Tribune libre de Pierre Vergès

Réunion-Afrique : un pont trop loin ?

  • Publié le 31 mai 2014 à 18:00

A l'occasion de la visite dans notre île, en ce début de semaine, de l'Ambassadeur de France en Afrique du Sud, Son Excellence Mme Barbier, à qui je souhaite la bienvenue, il me semble utile de nous interroger sur l'état de nos relations avec le continent africain. La Réunion est partie intégrante de l'espace africain. Trop souvent, nous en sous estimons la portée, alors que le continent africain se trouve à moins de 3 heures d¹avion de nos côtes.

Le continent africain sera un prochain pôle de croissance forte. La Réunion doit donc s’inscrire dans ce mouvement, car nous devons trouver une autre alternative à notre économie principalement tournée vers la France continentale et l'Europe. D'autant plus que les transferts financiers de la France sont en voie de raréfaction.

Selon les prévisions de l’Institut national d’études démographiques (INED), l’Afrique est la région du monde qui connaîtra la croissance la plus forte d¹ici 2050. La population africaine, estimée à 1,1 milliards d’habitants en 2013, passerait à 2,3 milliards en 2050.

Mais surtout, selon les derniers chiffres de l’ONU, la croissance économique y est déjà supérieure au taux mondial. Ainsi, entre 2001 et 2010, sur les dix économies enregistrant le rythme de croissance le plus rapide, six étaient africaines.

C'est l'Afrique qui assurera à l'avenir plus de la moitié de la croissance de la population mondiale.

Comment La Réunion peut-elle profiter de ce bouleversement géopolitique ?
Car l’Afrique a encore besoin de compétences et d'expertises.

Aujourd'hui, l'IEDOM note que les échanges régionaux de La Réunion dans la zone sont "très limités, peu diversifiés", et que pourtant l'Afrique du Sud "représente un partenaire potentiel important en terme de PIB". Pour l'IEDOM, "la non participation de La Réunion et de Mayotte aux accords régionaux (SADC -menée par la puissante Afrique du Sud- et COMESA), constituerait un frein au développement de l'export".

Le regretté Roland Robert, alors vice-président délégué à la Coopération Internationale, avait à l'époque fait venir dans notre île l’émissaire du Secrétaire Exécutif du NEPAD (l’agence de Développement de l’Union Africaine).

L'objectif était de parvenir à un accord pour que La Réunion puisse participer aux programmes de renforcement des capacités des Etats africains prioritaires dans la zone australe et de l’océan Indien, dans la recherche agricole ou encore dans la formation en français des diplomates africains à La Réunion. Ce rapprochement hautement stratégique devra être recherché pour multiplier les échanges profitables pour l'avenir.

Concernant le tourisme, les visas ont été supprimés pour les Sud Africains. Pourquoi alors avons-nous accueilli moins de... 254 touristes de ce grand pays, alors que Maurice en a accueilli l’année dernière plus de 97 000 ?

Depuis la LOOM (loi d¹orientation pour l¹outremer), le Parlement français nous a octroyé le droit de signer des accords diplomatiques dans les limites de nos compétences. Force est de constater qu’elle n¹a été que très peu utilisée. Des accords ont été conclus avec les Comores, Madagascar et le Mozambique sous la mandature de Paul Vergès, et avec les Seychelles récemment sous la mandature de Didier Robert.

La loi a ensuite renforcé la compétence en matière d'action internationale de nos collectivités en leur permettant de nommer des agents diplomatiques représentant le territoire près les Ambassades de France. Ce décret qui date de 2012 n¹a malheureusement jamais été actionné par La Réunion, à la différence des Antilles et de la Nouvelle Calédonie.

Enfin, au niveau de l’utilisation du FEDER-POCT (fonds européen de développement régional - programme opérationnel de coopération territoriale), il nous faudra être plus ambitieux pour la période 2014-2020.

L’une des exigences qu’a imposée l’Union Européenne aux collectivités réunionnaises pour la programmation 2014-2020 sera que celles ici s’impliquent davantage dans des relations de réciprocités et directes avec les Etats de la zone.

