Tribune libre d'Huguette Bello

Une rentrée des classes particulière

  • Publié le 25 mars 2020 à 15:47
  • Actualisé le 25 mars 2020 à 15:48

Cette rentrée des classes est particulière. En effet, elle a lieu dans un contexte inédit de crise sanitaire qui ramène sur le devant de la scène, de façon exacerbée, les problèmes de pauvreté, d'inégalités, de logement, d'illettrisme, d'illectronisme, de niveau d'instruction, d'insertion, de chômage... A l'instar de l'ensemble des Réunionnais, la communauté éducative traverse une épreuve dont les conséquences psychologiques et sociales sont à redouter. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

J'ai une pensée pour chacun de ses membres. Pour les enfants d'abord. Ce confinement bouleverse leur quotidien. Même si je sais, par mon expérience de directrice d’école, la très grande capacité d'adaptation des enfants, toutefois le confinement sur une longue durée est générateur de stress et d’anxiété. Dans ces moments d’une gravité exceptionnelle, la plus grande attention et protection doivent leur être accordées.

Pour leurs parents ensuite. Au devoir de respecter le confinement, à la responsabilité de rassurer et faire vivre aux enfants la situation le mieux possible, en plus des habituelles charges quotidiennes et du travail soit à domicile soit à l’extérieur pour certains, s'ajoute la nécessité de participer à la continuité pédagogique. Les sources de stress sont augmentées par rapport à ce qu’était leur vie avant le confinement. Malgré tout, chaque enfant à la maison aura besoin d’aide bienveillante et d’un environnement serein, propice à la continuité pédagogique. Ce ne sera pas facile tous les jours, mais je connais la grande solidarité présente dans chaque famille réunionnaise et l’immense dévouement de nos enseignants. C'est un atout de taille pour surmonter cette crise.

Pour les enseignants enfin, nos " hussards noirs " de la République ! Les enseignants doivent relever un défi majeur : continuer à incarner la mission civique d’instruire tous les élèves malgré le confinement. J'ai connaissance de leurs difficultés, de professionnels et de parents, mais j'ai surtout une confiance absolue en leur courage, intelligence et grande capacité d'innovation et d'adaptation.

La crise sanitaire nous met en demeure d’expérimenter " l'école à la maison ". C'est un enjeu majeur pour la société réunionnaise. Et si les réponses apportées ne sont pas à la hauteur, les conséquences sociales seront graves.
Le risque apparaît avec évidence de voir augmenter le fossé entre les enfants, dans l’apprentissage, car tous ne partent pas avec " les mêmes chances ". Tous ne pourront pas étudier à domicile avec la même efficacité, la même réussite.

Je parle là des enfants les plus démunis de notre île.

Un jeune Réunionnais de moins de 18 ans sur deux, est un enfant de famille pauvre ! Ils sont 115 500 !

Bon nombre de ces enfants vivent dans ces familles domoun mizèr, spectatrices d’un autre monde : "nou la pwin zordinatèr, nou la pwin internet, soman dann télé i amont riyink marmay néna" ;

Nous le savons, la fracture numérique est prononcée dans notre île :
- un Réunionnais sur 4 ne dispose pas d'un ordinateur à son domicile (ni ordinateur fixe, ni portable, ni netbook, ni tablette).
- Et chez les non diplômés, 4 Réunionnais sur 10 n’ont pas d’ordinateur fixe, ni portable, ni netbook, ni tablette !
- Pour ce qui est d’internet, 3 Réunionnais sur 10 n’ont pas accès à internet à domicile.
- Et près d’un Réunionnais sur quatre ne s’est jamais connecte a internet.

Le déficit d’équipement n’est pas le seul handicap, l’illettrisme stagnant de notre population (116 000 personnes concernées) en est un aussi. Penser que toutes les familles peuvent participer à la continuité pédagogique, c’est être aveugle à la réalité de la société réunionnaise !

" L’illectronisme ", la non maîtrise des Technologies de l’Information et de la Communication sont aussi un facteur d’inégalité : bien des parents réclament de l’aide pour affronter l’inconnu des espaces numériques de travail. L’ENT (Environnement Numérique de Travail) et Pronote restent le " Monde enfoui " pour bon nombre de parents. Eduscol et la plateforme pédagogique du CNED, " ma classe à la maison ", les " classes virtuelles ", c’est une vaste " Terra incognita " pour la plupart des parents qui me disent se sentir impuissants, honteux de ne pas savoir, de ne pas pouvoir, parce qu’eux-mêmes n’ont pas les moyens intellectuels, le niveau d’instruction requis, ne sont pas " allés loin à l’école ". Ces parents d’aujourd’hui, sont ce tiers des jeunes Réunionnais, soit 31 000 jeunes, qui ont quitté chaque année le système scolaire sans diplôme. Nous ne devons pas non plus oublier que, même si les jeunes générations de parents sont plus diplômées que les anciennes, La Réunion est l’une des régions ayant le moins de diplômés de l’enseignement supérieur.

En plus de la pauvreté monétaire, l’habitat et la structure familiale sont les principaux facteurs socio-économiques qui différencient les enfants réunionnais précaires.

Beaucoup d’élèves ne peuvent s’isoler pour travailler, faute d’espace dans des logements souvent très exigus. En effet, les enfants pauvres vivent là où vivent plus de la moitié des Réunionnais c’est-à-dire dans des quartiers urbains ou ruraux précaires qui cumulent les fragilités économiques et sociales les plus aiguës de l’île, pauvreté monétaire, chômage, non insertion des jeunes de 16-24 ans, logement sociaux et surpeuplement du logement ; Parfois trois générations vivent sous le même toit dans des conditions de promiscuité peu propices au travail des enfants.

Face à la réalité de la société réunionnaise, comment penser et aider l’Ecole, en ces temps de crise et de confinement, pour qu’elle ne renforce pas les inégalités existantes ? La réponse à cette question offerte à l’intelligence des Réunionnais-es, relève de la responsabilité de tous.

A tous les membres et personnels de la communauté éducative : je vous assure chacun de mon entier soutien et de mon plein engagement à vos côtés.

A tous les Réunionnais : je souhaite à chacun de vous de traverser cette période difficile le mieux possible. Avec courage, dans la paix et la solidarité.

Huguette BELLO

Députée de La Réunion

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1 Commentaires
Possession
Possession
4 ans

La sainte patronne parle tjrs d'un sujet pour laquelle persn n'a demander. .alors madame arrêtez de faire croire que sa vous préoccupe alors que vous ne penser qu'au prochaines élections pff pathetique