Tribune libre de Brigitte Adame

Courrier à Emmanuel Macron suite à sa visite aux Camélias

  • Publié le 30 octobre 2019 à 09:21
  • Actualisé le 30 octobre 2019 à 09:22

Monsieur le Président de la République, lors de votre récente visite dans notre département, vous avez souhaité rencontrer des Réunionnais directement dans leur quartier, sans filtre institutionnel, afin de vous faire une idée plus précise des difficultés auxquelles nous devons faire face.

Ainsi, le jeudi 24 octobre dans le quartier des Camélias, à Saint-Denis, vous avez pu échanger avec des habitants sur plusieurs problématiques qu’ils rencontrent au quotidien. Ils sont devenus pendant ce court moment, les porte-voix des difficultés de l’ensemble des Réunionnais, partout sur l’île. J’ai pu, moi aussi, vous faire part de nos projets et des défis que nous relevons chaque jour, au niveau communal, pour aider nos compatriotes.

Au-delà des cas individuels, vous avez pu constater que la situation sociale à La Réunion reste très difficile pour bon nombre de nos familles, et vous devez retenir l’ampleur de ces difficultés, sans aucune mesure avec ce qu’il se passe en hexagone, avec un taux de chômage à 24% et pire, à 42% chez les jeunes.

Nous n’attendons pas de solutions miracles car elles n’existent pas. Cependant, nous avons connu des politiques publiques de soutien à l’emploi et l’insertion des publics les plus fragiles, notamment via les emplois aidés, qui avaient eu des résultats probants et offraient un début de solution. Aujourd’hui, la doctrine gouvernementale a changé et ces dispositifs, dont les emplois d’avenir à 35 heures, ont disparu.

Leur remplacement par les PEC, Parcours Emplois Compétences, a probablement un intérêt sur certains territoires. Ici, leurs contraintes en termes d’éligibilité, leur faible financement par l’État, leur nombre insuffisant, ajoutés aux faibles moyens dont disposent les agences de Pôle Emploi et les missions locales chargées de les mettre en œuvre, en font un dispositif largement inefficace. Cela ne permet donc ni un suivi adéquat de nos personnes fragiles, ni les sorties positives. La finalité du PEC est ainsi remise en question. Notre territoire a besoin de contrats adaptés, avec une prise en charge à la hauteur du défi dont vous avez pu prendre la mesure.

La question du logement est aussi primordiale. La rénovation urbaine des Camélias, initiée en 2009, est toujours en cours et crée des tensions. Les retards de chantier du bailleur social ont durablement perturbé la quiétude de nos familles. Malgré nos interventions répétées, de nombreuses personnes, dont des personnes âgées et des bébés, vivent toujours dans des conditions inacceptables du fait des retards ou des travaux mal réalisés. En même temps, les charges des loyers augmentent, peut-être en compensation de la baisse des allocations logements dont bénéficient les bailleurs sociaux.

Or, ce sont les habitants qui nettoient eux- mêmes les espaces communs dans certaines résidences. L’encadrement des charges qui composent les loyers est nécessaire. Ceci est vrai aux Camélias comme probablement dans de nombreuses autres zones d’habitation.

Nos quartiers sont aussi ravagés par les violences faites aux femmes. Vous nous avez réaffirmé que la lutte contre les féminicides et autres violences intrafamiliales sont une priorité nationale. Néanmoins, la prise en charge des victimes reste insuffisante, autant par les services de l’État que par nos forces de police ; ce qui crée un sentiment d’abandon de la part des victimes et d’impunité de la part des agresseurs. En effet, les plaintes ne sont pas systématiquement enregistrées.

Récemment, une femme de notre quartier a subi un viol et une tentative d’homicide. Après quelques jours à l’hôpital, sans qu’elle ne sache où se trouvait son agresseur, il lui a été proposé de rentrer chez elle et ce, sans accompagnement. Cela est inacceptable et contraire aux ambitions portées par la ministre Marlène SCHIAPPA. Il est aujourd’hui nécessaire de soutenir pleinement nos associations de défense des droits des femmes qui se substituent, en de nombreux points, aux services de l’État.

Enfin, comme dans de nombreux quartiers du territoire national, les trafics de stupéfiants mettent à mal notre jeunesse. Notre île a récemment été le théâtre d’affaires de drogues avec de nouvelles voies d’approvisionnement. L’évolution de la situation nécessite que l’État puisse adapter les moyens de lutte contre les drogues dures qui si elles devaient se propager, produiraient des effets désastreux sur une jeunesse déjà fragilisée par l’inactivité.

Vous m’avez dit très clairement que je pouvais compter sur vous. J’estime que la parole d’un Président de la République qui voulait se confronter à la réalité du terrain doit avoir de la valeur.

Pour comprendre nos habitants, nous devons les écouter. Pour écouter les gens, il faut avoir de la considération. Pour avoir de la considération, nous devons aimer les gens. En tant qu’élue de quartier, je suis témoin au quotidien de la souffrance des familles, je suis confrontée aux sollicitations constantes des jeunes mais aussi des demandeurs d’emploi de plus de cinquante ans, pour qui un emploi est avant tout un accès à la dignité.

Passé le temps de l’échange, de la prise en considération des réalités de terrain, j’attends donc aujourd’hui des réponses claires, nouvelles, à la hauteur des préoccupations que nous vous avons collectivement exposées.

Dans l’attente de votre réponse,
Salutations respectueuses.

Brigitte ADAME

Adjointe au maire de Saint-Denis déléguée au projet de rénovation urbaine des Camélias

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1 Commentaires
Volcan974
Volcan974
4 ans

Bien dit