Serons-nous prêts à y mettre les moyens et à nous débarrasser de nos préjugés à l'égard de notre environnement, et de nos tendances à croire que Paris doit décider de notre destin à l’international ? Ce n’est ni Paris, ni Bruxelles qui nous y obligent. Au contraire, ils nous incitent fortement à l'ouverture sur le monde.

L¹avenir de nos relations dans notre environnement régional nous appartient.

Pierre Vergès
Conseiller général

guest
7 Commentaires
Payet
Payet
2 mois

Payet .
Vous pensez qu 'en restant sous la domination de l'union européenne .nous allons nous en sortir ? Detrompez vous l'avenir est au BRICS et l'Afrique du sud en fait partie.Tournez le regard du haut de la carte vous avez l'inde et de l'autre côté à 3 h de nous l'Afrique.La Reunion se trouve au millieu des futurs puissances les BRICS . l'Europe est devenu plus pauvre avec ses guerres si nous restons a ses chevets nous allons mourir.Mon île ,si belle honneur a nos ancêtre .Elle se doit grandir dans la paix et la prospérité.

Dilât Larât
Dilât Larât
9 ans

Il convient de saluer comme il se doit l'apparition d'un humoriste original avec le nouveau Pierre Vergés. Jamel et compagnie peuvent aller se rhabiller, la relève est là, après l'Alliance, et la traversée du désert, Ti'Pierre a pris le mesure d'une carrière à rétablir, et s'implique avec humour dans la vie publique, à l'instar d'un Jérôme Commandeur. Ce patronyme de scène lui irait d'ailleurs comme un gant s'il n'était déjà pris, mais Ti'Pierre joue les Commandeurs avec instinct, privé qu'il est, de façon héréditaire, de tous les "préjugés" sur l'environnement qui affectent le boug' moyen. L'international chez lui c'est une seconde nature, formé par le feu et très regretté Roland Robert, à des visions géopolitiques de première bourre. Il est vrai que Monsieur Pierre est un spécialiste de l'intelligence économique atmosphérique. Le 8 décembre 2004, lors d'un grand rassemblement consacré à cette intelligence là, Pierre Vergès, alors vice-président de la région Réunion, et légume en chef de D6, le centre d'intelligence économique de La Réunion, déclarait doctement devant un public tout acquis à la cause péi, intervention retranscrite pieusement par Témoignages, un journal aujourd'hui disparu : "Arrivée à la "fin d'un cycle", après la sortie du statut colonial et la politique de rattrapage par "l'égalité sociale", La Réunion est aujourd'hui confrontée à la nécessité "d'inventer de nouvelles alternatives" en prenant, au coeur d'une région stratégique, toute sa place "d'interface de l'Afrique, l'Inde et l'Europe dans un monde devenu multipolaire". Et le même Pierre Vergès d'expliquer, toujours cité par son journal, par "un rapide tour d'horizon des regroupements régionaux qui s'opèrent dans notre région" l'élu régional a conclu, à "l'urgence d'une stratégie", dans le cadre de développement durable tracé par l'Agenda 21..." Dix ans après où en sommes nous ? Pierre Vergès qui n'est plus que conseiller général fait toujours de beaux discours, mais après deux mandats à la tête de la région, son père présidant cette assemblée, rien n'a vraiment changé. Et le seul "pont" existant entre l'Afrique et La Réunion est privé...

sitarane
sitarane
9 ans

Mettre en place le voyage à l'envers, un pont, une autoroute, un boulevard vers l'Afrique !

sassbaf, depuis son mobile
sassbaf, depuis son mobile
9 ans

A force de faire croire que la Reunion n'a pas besoin de l'Afrique,nous risquons de se mordre les doigts,et se trouver isoler de tous.la situation de la France est preoccupant,si tous le monde savaient combient de portugais sont partis dans les enceins colonie en Afrique pour chercher du boulot,je crois que les Reunionais reflechira 1000 fois a se diriger petit a petit vers l'Afrique avant que c soit trop tard car les annees du grand puissance francais ne reste que les annale,heureusement qu'on a le droit de veto a l'ONU.

