
• "Dictature" : on en est (très) loin
A en croire certains opposants au vaccin et au pass sanitaire, la France serait devenue une dictature en raison des nombreuses restrictions mises en place pour endiguer l’épidémie de Covid-19. S’il n’est pas question de juger de la pertinence ou non de ces mesures, il semblerait que la réalité d’une vie sous le joug d’une dictature ne soit pas forcément bien connue des utilisateurs de cette invective.
Commençons par rappeler la définition du mot dictature. Selon le dictionnaire de l’Académie Française, la dictature est un "régime politique dans lequel une personne, un groupe, détient tous les pouvoirs en interdisant toute forme de contrôle et toute manifestation d’opposition". Une autre définition donnée est celle-ci : "autorité absolue, pouvoir arbitraire".
Chaque week-end, des milliers de personnes défilent dans les rues en France. Ces protestataires auraient peu de chance de pouvoir le faire en scandand eurs revendications sous un régime dictatorial. Et si la dictature laissait une manifestation se dérouler, les conséquences seraient catastrophiques avec une répression sanglante.
L’histoire récente est riche,, hélas, d'affaires concernant l’élimination physique sans aucune forme de procès des opposants politiques, en Russie, au Biélorussie, en Chine, en Irak, en Iran, en Afghanistan en Corée du Nord notamment. Dans ces pays là, mêmes les familles et les proches des opposants subissent les représailles des dictateurs
En France, et donc à La Réunion, rien de tel ne s’est passé lors des derniers rassemblements. Les manifestants ont pu circuler et faire entendre leurs revendications. Si des débordements ont été constatés, on est très loin des répressions sanglantes constatées dans les dictatures.
Notons aussi que dans les dictatures, les pouvoirs du dirigeant - dictateur sont absolus et ne sont pas le fruit d’une élection libre et sincère. Certes, le taux d’abstention aux élections frôle des records ces dernières années - mettant à mal à juste titre la légitimité des politiques -, , mais l’électeur doit-il pour autant blâmer l’élu qui a respecté le processus démocratique ?
Si le système politique français mérite peut-être d’être réformé, en aucun cas la France ne se retrouve aujourd’hui dans une situation de dictature et de privation de toutes libertés, contrairement à certaines populations qui vivent malheureusement au quotidien sous le joug d’une dictature qui les prive de tout.
• Nazisme, collabo, étoile jaune... une déformation de l'histoire
Certains certains opposants au vaccin et au pass sanitaire comparent la situation actuelle et les mesures de restrictions à la douloureuse décennie de 1935 à 1945 marquée par la montée du nazisme et ses conséquences : la Seconde Guerre Mondiale, le port de l’étoile jaune, et l'avènement des collabos.
Le nazisme est responsable de la mort de près de 60 millions de personnes, victimes directes et indirectes de la folie meurtrière d’Adolfe Hitler.
Cette idéologie a théorisé une hiérarchie au sein de l’espèce humaine, divisée en "races". Au sommet de la pyramide se trouvait la "race aryenne" regroupant les humains à la peau blanche et aux yeux clairs.
Sur cette échelle, les juifs, les homosexuels, les communistes, les personnes en situation de handicap, les tziganes, les slaves, notamment, se trouvaient tout en bas, symbolisant les classes les plus détestées et qu’il fallait éliminer.
C’est le nazisme qui aura été à l’origine d’un des plus grands massacres organisé la Shoah, de la mise en place des camps de concentration où 15 à 20 millions de personnes ont été déportées, emprisonnées ou exterminées.
Cette crise sanitaire et les restrictions actuelles sont donc aujourd’hui comparées à cet épisode tragique de l’histoire et à ses conséquences.
Le Pass sanitaire est comparé à l’étoile jaune que les juifs étaient obligés d’arborer sur ordre des nazis.
Ceux qui ont fait le choix de se faire vacciner ou encore les journalistes s’efforçant d’informer, sont traités de "collabos". La référence porte sur ces personnes qui dans la France occupée ont aidé les soldats allemands et la Gestapo dans leurs actions d'exermination.
