frédérique Sauvat ? Sur ce sujet, le ministère des Outre-mer ne nous a pas répondu.

Alors que faut-il croire ? Ces cafouillages multiples de communication en viennent à provoquer des erreurs et à embrouiller la population réunionnaise. Y a-t-il un intérêt à ne tester en fin de quatorzaine si le CHU lui-même dit que cela n'est pas efficace ? Si oui, va-t-on vraiment attendre que l'on rentre chez soi pour me dépister ? Si on s'avère positif, faudra-t-il alors placer la famille entière en quatorzaine ?

Difficile de continuer à réprimander les théories du complot et les accusations violentes de la population, face à tant de flou et de brouillon...

mm / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
umayun
umayun
4 ans

Entre une fausse sécurité et une vraie insécurité (ne pas tester à la sortie) qui donc balance ?

Ti Léon
Ti Léon
4 ans

Apparemment les tests nasaux ne sont pas fiables: faux positifs et faux négatifs sont trop fréquents.Il faut attendre les tests sérologiques pour prendre des décisions de déconfinement éclairées. Quant à la communication entre les différentes autorités, ministère de la santé, ministère des outre-mer, Ars, préfecture, c'est : "Dis-moi ce que dois faire, je ferai le contraire."