Courrier des lecteurs

Sea Shepherd écrit au Préfet de l'Ile de la Reunion

  • Publié le 15 mai 2013 à 11:15

Monsieur le préfet de la Réunion vous faites état d'un probable déséquilibre au large de la côte ouest de la Réunion. Pourtant lʼIRD et les scientifiques nʼont à ce jour rendu publique aucune conclusion allant dans ce sens. Dans cette "problématique requin" qui implique les citoyens réunionnais bien au delà de la sphère de certaines associations et fédérations, il paraît surprenant que lʼEtat renforce les mesures de pêche et donc dʼatteinte aux populations de requins, sur la base dʼun "probable dérèglement" sans en apporter les preuves irréfutables.

Si lʼon peut faire état, à notre connaissance, dʼune anomalie; cʼest celle de lʼabsence de requins de récifs (compétiteurs des requins bouledogue) sur cette côte Ouest alors que les requins côtiers sont bien représentés. La responsabilité de cette absence de requins de récifs ne saurait raisonnablement être imputée aux autres espèces de requins. Les représentants du Conseil scientifique de la réserve Marine de la Réunion mais aussi tous les observateurs avertis de ce récif vous confirmeront que ces requins de récifs ont disparu du littoral Ouest aux cours des années 1970 à 90. Ils ont disparu car les activités humaines de pêche et de chasse sur leurs proies et sur leurs propres populations les ont décimés, avec en facteur aggravant, la dégradation massive de leur niche écologique (le récif frangeant de lʼouest réunionnais) du fait des pollutions dʼorigine humaine.

Il serait regrettable que lʼEtat fasse dire aux études ce quʼelles ne disent pas, simplement pour abonder dans le sens des demandes de certains lobbys partisans de lʼélimination du " problème requins " par la destruction de ces derniers. Il serait totalement inique aujourdʼhui de porter atteinte aux populations de requins côtiers en leur faisant porter la responsabilité de lʼabsence de requins de récifs. Lʼanalyse qui consisterait à dire : " nous constatons une sur représentation des requins bouledogues et lʼabsence de requins de récifs, alors il faut réguler les requins bouledogues " paraît clairement comme étant un prétexte irrecevable pour légitimer la destruction dʼanimaux qui vivent simplement leur existence au service des équilibres des écosystèmes et non contre eux.

Déjà depuis septembre 2012 vos services ont lancé une campagne de pêche sous couvert dʼune réévaluation de la présence de toxines ou métaux lourds, interdisant leur commerce, dans la chair de ces animaux. Pourtant ces constats ont déjà été fait pour lʼensemble des poissons de récifs réunionnais et à fortiori, de ceux qui sʼen nourrissent comme les requins. Encore une fois nous avons le sentiment que la science sert simplement de prétexte pour tuer des animaux sauvages utiles et adaptés à leur écosystème.

Aujourdʼhui vous lancez donc lʼexpérimentation dʼengins de pêches dites " drum lines ". Soyons clairs, une drum line est une palangre verticale munie dʼun ou plusieurs hameçons, cʼest une technique de pêche efficace pour la capture des requins. Les animaux piégés ainsi meurent rapidement ou attirent d'autres gros requins sur zone en devenant eux même des appâts; et jamais son pouvoir répulsif n'a été démontré. Nul besoin dʼexpérimenter ; cette technique fonctionne et elle est connue de longue date par les pêcheurs. La drum line nʼa donc rien dʼun mystère et nʼest en rien novatrice. Cʼest une technique de pêche totalement incompatible avec la gestion raisonnée de la " problématique requin ". A lʼexception peu probable quʼune surpopulation ou quʼun déséquilibre soient clairement constatés, ce qui à ce jour nʼa pas été démontré par les scientifiques.

Monsieur le préfet de la Réunion, nous vous prions de bien vouloir rendre public les conclusions scientifiques prouvant lʼorigine et le constat du déséquilibre sur lequel vous appuyez votre politique de pêche aux requins. Cela paraît indispensable pour que les décisions que vous prenez au nom de lʼEtat français ne puissent être qualifiées de partisanes et orientées.

Pour finir, nous vous rappelons que les populations de requins sont extrêmement fragiles face à la pression de pêche. Ces animaux ont une maturité sexuelle très tardive (10 ans pour le requin bouledogue) combinée à une gestation longue. Leur fécondité reste donc très faible. La Nature fait bien les choses et contrôle ainsi naturellement les populations de ces requins, nul besoin de la main de lʼHomme qui en matière d'intervention en milieu sauvage nʼa souvent semé que le désordre. Aussi vous comprendrez notre grande inquiétude quant aux dernières décisions que vous avez validé pour tenter de parer à la problématique des accidents entre humains et requins.

Soyez assuré, Monsieur le Préfet de La Réunion que Sea Shepherd continuera, avec lʼaide de toutes les bonnes volontés conscientes des enjeux, à faire scrupuleusement respecter la réglementation de la Réserve Nationale Marine de la Réunion devant les tribunaux français et européens. Nous nʼaurons de cesse de défendre ce qui a été - difficilement - mis en place pour protéger et transmettre aux générations futures un patrimoine naturel préservé. La prospérité future de lʼile en dépend et cʼest là lʼintérêt certain non pas de quelques uns, mais de tous.

Sea Shepherd Reunion, pour Sea Shepherd France

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