Jusqu'à 45.000 euros d'amende

Motifs impérieux : falsifier une attestation peut vous conduire en prison pour trois ans

  • Publié le 5 février 2021 à 11:42
  • Actualisé le 16 février 2021 à 11:21

Dernièrement, plusieurs passagers ont été verbalisés à l'aéroport Roland-Garros car ils ne possédaient pas le précieux sésame pour voyager : le motif impérieux. Celui-ci est obligatoire pour se rendre à La Réunion. Les passagers doivent dans ce cas payer une amende de 135 euros avant de suivre une septaine (obligatoire d'un point de vue moral), comme n'importe quel autre voyageur. Gare à celles et ceux qui tenteraient cependant de falsifier un justificatif pour voyager. On bascule dans ce cas dans le délit, et celui-ci peut vous coûter cher : jusqu'à 45.000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Depuis le 28 janvier 2021, le motif impérieux est restauré entre La Réunion et l'Hexagone. Impossible, donc, de voyager pour le plaisir, il faut justifier son trajet en avion par une urgence familiale, pour le travail ou des raisons de santé.

Pour autant, certains tentent de passer à travers les mailles du filet. La semaine dernière, la police aux frontières a effectué une série de contrôles sur les voyageurs atterrissant à La Réunion. Lors d'un vol en provenance de Mayotte, trois passagers ont été verbalisés. Le lendemain, pour un vol qui avait décollé de Paris, sept autres voyageurs ont été sanctionnés. Lors de sa conférence du mercredi 3 février, le préfet a indiqué qu'une nouvelle dizaine de passagers avaient été verbalisés pour les mêmes raisons.

Montant de l'amende : 135 euros. Cela peut paraître peu cher payé pour un voyage réalisé sans autorisation car c'est, rappelons-le, la même amende que pour un oubli de masque ou une absence d'attestation en temps de confinement. "Il s'agit d'une amende de quatrième classe", indique la préfecture, qui ne fixe pas les prix, mais se fie aux dispositions de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique. En cas de récidive, l'amende peut être majorée jusqu'à 3.750 euros.

Mais que se passe-t-il une fois que le passager, qui ne devrait pourtant pas avoir pris l'avion, se retrouve à La Réunion ? Impossible de lui faire faire machine arrière, indique la préfecture. C'est la loi : "on ne peut pas expulser un voyageur du territoire national comme cela". L'amende est donc la seule manière de sanctionner les passagers sans motif impérieux. Et une fois la somme de 135 euros réglée, le passager sort de l'aéroport comme n'importe quel voyageur.

- Pas de surveillance renforcée pour autant -

Interrogée au sujet de la "surveillance" des personnes verbalisées, la préfecture indique que les passagers doivent respecter un isolement de sept jours "comme tout le monde" avant de réaliser un test à J+7. Une septaine obligatoire d'un point de vue moral uniquement, le gouvernement ne pouvant pas la rendre obligatoire pour une question de libertés individuelles.

En mai, le Conseil constitutionnel avait en effet rappelé la préfecture à l'ordre : la quatorzaine à réaliser obligatoirement dans un hôtel ou un centre dédié avait été jugée illégale. A partir du moment où les voyageurs s'isolent chez eux, ce confinement d'une semaine est donc un engagement moral. La septaine nécessite "une obligation morale et physique" avait déclaré Jacques Billant lors de l'annonce de cette mesure le 15 janvier dernier.

Lire aussi : Le variant sud-africain complique encore plus les voyages

Un test RT-PCR doit être effectué au terme de cette septaine. Là encore, il n'est pas obligatoire mais très fortement recommandé. Or à ce jour, seuls 30% des passagers font leur test à J+7. "Ça reste insuffisant" se désole la docteure Christine Kowalczyk, présidente de l'Union des médecins libéraux de La Réunion. "Avec l'état d'urgence sanitaire, il faudrait trouver le moyen de rendre ce second test obligatoire" ajoute-t-elle.