Joseph Szwarc, un survivant de la rafle du Vel d’Hiv a d’ailleurs exprimé son indignation face à ces comparaisons malsaines. Le 18 juillet dernier lors de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français, il avait souligné : "vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point cela m’a ému. Cette comparaison est odieuse ! Il faut se lever tous contre cette ignominie. Les larmes me sont venues, je l’ai portée l’étoile moi, je sais ce que c’est, je l’ai encore dans ma chair. C’est le devoir de tous de ne pas laisser passer cette vague outrancière, antisémite, raciste qui rode. Je crois que c’est un devoir primordial".
Elie Wiesel, prix nobel de la paix et survivant de la Shoah, disait : "on ne peut pas vivre sans le passé. Si on oublie le passé, notre humanité est mutilée". Cette citation semble aujourd’hui prendre tout son sens à travers ces comparaisons inquiétantes, tant sur la forme que sur le fond.
• Apartheid, une comparaison sans aucun fondement
Lors de la manifestation de ce samedi 21 août quelques pancartes Pass = Apartheid sont apparues. Sans doute plus qu'en Métropole le concept d'apartheid a une résonnance sinistre dans la mémoire collective. Mot de la langue afrikaans signifiant "séparation, mise à part", l'apartheid a été une politique de "développement séparé" affectant, selon des critères raciaux ou ethniques, les populations du pays dans des zones géographiques déterminées.
Cette "séparation des races" a été mise en place à partir de 1948 par le régime raciste d'Afrique du Sud. Il a été aboli le 30 juin 1991. Il aura fallu des décennie de lutte, notamment menée par le grand Nelson Mandela, pour que cessent les souffrances, les humiliations, l'ignominie infligés au peuple noir de ce pays rabaissés au rang d'objet. Des milliers de personnes sont mortes sous les coups des racistes, des milliers ont été emprisonnés...
Pour son plus grand honneur, La Réunion a soutenu le combat des Noirs d'Afrique du sud. Le parti communiste réunionnais avec Huguette Bello notamment, a été localement le fer de lance de ce combat.
Le pass sanitaire, même dans toute sa rigueur, n'a strictement aucune similitude avec l'apartheid. Ne pas pouvoir entrer dans un restaurant parce que l'on est pas vacciné ou testé négatif au Covid n'a rien de commun avec l'exclusion de tous les droits humains en raison de sa couleur de peau. Il serait bon de s'en souvenir
• 666, le Covid annonciateur de l’apocalypse ?
Dans les manifestations des pancartes affichent aussi le chiffre 666, connu comme étant le "nombre de la bête". Ce chiffre apparaît dans l’Ancien Testament, plus précisément dans l’Apocalypse, chapitre 13. Dans ce livre, son auteur, Jean décrit sa vision de la fin du monde avec deux bêtes de l’apocalypse. La deuxième bête "amena tous les hommes, gens du peuple et grands personnages, riches et pauvres, hommes libres et esclaves, à se faire marquer d’un signe sur la main droite ou sur le front. Et personne ne pouvait acheter ou vendre sans porter ce signe : soit le nom de la bête, soit le nombre correspondant à son nom", ce nombre étant le 666.
A l’heure où le pass sanitaire est devenu un sésame pour quiconque veut effectuer certains achats, certaines personnes qui adhèrent aux théories apocalyptiques voient donc dans ce dispositif cette marque de la bête annonciatrice de l’arrivée de la fin du monde.
Une autre raison est à chercher du côté d’une interview d’Emmanuel Macron donnée au Financial Times le 17 avril 2020 et dans laquelle il évoque la "bête de l’événement". Une phrase que les adeptes des théories du complot ont utilisée pour affirmer que le président de la République a annoncé l’arrivée de l’apocalypse avec cette épidémie.
Or, selon plusieurs médias et notamment lemonde.fr ont pris le soin d’effectuer un travail de "check news" (vérification de l'information). Il apparait que cette phrase a été sortie de son contexte. Si ces mots sont bien ceux d’Emmanuel Macron, ce dernier fait référence à plusieurs éléments d’actualité majeurs que sont l’épidémie, le terrorisme, mais aussi "d’autres chocs".
Comme à son habitude, le président de la République aime s’appuyer sur des références historiques, littéraires ou religieuses pour donner davantage de force à son propos. C’est ce qu’il a fait en utilisant la notion de "bête de l’événement" pour souligner l’ampleur inédite de ce qui se passe partout dans le monde en créant, potentiellement, le sentiment de vivre une période apocalyptique.
Faut-il y voir la marque de Satan pour autant ? Il faudrait surtout raison garder...
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