Justin
Justin
9 ans

Pierre Vergès, une chance pour La Réunion… tant qu'il reste là où il est. On se souvient des œuvres accomplies sous le règne de ce grand penseur péi, notamment la falsification du marché public de l'endiguement de la rivière des galets, ce n'est pas de la méchanceté gratuite, on a payé très cher pour le savoir à l'époque, quand monsieur fils jouait au "marron" pour échapper à ses responsabilités et à la justice. Et que dire de sa présidence de l'IRT, 617.000 € de pertes cumulées en seulement deux exercices, 2008 et 2009, sans parler de la SR21… et que dire de la maison de ce monsieur, construite en empiétant sympathiquement sur les terrains communaux, à La Possession, avec l'indifférence appliquée de feu Roland Robert… Alors, svp, Pierre Vergès et compagnie, on a déjà donné !

kalouma
kalouma
9 ans

Bêtise, étroitesse de vue et méchanceté gratuite motivent le message de Takafat.
Sur le fond, Pierre Vergès a totalement raison et une des questions -soulevée implicitement- est en effet : qui va prendre le relais, au CG, de l'action engagée par Roland Robert dans ce qu'elle a eu de très positif ? La question de l'utilisation des fonds européens est une base de coopération avec notre élu au parlement européen, Younous Omarjee. Ceci, pour ce qui concerne les collectivités et institutions.
Mais les élus ont aussi besoin de s'appuyer sur des actions concrètes engagées par des professionnels, dans les différents domaines : dans quel(s) cadre(s) une telle coopération -public/privés- serait-elle envisageable, au niveau réunionnais déjà (pour consolider entre nous et répandre dans l'île une véritable culture de coopération ? (celle qui a cours, on le constate dans le message de Takafat, vole encore assez bas).
Je voudrais prendre un exemple dans le domaine culturel, parce que je vois des choses bouger dans le domaine du cinéma. La Région, sous les précédentes mandatures de P. Vergès, a pris des mesures qui ont permis de situer notre île parmi les "décors" possibles pour des tournages et cela a eu des incidences sur les formations et l'émergence d'une pépinière de professionnels à laquelle il ne manque plus que de prendre conscience d'elle-même et de ce qu'il est possible de faire avancer ensemble. Cette conscience existe chez certains professionnels : il reste à se rassembler et à se donner des objectifs pour consolider le secteur ici, pour en faire une base de création d'emplois locaux, de formation, etc. et de coopération avec les pays de la zone : en Afrique du Sud, au Mozambique, à Madagascar, à Maurice et aux Seychelles, il existe un secteur du cinéma avec des niveaux de développement très inégaux, mais voilà... toute la question est là : sommes-nous capables de nous unir pour faire avancer, pas à pas, ce qui nous rassemble et galvanise les énergies? La question est posée en ce moment, aux acteurs du cinéma - qui ne sera peut-être pas jugé ultra prioritaire par nos élus... mais serait-il possible au moins d'en discuter ? Avec qui et dans quel cadre ? C'est aussi une question qui se cherche une réponse concrète en ce moment. A-t-on quelque part un bilan chiffré de l'action de la Région et de l'ADCAM (aujourd'hui Agence du film) entre 98 et 2010 ? Tout élément susceptible de nous faire avancer à ce sujet est bienvenu (je laisse mon adresse mèl à ipr).

Takafat
Takafat
9 ans

Ti Pierre serait-il en mal de voyages officiels comme au bon vieux temps de l'IRT qu'il présidait ? Pour le reste, nombre de responsables économiques réunionnais, notamment les conseillers au commerce extérieur de la France s'impliquent activement dans des actions visant à faire connaître et pénétrer les marchés africains, dont M. Goulamaly, qui sait y faire dans ce domaine, connaît aussi bien le PCR que les crevettes malgaches… Le souvenir qu'a laissé le PCR à papa, à Mada, aux Comores, en Afrique du Sud et ailleurs n'est pas brillant, colonie de vacances bidon pour le troisième âge à Mada, coopération régionale à fonds perdus, mais pas pour tous, avec ce grand professionnel du jumelage qu'était feu Roland Robert, voyages pour aller voir des match de foot en RSA avec Claude Hoarau, que de beaux souvenirs et de belles ambitions. Pierre Vergès n'est sans doute pas le mieux placé à La Réunion, et dans la classe politique locale pour donner des leçons d'économie - même domestique. Fort heureusement, il ne reste plus grand chose à endiguer aujourd'hui, dans le fond de nos rivières.