Les élus demandent une prise en compte des spécificités locales

Déracinement, mutations, postes vacants dans l'île : le blues des jeunes enseignants réunionnais

  • Publié le 1 juillet 2021 à 15:32
  • Actualisé le 1 juillet 2021 à 18:58

A moins de deux mois de la rentrée 2021-2022, les député.e.s Karine Lebon et Jean-Hugues Ratenon, ainsi que plusieurs jeunes enseignant.e.s, ont tenu à alerter sur les difficultés rencontrées face aux mutations en Métropole. Ils dénoncent tous un manque de considération des spécificités locales, pointant du doigt que des mutations sont effectuées vers la Métropole tandis que des postes restent vacants à La Réunion. Aujourd'hui, les parlementaires réclament une refonte du système des centre des intérêts matériels et moraux (CICM), qui permettent de prétendre à un poste dans son territoire d'origine en outre-mer (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

"Il y a aujourd'hui une réelle maltraitance administrative envers les enseignants" dénonce Karine Lebon, députée mais aussi ancienne enseignante. "Si les jeunes qui passent le concours du CAPES (pour devenir enseignant ; ndlr) connaissent les règles du jeu et savent qu'ils pourront être mutés vers la Métropole, il y a un réel manque de prise en compte des spécificités locales de la part du gouvernement" souligne-t-elle. Certains jeunes diplômés se retrouvent aujourd'hui mutés en Ile-de-France, en tant que titulaire zone de remplacement (TZR). C'est-à-dire qu'ils ne sont affectés à aucun établissement fixe, et effectueront des remplacements sur un département entier.

C'est le cas de Pauline Etale et Coralie Paulin, titulaire d'un CAPES espagnol depuis 2020. Après avoir effectué leur stage à La Réunion cette année, elles sont toutes les deux mutées à l'Académie de Créteil, en tant que TZR. "On savait que nous allions être muté, mais le fait de n'avoir aucune affectation fixe est un véritable coup de marteau. Nous sommes envoyées dans un endroit que nous ne connaissons pas, sans savoir où se loger pour être au plus proche de notre travail, sans accompagnement aucun de la part de l'Académie" dénoncent-elles toutes les deux. Un crève-coeur pour ces deux Réunionnaises qui souhaitaient initialement rester sur leur île. Regardez :

Si cette situation est commune à tous les nouveaux enseignants, la situation reste tout de même plus délicate pour les ultra-marins. "Ce n'est pas comme pour les Métropolitains, qui sont à un trajet de train ou de voiture de leurs familles ! On ne peut pas rentrer tous les week-end voir ses proches lorsque l'on est ultra-marin et qu'on est envoyé en Métropole, il faut arrêter de mettre tout le monde à la même enseigne" s'agace Jean-Hugues Ratenon. "A vouloir créer une France une et indivisible, ils souhaitent supprimer nos spécificités, mais nous avons nos différences !" ajoute-t-i.

Des situations plus délicates ont aussi été présentées ce jeudi après-midi. Jean Elsen, titulaire d'un CAPES Génie civil, est aujourd'hui muté au Mans. Problème : sa famille est recomposée. Son affectation signifie désormais qu'il doit s'en aller avec sa fille, tout en laissant derrière lui sa femme, et ses deux enfants issus d'un mariage précédent. "En plus de la séparation de notre famille, il faut aussi réfléchir à l'aspect économique : je devrai payer un appartement pour ma fille et moi sur place, et aider ma famille rester à La Réunion en même temps. J'ignore comment faire" déplore-t-il. Comble pour ce professeur contractuel depuis dix ans : le poste qu'il a occupé pendant une décennie sera vacant à la rentrée prochaine, en raison de son départ.

- Détresse et déchirements familiaux -

Une situation inacceptable pour Jean-Hugues Ratenon. "C'est scandaleux que l'on déchire des familles de la sorte, alors que des postes sont disponibles dans l'île ! Et c'est une situation qui est systémique aujourd'hui" s'indigne-t-il.

A l'image d'un autre enseignant, qui a déposé deux recours contre sa mutation suite à de nombreux bouleversements familiaux. "Je suis devenu aidant familial, ma femme ainsi que mon père sont malades. L'Education nationale ne prend pas en compte les situations exceptionnelles ! J'étais tout à fait d'accord pour partir avant, mais la situation a changé, et il n'y aucune prise en considération de ces aléas" regrette-t-il.

Un avis partagé par Amaëlle Galet, titulaire d'un CAPES Lettres et histoires. "J'ai tout fait pour offrir à mon fils le meilleur. Il est très attaché à ses grands-parents, son père l'ayant abandonné. Il rencontre déjà des difficultés aujourd'hui, et je crains que celles-ci s'empirent si nous devons partir de La Réunion. Malgré les certificats médicaux et la recommandation de notre pédopsychiatre, mon recours a été rejeté. Aujourd'hui, je ne sais pas si je dois démissionner ou pas" souffle la mère de famille.

Déchirements familiaux, difficultés de retour à La Réunion, isolement sur place, les problèmes sont nombreux. Et si les CIMM existent, ils sont aujourd'hui trop souples aux yeux des députés. "N'importe qui peut obtenir les points nécessaires à une mutation à La Réunion, je pense que nous pouvons aller plus loin dans l'application que cette mesure" indique Karine Lebon. Jean-Hugues Ratenon n'exclut pas de demander une enquête parlementaire sur la détresse des enseignants ultra-marins. "Nous faisons face chaque jour à des jeunes en détresse, dont la vie de famille a implosé, qui sont isolés" martèle-t-il.

Les députés accusent par ailleurs l'Académie de La Réunion de refuser de communiquer sur les chiffres des mutations et des postes vacants dans l'île. "Nous demandons simplement de la transparence : combien de jeunes réunionnais s'en vont-ils alors qu'il y a des postes vacants ici ? Combien de mutation depuis la Métropole sont effectuées ?" interrogent-ils.

Ils demandent aussi plus de transparence lors des commissions paritaires, où les syndicats ne sont désormais plus autorisés. "Il y a une grande opacité sur les décisions qui sont prises, on ignore pourquoi certains dossiers sont acceptés et d'autres non" indique Karine Lebon. Regardez :

Aujourd'hui, malgré de nombreux courriers, le rectorat comme le ministère de l'Education nationale, seraient restés muets face aux demandes des députés. "L'administration demande aux enseignants de faire preuve de bienveillance, mais elle est incapable d'en faire preuve elle-même" regrettent les élus.

as/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
Lalevee, depuis son mobile
Lalevee, depuis son mobile
2 ans

Suppression de tous les avantages pour les chasseurs de primes et priorité à l embauche lovale lorsque cela est possible.. Au moins ceux qui arrivent ne se croiront pas en pays conquis. Ils auront choisi la destination Reunion et ne seront pas expatriés comme certains le disent. La REUNION c est la FRANCE.

lan
lan
2 ans

https://www.youtube.com/watch'v=9j0FWeHZJZw

DOM
DOM
2 ans

Les règles sont connues de tous lors de l'inscription aux concours, il s'agit de concours nationaux. Il est normal de devoir assumer les règles de mobilité quand on est fonctionnaire et repostuler à son territoire d'origine en cours de carrière. Il faut considérer que les primes d'éloignement très intéressantes dans les DOM sont faites justement pour les gens qui sont loin de chez eux. Dans ce cas retirons les 35% de primes lol!!! Enfin c'est une règle pour qu'elle soit juste qui devrait être appliquée à tous les francais sur tous les territoires, bon courage aux RH... Soyons réaliste le brassage, les mutations font partie de la vie d'un fonctionnaire.