- La falsification d'un justificatif durement punie -

Si le justificatif du motif impérieux présenté pour l'embarquement est falsifié, c'est une toute autre ambiance. "Si c'est une fausse attestation, dans ce cas c'est le délit de faux et usage de faux" nous indique le procureur de Saint-Denis Eric Tuffery.

Plus précisément, le défaut de justificatif est un non-respect de l'arrêté préfectoral - et est sanctionné par une contravention - mais la falsification d'un justificatif (un test PCR ou un document nécessaire à la justification du motif impérieux) constitue un délit de "faux et usage de faux en écriture privée".

Il peut s'agir d'un faux certificat de décès qui nécessiterait un voyage pour revenir auprès de sa famille, ou d'un faux contrat de travail justifiant un déménagement... Selon un avocat que nous avons concerté, le degré de gravité peut varier en fonction de la falsification. S'il s'agit par exemple d'un véritable certificat de décès récupéré et dont le nom ou la date a été modifié, la gravité augmente.

Si la police aux frontières (PAF) s'en aperçoit, le passager peut être mené en garde à vue et la police en réfère au procureur. Un large panel est ensuite à sa disposition, du simple rappel à la loi jusqu'à la présentation devant un tribunal judiciaire, étant donné qu'il s'agit d'une infraction pénale. Selon l'analyse du juriste que nous avons interrogé, le parquet peut décider de ne pas envahir le tribunal avec des dossiers de ce genre. Mais il peut tout aussi bien frapper un grand coup à titre d'exemple, "afin d'envoyer un message clair aux faussaires éventuels".

Falsifier un document et s'en servir peut coûter très cher : jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.

- "Un outil dissuasif" -

Le motif impérieux peut-il vraiment limiter la propagation du virus ? Certains mauvais esprits pourraient prendre en compte l'amende de 135 euros - si on se déplace sans attestation - dans le prix de leur trajet et tenter de passer outre les contrôles. A condition d'avoir le goût du risque. Le motif impérieux subit en effet une double barrière : celle de l'embarquement (censé être stricte) et celle de l'arrivée, plus aléatoire. Dans le sens Réunion – Métropole, la préfecture assure qu'en pré-embarquement, aucun passager n'est autorisé à embarquer s'il n'a pas avec lui un motif impérieux viable.

Pour Christine Kowalczyk, le motif impérieux reste cependant dissuasif. "Personne n'a envie de payer 135 euros d'amende quand même. Ça reste une somme significative". De quoi décourager selon elle ceux qui seraient tentés de tricher. "C'est malgré tout un outil efficace pour lutter contre la circulation du virus, cela a d'ailleurs été prouvé en novembre" continue la médecin. "Avec les épidémiologistes nous avons observé une baisse significative des cas positifs, ça a fait baisser les taux."

En octobre-novembre, le retour des vacances avait entraîné un retour du virus, les autorités sanitaires de l'île allant jusqu'à recenser une centaine de nouveaux cas par jour.

Instauré le 30 octobre 2020 à La Réunion pour s'aligner sur le reconfinement de l'Hexagone, le motif impérieux avait ensuite été levé le 15 décembre par la préfecture pour anticiper les départs en vacances. Durant ce mois et demi de restrictions, les cas avaient baissé de façon drastique jusqu'à atteindre une moyenne de 20 nouvelles contaminations par jour environ.

"Aujourd'hui nous ressentons encore les répercussions des vacances, comme en octobre-novembre" compare Christine Kowalczyk pour qui la solution la plus pérenne n'est pas le motif impérieux mais bien la vaccination. "Je me suis moi-même faite vacciner. Il faut accélérer le rythme de vaccination en France."

Lire aussi : Covid-19 : 3.158 personnes vaccinées à ce jour à La Réunion


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1 Commentaires
7AC
7AC
3 ans

"Personne n'a envie de payer 135 euros d'amende quand même. Ça reste une somme significative"Mouais, 135â"¬ sur un budget vacances, c'est peanuts !