
"On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants", un système de l’enseignement supérieur "où un tiers des étudiants sont boursiers et où, pourtant, nous avons tant de précarité étudiante et une difficulté à financer un modèle qui est beaucoup plus financé sur l’argent public que partout dans le monde pour répondre à la compétition internationale" a déclaré Emmanuel Macron lors de son discours de clôture du 50ème anniversaire du congrès des présidents d’université.
"Nous avons besoin d’avoir une nouvelle politique d’investissement pour pleinement projeter nos universités dans la compétition scientifique du 21ème siècle" déclare-t-il à 25min12. Regardez :
Le chef de l'Etat a d'ailleurs défendu son bilan pour l'enseignement supérieur avant de présenter les réformes à venir dont la fin de la quasi-gratuité des études. Il s'est aussi exprimé sur le budget alloué à l'enseignement supérieur, le quatrième plus important du gouvernement.
Depuis 2017, le budget alloué à l'Enseignement supérieur est passé de 22,2 milliards à 24,6 milliards d'euros, un budget trop conséquent pour Emmanuel Macron qui veut appeler à revoir la gouvernance des universités. "Oui, nous devons aller vers plus d’autonomie en termes d’organisation, de financement, de ressources humaines" a-t-il déclaré.
La ministre chargée de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal, elle, a mené plusieurs mesures en ce sens à savoir : l'autorisation aux universités à faire payer des frais d’inscriptions aux étudiants étrangers ainsi que la mise en place d'un système de sélection pour l'entrée en master à l'instar de Parcoursup. Le choix des étudiant.e.s sur dossier se veut plus pointu.
- L'université, l'ascenseur social -
"C’est une annonce inquiétante, c’est la première fois depuis longtemps que l’on remet la quasi-gratuité de l’université" explique Rudrigue Sautron, président de l'Unef à La Réunion, et pour qui l’accès à l’université est un "droit fondamental" de par son aspect d'"ascenseur social" pour toutes celles et tous ceux désireuses et désireux de faire des études.
La mise en place d’un système anglo-saxon, à l’instar des Etats-Unis où des étudiants doivent emprunter une somme colossale pour être en mesure de faire des études, favorise "la sélection sociale" selon le président de l’Unef. "Les étudiants des classes les plus riches pourraient faire leurs études, ce n’est pas normal" scinde-t-il.
Un non-boursier doit dépenser 2.100 euros pour les frais de rentrée et cela comprend la caution pour un logement dans le privé et les autres charges pour vivre. Aujourd’hui l’inscription en licence est de 170 euros, un montant qui pourrait augmenter dans les années à venir selon Rudrigue Sautron.
Keran Lin, étudiant boursier en deuxième année de Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) estime que cette annonce "est une mauvaise chose car tout le monde a le droit de vouloir poursuivre ses études après le bac. Mettre fin à la quasi-gratuité de l’université pourrait fermer beaucoup de portes à des jeunes qui ont beaucoup de talent et de capacité" ajoute-t-il.
- Des aides insuffisantes pour la précarité étudiante -
Si Emmanuel Macron envisage la fin de la quasi-gratuité de l’université, ce dernier ne s’est pas exprimé au sujet de la précarité étudiante, "une situation qui dure depuis des années" juge Rudrigue Sautron. "La précarité étudiante est très importante à La Réunion car 63% des étudiants sont boursiers et bénéficient des aides sociales. Les échelons 6 et 7 sont les plus impactés" souligne-t-il.
Le Plan " 1 jeune, 1 solution", le service civique, le repas à un euro, l'aide d’urgence allouée par le Crous... Les mesures prises par le gouvernement sont diverses mais "restent insuffisantes pour aider les étudiant.e.s à sortir de la précarité" estime Rudrigue Sautron.
De son côté le Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) compte 12.916 étudiant.e.s boursiers pour l’année 2021-2022 contre 12.016 en 2020. Le Crous explique que "les étudiants demandent plus d’aides mais ce n’est pas lié à la précarité étudiante. Ils ne pensent pas forcément à une aide sociale".
Sur les 300 euros de bourse qu’il touche, Keran Lin "dépense facilement 200 euros pour l’inscription en club et l’achat de matériel", des dépenses nécessaires pour sa scolarité en Staps. "Les aides ne sont pas du Crous mais de la Région et c'est limité selon notre année d’étude" explique l’étudiant. L’aide obtenue en début d’année universitaire permet d’acheter un ordinateur, une tablette ou un autre appareil électronique "pour suivre les cours d’économie" ajoute-t-il.
- La vie étudiante, compliquée et coûteuse -
Keran Lin déplore la difficulté de la vie étudiante, surtout en Staps, une filière complexe où "le niveau régional demandé dans chaque sport pratiqué entraîne beaucoup de blessures". "Si tu es redoublant tu es mis de côté" explique-t-il. "Les cours sont souvent mal organisés, parfois tu reçois un mail pour te dire que tu as cours 15 minutes avant. C'est très compliqué quand tu prends les transports" dit-il.
La crise sanitaire a impacté de plein fouet les étudiant.e.s et cela depuis l'année 2020. Keran Lin a hélas l'impression que "rien n’a changé" depuis qu'il a commencé à étudier en Staps. D'ailleurs la fin des repas à un euro, les étudiants non-boursiers "doivent débourser 230 euros de plus par an" pour se nourrir selon lui.
L’Unef a organisé une distribution de colis alimentaires pour les étudiant.e.s les plus précaires, "une action qui n’a pas lieu d’avoir, car ce n’est pas normal qu’à aucun moment on ait pensé à aider les étudiant.e.s pour leur alimentation et pour leur protection. Ce sont des choses qui devraient être gratuites" insiste Rudrigue Sautron.
Pour faire face aux difficultés de la vie étudiante et notamment de la vie chère, l'Unef Réunion demande un complément de bourse de 100 euros pour les boursiers ultramarins ainsi que la mise en place d'une allocation autonomie calculée sur les besoins des étudiant.e.s et non le revenu des parents. "Le calcul sur le revenu exclut beaucoup d’étudiants alors que c’est eux qui vont en cours, pas leurs parents. "
Les étudiants sont inquiets après l’annonce d’Emmanuel Macron. Certains sont perdus, "ils ne savent pas s'ils doivent rester en cours à l’université" indique Rudrigue Sautron, "ils sont aussi inquiets pour la société de demain" souligne-t-il. Une crainte : que la fin de la quasi-gratuité de l'université entraîne une baisse considérable de futurs diplômés.
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