
C'était une première mondiale : jeudi 4 mars, quatre patients en réanimation Covid ont été évacués vers l'Hexagone. Un dispositif colossal sur tous les plans. Qu'il s'agisse de la préparation de l'avion ou de l'arrivée des ambulances transportant les malades sur le tarmac, la presse locale a pu suivre presque minute par minute l'élaboration de cette opération de grande ampleur. Un secret cependant : le coût de ce dispositif.
Dès l'annonce officielle de ces quatre evasan (évacuations sanitaires), confirmant une information d'Imaz Press, la directrice de l'ARS Martine Ladoucette a tenu à le spécifier : cette opération est extrêmement coûteuse. "Le principe c'est bien d'y avoir recours (les evasan vers la Métropole, ndlr) le moins possible, compte tenu de tous les risques associés, compte tenu aussi des coûts, on peut aussi en reparler dans le sens où c'est effectivement une réalité économique, on ne peut pas y échapper" a déclaré Martine Ladoucette au cours d'une conférence de presse mardi 2 mars.
Pourtant interrogée sur le coût précis de cette opération, la directrice de l'ARS a cependant spécifié qu'elle ne répondrait pas à cette question : "de toute façon le sujet n'est pas là aujourd'hui" avait-elle rétorqué. Interrogée à ce sujet, la préfecture ne nous a pas répondus à ce stade.
Aujourd'hui il apparaît que ce coût reste secret et ne doit pas être divulgué. "Le coût des evasan ne sera pas communiqué. Il appartient au donneur d'ordre de gérer cette information et dans ce cas présent il s'agit de l'Etat" nous précise Air Austral, compagnie choisie pour l'opération, et ayant fait préparer le 787 qui a mené les quatre patients vers l'Hexagone. La compagnie n'est, de fait, en effet pas habilitée à divulguer ces informations.
Interrogée, la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de La Réunion indique que l'exercice étant "exceptionnel", il sera dur d'en tirer de suite un montant global. "Le coût est très variable, d'une évacuation à une autre, compte tenu de la logistique, des éléments médicaux, de la situation des patients…" nous précise la CGSS.
Rappelons que pour ce vol, des moyens hors normes ont été mis en oeuvre par l'ARS et le CHU : 15 soignants, dont trois médecins et quatre infirmiers du Samu de Paris, ainsi que 800 kilos de matériel médical ont été mobilisés.
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- Entre 300.000 et 400.000 euros estimés -
Consulté, un spécialiste de l'aéronautique estime que l'affrètement de l'avion, un Boeing 787, coûterait entre 250.000 et 300.000 euros. Par ailleurs, dans le cadre d'un vol commercial, chaque civière transportée coûte entre 9.000 à 10.000 euros. Le coût serait supérieur dans le cas de ce vol spécial n'accueillant aucun autre passager, ce qui augmente le coût individuel (montant total divisé par le nombre de voyageurs),
Selon ce même spécialiste, il faut garder en tête que l'aménagement de l'appareil n'est pas une mince affaire. La cabine a dû être divisée en trois parties, comme cela a été indiqué lors de la présentation de l'avion sanitaire le jeudi 4 mars. Une partie était réservée au repos du personnel en vol et des soignants, une deuxième a servi de lieu de changement d'équipement et de protection des médécins et infirmier.e.s, le dernier espace était réservé aux civières. Dans cette partie il a été nécessaire d'enlever une partie des sièges de l'avion pour assurer l'installation des brancards
Le chargement du matériel médical et des 900 litres d'oxygène par patient a aussi un coût. Il faut enfin compter l'assurance supplémentaire, obligatoire sur ce type de vol, et le fuel pour un trajet de 22 heures (aller-retour) réalisé sans escale.
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Tous ces critères semblent amener à un coût total variant entre 300.000 et 400.000 euros quand on y ajoute la préparation du matériel, la mobilisation des soignants, des ambulances, l'arrivée à Paris etc…
Sauver des vies n'a pas de prix, et c'est sans doute la raison pour laquelle l'Etat n'a pas souhaité communiquer au sujet du montant de cette opération. Il est cependant surprenant de garder ce coût secret, au risque d'entretenir les commentaires des plus sceptiques, friands de polémiques. L'évacuation de ces quatre patients mahorais a déjà entraîné une vague de racisme violente sur internet.
Le tout dans un contexte de remise en question de ces évacuatiions sanitaires. Certains élus appellent depuis des mois à la mise en place d'un hôpital militaire à Mayotte, à la mobilisation du Mistral, le navire hôpital de la Marine nationale, ou tout simplement à la modernisation du CHM (centre hospitalier de Mayotte) pour améliorer la prise en charge des patients mahorais. Ces 300.000 ou 400.000 euros, s'ils ont pour l'instant permis de sauver quatre vies, auraient peut-être pu éviter cette même opération en étant injectés au préalable dans les services de santé de Mayotte, remarquent certains observateurs.
Encore aurait-il fallu y penser en amont.
mm/mb/www.ipreunion.com / [email protected]
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